Après la parution de notre dossier sur l’école à la maison dans notre numéro de septembre/octobre 2009, certains lecteurs ont voulu partager leur expérience d’élève ou de parent enseignant à domicile. Notre journaliste Gabriel Alexandre Gosselin a recueilli le témoignage d’André Stern.
André Stern considère ne jamais avoir reçu l’école. Musicien, luthier, journaliste et auteur, son livre, paru en allemand (mais écrit originellement en français, langue dans laquelle il n’est pas encore publié) relate son enfance. L’ouvrage fait fureur en Allemagne et alimente un débat sur le vieux continent.
J’aime raconter mon histoire, celle d’un enfant non-scolarisé, parce qu’elle est inhabituelle. J’aime la raconter, car je n’ai rien à vendre. Cette histoire démontre la multiplicité des intérêts et des manières d’apprendre que la non-scolarisation engendre. Elle offre également l’occasion de vérifier si les mille maux annoncés s’abattent réellement sur celui qui ne va pas à l’école et s’il devient, conformément aux prédictions, un sauvage illettré, végétatif et asocial. Je me souviens du quotidien, fait de rencontres et de jeux. J’étais un enfant heureux et plein d’enthousiasme. Apprentissage et jeu sont, pour moi, synonymes.Mes semaines étaient chargées et pourtant affranchies du stress, de la concurrence et de la course à la performance. Nous avons tous appris notre langue maternelle à notre manière et à notre rythme, au même titre que nous avons appris à marcher ou à employer à bon escient les mimiques et les gestuelles de notre culture. Sans méthode, par simple observation et imitation du monde alentour. Pourquoi devrait-on alors trouver étonnant que j’aie appris à lire et à écrire de la même manière ?
La société ne se réduit pas à l’école
L’une des premières questions que l’on me pose à ce sujet est toujours: «Mais le contact avec les autres enfants ne t’a-t-il pas cruellement manqué ?» Cette question comporte un sous-texte: «L’instruction n’est pas le seul rôle de l’école. Elle est surtout l’endroit où l’on apprend à vivre en société et où l’on acquiert la compétence sociale indispensable à la vie quotidienne.»
À cela, je réponds par une question: pourquoi considérer comme primordial le contact avec d’autres enfants ? Peut-on admettre que la date de naissance et la situation géographique des enfants soient les seuls critères sur lesquels les rassembler ? J’ai vécu un contact et un partage permanent avec les autres : certains plus jeunes, d’autres plus vieux. L’enrichissement mutuel découlait justement de cette diversité. C’est ce que je souhaite offrir à mes enfants.