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Cette histoire commence en été 1814 et raconte les derniers mois de Donatien Alphonse François, marquis de Sade, enfermé depuis onze ans dans un hospice d’aliénés de Charenton, près de Paris.. Il mourra en décembre de cette année-là mais le récit continue avec la légende sulfureuse de son crâne exhumé quelques années plus tard de la tombe sur laquelle une grande croix avait été plantée, contrairement au vœu le plus cher du Marquis.
La malédiction qui pèse sur cette relique est terrible pour ceux qui s’en servent. Elle ne laisse derrière elle que violences, souffrances et morts. Le narrateur qui croise le crâne sur le bord du Léman, dans le sac d’une jeune doctoresse, rencontre aussi, sans doute, sa mort. Qui est ce mystérieux visiteur - narrateur ?
Ce roman est posthume : l’auteur étant décédé le 9 octobre 2009, quelques semaines seulement après l’avoir terminé et alors même qu’il participait à une conférence sur un de ses livres. Il avait 75 ans, Sade, son dernier héros en avait 74 à sa mort !
Le sujet a été jugé suffisamment scabreux pour qu’en Suisse le livre ne puisse sortir qu’enveloppé avec l’avertissement : « Réservé aux adultes » C’est que Jacques Chessexn’est pas pudibond et les chapitres où il évoque les exploits érotiques du vieillard obèse, malade mais toujours vaillant avec une jeune repasseuse de 15 ans, n’évitent ni les propos orduriers et blasphématoires ni les évocations scatologiques des plus dégradantes.
Son corps est repoussant et volumineux ! Il n’est plus qu’ulcères, taches et plaques rouges, « sexe modeste sous le ventre plissé et boutonneux » mais ce corps est encore «comme tendu de l’intérieur par l’incandescente volonté ».
Tel nous apparaît dès le début ce Marquis de Sade, condamné à la peine capitale, « renégat, impie, violent, sodomite, blasphémateur et soupçonné d’inceste, écrivain, philosophe, ennemi de Dieu, coupable de crimes abominables sur des jeunes filles et des femmes, abuseur de garçons, salisseur d’hosties et d’objets de culte."
Bien sûr, Jacques Chessex n'est pas un écrivain disposé à adoucir la violence des rapports sexuels ni à diminuer le dégoût provoqué par certaines demandes couramment jugées écœurantes mais avec un tel sujet, le contraire aurait semblé étonnant!
Ce qui domine cependant dans ce récit limpide et sans temps mort, d’une écriture toute classique, c’est le côté blasphémateur et explosif de Sade dont la frénésie sexuelle ne masque pas l'ardeur des convictions matérialistes et anticléricales. Outre le débauché condamnable et condamné que l'on connaît essentiellement, c'était aussi un esprit éclairé de ce temps et Chessex ne l'oublie pas!
C'est un livre que j'ai bien aimé et je remercie Ys de me l'avoir envoyé après m'avoir donné très envie de le lire .
Ainsi finit pour moi le challenge Jacques Chessex créé par Yoshi73.,pour lequel j'ai lu précédemment: "Un juif pour l'exemple"
Le dernier crâne de M. de Sade par Jacques Chessex, (Grasset, 2009, 172 pages)