De la survie de l'espèce "Office de Tourisme" [1]

Publié le 19 janvier 2010 par Jlboulin @etourismeinfo

Article à deux mains de Ludovic Dublanchet et Jean-Luc Boulin

De plus en plus, les Offices de Tourisme et autres gestionnaires de destinations sont concurrencés dans leurs missions régaliennes, et se voient parfois détournés de leur réels services (accueil du public “administratif et citoyen” le week-end, agences de voyages devant être rentables, Point Multi Service combinant l‘épicerie pas toujours fine, connexion internet, librairie, habillement etc.).

Pendant ce temps, le web social, instantané, et évidemment mondial est en train de tout révolutionner : de la co-construction d’un produit, en passant par l‘élection d’un homme politique (prenons le pari utopiste et résolument optimiste que l‘élu de demain ne sera plus celui coopté par quelques dizaines de vassaux, mais celui qui aura le plus et le mieux échangé avec les citoyens sur ses actions passées et futures, notamment à travers les réseaux sociaux), jusqu’au secteur du tourisme !

En quoi l’Office de Tourisme est-il petit à petit remplacé dans ses prérogatives?

  • Vous ne voulez pas “trier” parmi la multitude de votre offre ? Pas de souci, avec Tripadvisor, Zoover, Vinivi, Trivago et autres, les touristonautes le font pour vous !
  • Vos visites guidées se vendent de moins en moins bien ? Peut-être parce que des applications en mobilité comme Localyte, Cityzeum, ou de vrais gens comme les Greeters, Insiders,... accompagnent différemment, peut-être plus humainement vos touristes.
  • L’office de Tourisme n’est pas adapté pour être un lieu d’accueil et de rencontres entre touristes ? Ceux-ci se donnent maintenant des rendez-vous et se localisent à travers Facebook ou Twitter, créent des communautés éphémères (le secteur privé des villages vacances cogite d’ailleurs sur le sujet : MarmaraFit, ClubMed Insider, …).
  • Trop de touristes et des flux difficiles à gérer dans votre office ? L’info est disponible, encore une fois en mobilité, grâce à de nombreux acteurs (Dismoioù, AroundMe, …) qui fédèrent les données, notamment à partir de Google Maps.
  • Compliqué et coûteux de fournir une connexion wifi à votre clientèle, notamment étrangère, lui évitant de coûteuses connexions ? Le McDo (super en terme d’image !!), au pire, le cafetier/hôtelier/restaurateur malin du coin, au mieux, le fera.

On pourrait poursuivre évidemment encore longtemps, et montrer à quel point le touristonaute/mobinaute, aujourd’hui déjà, encore plus demain, va alimenter en prestations et conseils concrets l’ensemble de ses pairs, mais aussi des services et prestataires privés qui savent aujourd’hui utiliser cette tendance.

Pourtant, l’office de tourisme a dans cette évolution-là une double carte à jouer, et il ne faut pas qu’il rate cette main!

Tout d’abord le local Office de Tourisme restera un lieu de passage intéressant, voire incontournable, pour le public de la destination si à la fois des outils numériques adaptés et des services intéressants sont proposés au visiteur en mobilité.

Les outils, ils sont à adapter avec les nouvelles technologies : bornes interactives, écrans tactiles animés, écrans LCD, etc. qui vont rendre l’office attractif et intéressant pour le visiteur.

Un nouveau marketing de services aux visiteurs est à inventer qui va de l’accès Internet, c’est sur, au prêt ou la location de terminaux mobiles, la programmation de randonnées sur GPS, l’envoi d’information sur le téléphone portable du visiteur, l’animation d’une communauté twitter type twisitor center, etc.

Pour ces outils et ces services, il est essentiel que le réseau des OT se prenne en main pour réfléchir à ce que pourra être l’office de tourisme du futur et mène des programmes de recherche et développement.

Deuxièmement, il faut faire fructifier votre principal capital : celui de l’information. Car on continue de faire davantage confiance aux données provenant d’un acteur institutionnel, et c’est bien justifié, car vous êtes les acteurs dépensant le plus d’argent pour la maintenir à jour, fiable. Le problème, c’est que derrière, il vous manque souvent les ressources humaines et financières pour la valoriser, la markéter, l’amener jusqu’au touriste final.

Alors cette donnée, au lieu de la conserver précautionneusement entre nous, si on la partageait ? Don, location, prêt, vente, la question se pose bien évidemment. A qui la confier? Comment en marquer l’origine, sont bien d’autres questions à éclaircir, bien sur.
Mais sur le principe, êtes-vous conscient que de nombreux acteurs privés, s’ils avaient accès à l’ensemble de la donnée publique touristique, n’hésiteraient pas à financer la techno et la communication qui vous font défaut. Que de nombreux “Géo Trouvetou” vous créeraient mash-up, widgets, appli iPhone et bien autres bizarreries sans rien vous demander en retour, les mettant à libre disposition des touristonautes, et de l’ensemble de la communauté touristique, dont vos adhérents.

Certes, on y trouverait probablement des OVNI, mais ne pourrait-on pas compter sur une auto-régulation faite par les usagers, comme c’est le principe de tous les services faisant appel au web social ? Un exemple pas si éloigné que cela : Decaux et ses villes “partenaires” ont-elles dépensé le moindre euro pour une appli iPhone permettant de localiser les stations Vélib’ et autres, les dispo d’emplacements et de vélos ? Non, ils ont juste ouvert, volontairement ou non, le flux rss ; plusieurs petits malins ont développé une appli, plus ou moins performantes, qui sont d’ailleurs notées par les utilisateurs, mises à jour en fonction des retours clients.

Encore une fois, si tout cela permet de faire venir du monde, qu’ils en sont heureux, tout autant que vos adhérents et vos élus, la mission d’information de l’OT n’est-elle pas remplie ? Le rôle de l’Office de Tourisme n’en sort-il pas conforté?

Soyons conscients que ce ne sont pas seulement nos métiers qui évoluent, c’est le monde dans lequel nous vivons ! Et nous reprendrons à notre compte cette citation de Darwin qu’utilise Pierre Bizollon en conclusion de ses powerpoint :
“Les espèces qui survivent ne sont pas les espèces les plus fortes, ni les plus intelligentes, mais celles qui s’adaptent le mieux aux changements.”