Un mal qui répand la terreur …

Par Collectifnrv



Un mal qui répand la terreur, 
Mal que le Marché en sa fureur 
Inventa pour punir les crimes des tradeurs, 
La Grippe [puisqu'il faut l'appeler par son nom] 
Capable de pourvoir aux émois des télévisions, 
Faisait aux  libéraux la guerre. 
Ils ne mouraient pas tous, mais tous étaient frappés : 
On n'en voyait point d'occupés 
A chercher le soutien d'une mourante vie ; 
Nul bonus n'excitait leur envie ; 
Ni  riches ni banquiers n'épiaient 
La douce et l'innocente proie. 
Les financiers se fuyaient : 
Plus d'amour, partant plus de joie. 
Le bouffon tint conseil, et dit : Mes chers amis, 
Je crois que le Marché a permis 
Pour nos péchés cette infortune ; 
Que le plus coupable de nous 
Se sacrifie aux traits du divin courroux, 
Peut-être il obtiendra la guérison commune. 
L'histoire nous apprend qu'en de tels accidents 
On fait de pareils dévouements : 
Ne nous flattons donc point ; voyons sans indulgence 
L'état de notre conscience. 
Pour moi, satisfaisant mes appétits gloutons 
J'ai détourné force millions. 
Comment les justifier ? Nulle honnête dépense : 
Même il m'est arrivé quelquefois de manger 
Des français le budget 
Je me dévouerai donc, s'il le faut ; mais je pense 
Qu'il est bon que chacun s'accuse ainsi que moi : 
Car on doit souhaiter selon toute justice 
Que le plus coupable périsse. 
- Sire, dit la Roselyne, vous êtes trop bon Rat ; 
Vos scrupules font voir trop de délicatesse ; 
Et bien, gruger moutons cotisants, sotte espèce, 
Est-ce un péché ? Non, non. Vous leur fîtes Seigneur 
En les dupant beaucoup d'honneur. 
Et quant au budget l'on peut dire 
Qu'il était digne de tous vos maux, 
Etant de ces gens-là qui sur nos impôts 
Se font un chimérique empire. 
Ainsi dit la Ministre, et flatteurs d'applaudir. 
Aussitôt dit, aussitôt fait, 
C’est ainsi qu’au divin marché, 
Séance tenante allègrement furent sacrifiés, 
Et leur budget et leur santé et les français. 

Urbain