Ce n’est peut-être encore qu’un frémissement. Dans les rédactions, au sein de l’opinion publique, les discours se font moins cassants, l’ironie laisse place à une certaine curiosité. Imperceptiblement, les regards sur la Première secrétaire du PS commencent à changer. Hier encore, elle était l’illégitime. Aujourd’hui, elle intrigue. Et si la meilleure arme contre Sarkozy, était son anti-modèle ? Pour répondre à ces questions, nous avons interrogé le Président de la chaîne Public Senat, Gilles Leclerc :
Martine Aubry, meilleure opposante selon le baromètre Opinion Way rendu public cette semaine, voit en outre sa cote de popularité gagner 6 points. Peux t-on parler d’un effet Aubry en ce début d’année 2010 ?
Oui, très vraisemblablement. Plusieurs raisons expliquent ce frémissement. D’abord la Première secrétaire du Parti Socialiste n’est plus contestée en interne. Après une année difficile, et des soupçons de fraude, sa légitimité n’est plus remise en cause, alors que dans le même temps Ségolène Royal connait des difficultés.
Ce mouvement est ensuite lié à des facteurs objectifs. Plus on se rapproche de l’échéance présidentielle, plus les Français s’intéressent au scrutin, en recherchant notamment un challenger à Sarkozy. Les critiques récurrentes sur le bilan du Président à mi-mandat, laissent entrevoir une victoire possible pour la gauche. Or, en tant que leader du principal parti d’opposition, Martine Aubry s’impose naturellement comme un potentiel candidat.
Enfin, la progression observée est aussi liée à des facteurs subjectifs. Martine Aubry est en progrès. Elle bosse dur, et le travail qu’elle fournit commence à émerger, au sein du PS, mais aussi au-delà. Elle se sent mieux, et ca se voit.
Quels sont les ressorts de la méthode Aubry depuis son accession au poste de Premier Secrétaire ?
Martine Aubry joue l’anti Sarko. A la fois par nature et par calcul politique. Plus discrète, anti bling-bling, elle bosse, remplit ses missions et demeure patiente. Elle commence certainement à penser à l’élection présidentielle, mais n’a pas un égo surdimensionné. Si elle estime qu’elle est en condition, elle ira. Par ailleurs, un deal a très probablement été passé avec Strauss-Kahn. Le mieux placé, celui qui est davantage en position, passe devant.
Martine Aubry, mais aussi François Hollande qui se lancent alors que la jeune garde se jette dans le grand bain. Va-t-on assister à un match des anciens contre les modernes durant les primaires socialistes ?
Nous sommes à deux ans de la prochaine campagne présidentielle. Autant dire qu’elle a lieu demain. Et aujourd’hui les prétendants crédibles se comptent sur les doigts d’une main : Martine Aubry, Laurent Fabius, François Hollande, Dominique Strauss Kahn et François Hollande. Il n’y en a pas d’autres. Les quadras pourront aller aux primaires pour jouer 2017 ou un poste ministériel, mais ils ne sont pas en position pour 2012. Car l’enjeu est de trouver un candidat crédible, c’est-à-dire capable de s’opposer à Nicolas Sarkozy mais aussi avec la stature nécessaire aux yeux des Français pour endosser l’habit présidentiel.
Martine Aubry est-elle notre Angela Merkel à la Française ?
Elle joue cette carte-là autant par calcul que par nature. Il faut maintenant qu’elle suscite un appétit, qu’elle trouve une ou deux mesures phares. Mais Martine Aubry a de nombreux atouts. Son spectre assez large : elle peut jouer la carte populaire, grâce à son implantation locale à Lille et se prévaloir de son expérience ministérielle qui la positionne comme présidentiable. Elle dispose enfin de réseaux au sein du patronat, où elle a effectué une partie de sa carrière.
Les élections régionales constitueront pour elle un premier test à ne pas rater. Ensuite les sondages vont jouer pour beaucoup et trancheront sur le choix du candidat capable de gagner face à Nicolas Sarkozy.
Propos recueillis par Matthieu Chaigne