Ulysse et les sirènes

Par Sylvielectures
(2),suite : J'ai la chance de pouvoir travailler autour d'une exposition qui s'appelle "Odyssée d'eau". Elle propose des coffres, qui, à la manière des théâtres de papier nous plongent dans l'univers de tableaux inspirés de grands mythes semblant nés de l'eau.
C'est l'occasion pour moi de chercher des livres pour la jeunesse qui nous parlent de ces mythes et /ou de ces tableaux. Bon prétexte à quelques nouveaux messages !
Ulysse et les sirènes; Herbert Draper, XIXe siècle

Mary Pope Osborne raconte les aventures d'Ulysse
C'est dans une langue très accessible que nous découvrons au chapitre 3, page 149 : Le chant des sirènes.
Nous pouvons lire ou faire lire ce livre aux plus jeunes, sans que de trop nombreuses difficultés ne viennent rendre l'exercice périlleux, voire ennuyeux. Je pense que c'est une bonne première approche.
Un autre livre me sert bien ou m'a beaucoup servi pour raconter ces histoires à de jeunes enfants ou à des enfants en grande difficulté : c'est l’Odyssée, adaptée par Henriette Bichonnier et illustrée par Véronique Ageorges, aux éditions Rouge et Or. Malheureusement, celui-ci est épuisé. Il a l'avantage de présenter de nombreuses illustrations très lisibles, avec des sirènes à pattes d'oiseaux, comme il se doit! (Les enfants ne connaissent souvent que les sirènes à queue de poisson, comme dans le tableau de H. Draper...)
Extrait de Mary Pope Osborne :
"Alors que le noir vaisseau se rapprochait de l'île, Ulysse entendit des voix portée par la brise. Ce chant était bien plus beau que tout ce qu'il avait déjà entendu ou imaginé : un chant aigu, doux et musical. Les paroles des sirènes flottaient dans l'air :
"Écoute, brave Ulysse,

Écoute nos voix!
Personne ne passe notre île sans s'arrêter
Pour entendre notre chant.
Celui qui l'entendra aura la sagesse,
Celui qui l'entendra
Connaîtra le secret des dieux."
Extrait d'Henriette Bichonnier :
"Le chant des sirènes était si beau qu'Ulysse ressentait une terrible souffrance. Ses cris affreux montaient du bateau alors qu'on se rapprochait du rocher; Il supplia, hurla, menaça. Mais les marins continuaient à ramer tranquillement. Comme ils n'entendaient rien, les cris de leur chef ne pouvaient les émouvoir, ni le chant des sirènes."

12 récits de l'Iliade et l'Odyssée; adapté par Michel Laporte, illustrés par Frédéric Sochard.
C'est un condensé de l'Iliade et l'Odyssée, en douze récits abordables pour les plus jeunes collégiens. On passe vite sur les aventures... Le chant XII est très court. Pour les illustrations, encore des sirènes à queue de poisson...

"-Ulysse, viens à nous ! Arrête ton noir vaisseau ! Avec ton équipage, viens écouter notre chant. Nous savons les mots qui affligent la terre et nous connaissons leurs remèdes aussi. Ulysse, viens à nous ! Nous te dirons ce que trament tes ennemis car tu brûles de savoir ce qu'il se passe dans la verte Ithaque ! Elles chantent ainsi. Leurs voix incomparables donnent à Ulysse un violent désir d'approcher, d'écouter. "

Le Voyage d'Ulysse; Lorris Murail
Ce livre est paru dans la collection bien nommée " Les Romans des légendes". C'est un véritable roman d'aventure qui est proposé là, et qui réussi la gageure de tenir le lecteur en haleine à partir d'un classique. Il s'adresse aux bons lecteurs de collèges.
"_Viens Ulysse, viens à nous. Arrête ton navire et écoute nous. Nul n'est jamais passé devant cette île sans écouter la mélodie qui sort de nos lèvres. Ensuite, ceux qui ont entendu notre chant s'en vont le coeur heureux, plus riches, plus forts. Ecoute car nous savons tout de toi, tout des souffrances que les dieux t'ont envoyées, tout de ce qui s'est passé sur cette terre.
Elles chantaient ainsi et je n'avais plus qu'un seul désir : les entendre encore et encore. Là-bas, je le savais, blanchissaient sur le rivage les os des imprudents qui s'étaient laissés ensorceler par le chant merveilleux des sirènes."
L'Odyssée; Homère; Traduction de Victor Bérard.
L'Odyssée en extraits d'une traduction qui a fait date, par un helléniste de renom. Ici le style est plus présent. C'est une belle langue pour découvrir un classique; On a accès au récit d'Homère,et c'est dans le Chant XII, que nous entendons les sirènes :
"Le Choeur.-Viens ici ! Viens à nous ! Ulysse tant vanté! l'honneur de l'Achaïe !...Arrête ton croiseur : viens écouter nos voix ! jamais un noir vaisseau n'a doublé notre cap, sans ouïr les doux airs qui sortent de nos lèvres; puis on s'en va content et plus riche en savoir, car nous savons les maux, tous les maux que les dieux, dans les champs de Troade, ont infligés aux gens et d'Argos et de Troie, et nous savons aussi tout ce que voit passer la terre nourricière. Elles chantaient ainsi et leurs voix admirables me remplissaient le coeur du désir d'écouter."
L'Odyssée; Homère; adaptation de Michel Woronoff; illustrations de Bruno Pilorget
Voilà mon adaptation préférée de ce texte. J'ai eu l'occasion d'en lire des extraits à haute voix et ça marche bien ! Simplicité et poésie se conjuguent avec un retour à l'oralité, qui siée bien au texte.
"Je préviens mes compagnons du danger des Sirènes, grâce aux conseils de Circé. Nous sommes en vue de leur île; tout à coup le vent tombe; un calme plat s'installe, sans un souffle d'air; un dieu endort les vagues. Mes compagnons se lèvent, amènent les voiles et les rangent dans les creux de la cale. Ils s'assoient aux bancs et font blanchir la mer sous les coups de leurs rames polies. Moi, du bronze aigu je coupe en petits morceaux un grand gâteau de cire, je l'écrase entre mes mains puissantes. La cire s'amollit sous mes doigts et à la chaleur du soleil. Je bouche les oreilles de tous mes compagnons, un par un. Eux m'attachent pieds et poings. Nous poursuivons notre route. Mais le bateau qui file sur la mer n'échappe pas au regard des sirènes; elles entonnent leur chant, à voix claire :
"Viens ici, Ulysse légendaire, arrête ton bateau, viens entendre notre voix à toutes deux. Aucun bateau à coque noire ,n'a jamais longé notre rivage sans succomber au charme de notre chant mélodieux. Nous savons tous les malheurs dont les dieux ont accablé Achéens et Troyens dans la vaste Troade. Nous savons tout ce qui se passe sur la terre féconde."
Ulysse : Le chant des sirènes; Sébastin Ferran
C'est le volume 2 d'une trilogie qui vaut qu'on s'y intéresse. Cette libre adaptation de l'oeuvre d'Homère en bande dessinée est bien construite et en séduira plus d'un. Les sirènes sont ici de magnifiques femmes oiseaux maléfiques. Lorsqu'elles plongent dans la mer pour rencontrer Poséïdon, leurs ailes se transforment en immense nageoires voilées, et leurs serres en majestueuses queues de baleines. C'est un joli compromis entre les sirènes à pattes d'oiseaux et les sirènes à queues de poisson....
"Ulysse, Ô Ulysse...
Ton long voyage est enfin terminé...
Roi des hommes nous chanterons tes louanges...
Viens avec nous...
ÔUlysse...
Sois sans crainte, Ô Ulysse...
Ulysse, viens...
Nous effacerons ta peine, ta souffrance...
Viens te restaurer parmi nous..."
Pour aller plus loin et savoir comment les Sirènes ont atterri sur l'île aux sirènes, pourquoi elles sont si méchantes et intraitables nous pouvons lire :

Les trompeuses Sirènes du rivage : Les sirènes de l'île aux sirènes sont les quatre filles du fleuve Acheloos. Elles chantent merveilleusement bien et attirent les marins en les envoûtant.
Elles veulent se mesurer aux muses et arrivent à concourir... Elles perdront... Humiliées, elles se réfugient aux îles des Sirénuses. Depuis, elles ne pensent qu'à faire le mal...
Elles tenteront d'anéantir les argonautes, mais vont échouer grace à la musique d'Orphée, plus forte que leurs chants. Deux périront. Les deux qui resteront seront celles qu'Ulysse affrontera...
Nous retrouvons ce même conte illustré par Arnaud Hug, dans Histoires de Sirènes et Autres Créatures Fabuleuses, aux éditions Milan, dans la collection "Mille et un contes".
Enfin, dans un livre déjà cité dans le message Vénus, Mythologie grecque, contes et récits; François Busnel; illustré par Christophe Blain l'histoire d'Orphée nous est contée, et bien sûr, la rencontre de ce héros avec les sirènes, alors qu'il faisait partie de l'équipage de l'Argos.
"Au retour de l'expédition, lorsque le bateau doubla au large de l'île des sirènes, ce fut lui qui évita que tous fussent engloutis dans les abysses. Car les sirènes étaient des créatures démoniaques, mi-femmes, mi-poissons. Elles apparaissaient aux marins sous l'aspect de jeunes filles séduisantes et, lorsqu'elles se mettaient à chanter, envoûtaient les hommes au point que ceux-ci abandonnaient leur navire et se jetaient à la mer pour les rejoindre. Elles reprenaient alors leur horrible visage de vieilles sorcières et entraînaient les infortunés navigateurs dans les profondeurs des ténèbres ! Averti du danger par Apollon, Orphée, dès qu'il aperçut les Sirènes, se mit lui aussi à chanter. Un chant si fantastique que les Sirènes, surprises et charmées, laissèrent filer le navire. On dit même que, désespérées d'avoir été ainsi surpassées, les Sirènes se suicidèrent ! Pourtant, deux d'entre elles étaient encore là quelques générations plus tard lorsque Ulysse croisa dans les parages..."

Et maintenant, pour le plaisir, quelques images....


Et puis, à voir absolument : l'exposition virtuelle de la BNF ( le retour à Ithaque, cliquez sur l'image)