Contribution carbone : le régime des industries et les avancées européennes en discussion

Publié le 20 janvier 2010 par Sequovia

Jean-Louis Borloo a proposé quelques pistes pour améliorer la contribution carbone. Les difficultés semblent de taille pour contrer les objections du Conseil Constitutionnel qui avait censuré certaines exemptions, et les discussions devraient encore être soutenues jusqu’à une proposition de loi qui devrait arriver en « avril – mai ».

Cet article fait partie du dossier spécial de Sequovia sur la taxe carbone.

Les industries les plus polluantes sur le devant de la scène

Si le prix de la tonne restera a priori à 17 euros et les exemptions faites à l’agriculture, le transport routier et la pêche seront maintenues, la question des 1018 installations industrielles appartenant à des secteurs particulièrement polluants (sidérurgies, cimenteries, papeteries, verreries, raffineries…) posent problème.

En effet, elles sont déjà soumises au systèmes de marchés de quotas d’émission (Emission Trade System) de l’Union Européenne, ces crédits-carbone leurs sont attribués à titre gratuit jusqu’en 2013 et mis en place à la suite du Protocole de Kyoto. Elles ne paient donc qu’une pénalité si elles dépassent ce quota alloué. Le Conseil Constitutionnel estimait ainsi que ces industries devraient être taxées sur ces émissions pendant la période de transition 2010-2012.

De plus, la Conférence de Copenhague avait pour objectif de fixer des directives pour gérer « l’après-Kyoto », mais comme chacun le sait, ces négociations n’ont abouti qu’à un accord de principe sur des engagements. Un doute plane donc encore sur l’avenir des marchés

Enfin, l’annonce, mardi, d’un record de faillites en 2009 dans l’industrie (le plus élevé depuis 1993) fait que les négociations avec les industries risquent d’être discutées âprement.

Les premières pistes laissent à penser que ces industries pourraient bénéficier d’un taux réduit par rapport aux 17 euros la tonne de CO2 qui sera appliqué aux ménages à partir du 1er juillet si le calendrier est tenu. La directive européenne sur les aides à l’environnement ouvre aussi la possibilité d’un abattement à hauteur de 80 %.

Pour que le mécanisme soit redistributif de la même façon que les ménages (bénéficiant de chèques verts ou de crédits d’impôts), plusieurs pistes sont envisagées : un système de bonus-malus  permettant de récompenser les entreprises aux pratiques énergétiques vertueuses ou un crédit d’impôt sur les investissements pour continuer d’inciter les industries concernées à orienter leur développement vers une réduction des émissions de CO2 ou des risques industriels.

Profiter de l’occasion pour installer la contribution carbone au niveau européeen

D’ici que la nouvelle proposition de loi soit rédigée, l’Union européenne se sera peut-être dotée de sa propre taxe carbone. La Commission européenne pourrait faire des propositions dans les prochains mois.

Michel Rocard préconise ainsi de « supprimer le système de marché de quotas européens » et de « le remplacer par une taxe carbone européenne », dans un entretien aux Echos à paraître jeudi. Ce qui, selon lui, « règlerait d’un seul coup l’ensemble des problèmes d’équité fiscale qui pourraient se poser à l’intérieur des pays européens ».

En outre, « cela donnerait de la prévisibilité aux acteurs économiques, alors que le marché est aujourd’hui très spéculatif ». La tonne de CO2, qui s’achetait 17 euros sur le marché l’été dernier, est tombée ensuite à 9 euros avant de remonter à 13 actuellement.

« La présidence suédoise a d’ailleurs fait cette proposition de taxe carbone générale à l’Union européenne ».

Ce serait une mesure intéressante car, comme nous vous l’expliquions dans notre précédent article, elle pourrait être couplée à une taxe carbone aux frontières qui permettrait de se prémunir d’éventuelles « fuites de carbone » dues à la non-taxation des produits importés.

L’avis Sequovia

Alors que la contribution carbone est encore mal comprise et mal acceptée par 51% des Français qui estiment que M. Sarkozy et son gouvernement ont « tort » de proposer un nouveau projet de loi (contre 39 % qui estiment qu’ils ont raison, d’après un sondage Les Echos), la pédagogie doit être la règle au gouvernement et dans les articles traitant du sujet, pour reconquérir la confiance des Français pour une taxe qui s’annonce bien plus comme un projet de société que comme une « taxe en plus ». Sequovia a d’ailleurs participé à cet élan de pédagogie à travers son dossier spécial sur la taxe carbone.

La possibilité d’une taxe carbone européenne donne aussi une légitimité et une dimension nouvelles à la contribution carbone « à la française ».