Samedi. Remontant les rives de l'Isar sous la neige, bosqués esseulés, tout encombrés par leur propre réalité - froid hurlant dans une pénombre métaphysique. Je sors de la nouvelle Pinacothèque de Munich, ivre de joie et comme chaque fois fou de jalousie : que ne nous permet-on, à nous autres littérateurs, pareilles audaces ! Quand les artistes peintres, plasticiens, vidéastes, réinventent chaque fois la structure et le sens même d'une installation, quand chacun de leurs gestes est attentat contre le banal et ses ordres moroses, appel de cet oeil sauvage qu'il faut pour regarder le neuf, nos romans aux formes sagement "Oui-Oui", aux si médiocres appétits, sont une insulte à Joyce, à Proust, à Valery, à Musil, à Faulkner, à Beckett. Formes pré-stendhaliennes, prétention de hableurs, tranquillité de faussaires, audaces parodiques de fils à papa. Ah non décidément, nous parlons d'ailleurs et d'autre chose. Et tant pis pour le commerce.