Sanaa

Publié le 20 janvier 2010 par Argoul

Le modèle de la maison-tour est bien antérieur à l’Islam et largement répandu dans les piémonts du Yémen à partir du Ve siècle avant notre ère. De quoi naît donc la beauté des maisons de Sanaa ? Un style constant : même soubassement de pierre, briques pour les étages supérieurs, mêmes vitraux et bandeaux blanchis, surtout dans les étages supérieurs. L’étagement des maisons varie à l’infini. Des pièces isolées, mais richement décorées, se dressent sur la terrasse supérieure de grandes demeures, ce sont les mafraz, pièces de réception qui profitent d’une vue superbe sur toute la ville. Ne le répétez pas mais seuls ces messieurs profitent de cette pièce interdite aux femmes, sauf si vous êtes mesdames touristes puisque vous aurez payé pour visiter ces belles demeures !

Les motifs de briques saillantes jouent un rôle déterminant dans l’animation des façades. Les bandeaux ornés de galons en zigzag marquent les changements d’étages et servent de larmiers. Les bandeaux sont de plus en plus décorés à mesure qu’on s’élève sur la façade. Des logettes en pierre, en brique ou en bois, saillent des façades, ce sont les subbak sans doute nées d’une fonction défensive. Elles permettent de rafraîchir les boissons et d’identifier les visiteurs. Plus on monte dans les étages et plus les fenêtres sont nombreuses et larges. Les fenêtres des étages supérieurs sont fréquemment surmontées d’un vitrail en ogive aux couleurs vives. Ces arches colorées appelées takhrim ne devinrent à la mode qu’au 19e siècle.

Les façades les plus anciennes ne sont percées que de fenêtres circulaires de 30 à 50 cm de diamètre, très souvent superposées par séries de 2 ou 3. Ces oculi sont fermés par de fines plaques d’albâtre translucide baignant ainsi les pièces d’une lumière laiteuse et douce. Aujourd’hui, on a remplacé l’albâtre des vitraux par du verre polychrome, moins cher. Je vous donne ici la recette pour fabriquer un vitrail qui servira, j’en suis sûre, aux messieurs à décorer leur salon. Sur de grands panneaux adossés aux murs, l’artisan applique d’abord une couche de plâtre de 4 à 7 cm d’épaisseur, selon la grandeur du vitrail à fabriquer. A la pointe sèche, à la règle et au compas, le maître-artisan dessine sur le plâtre frais l’esquisse du futur vitrail : simple motif de fleurs ou riches entrelacs géométriques, selon le portefeuille du client et le prix convenu. Aussitôt il attaque la sculpture à l’aide d’un couteau tenu à deux mains, évide d’un geste rapide le plâtre inutile entre les traits du motif. Cette tâche peut durer une demi heure ou 5 à 6 heures selon la grandeur du vitrail et la difficulté du décor. Ce dégrossissage est parfois confié à un ouvrier.

Il faut se hâter, le plâtre durcit d’heure en heure. On laisse sécher quelques jours. Voilà une opération délicate qui s’annonce. La grille de plâtre est décollée du panneau et couchée sur un lit de sable. L’artisan va lui donner son décor en verre coloré, découpé aux dimensions des vides du dessin. Le plâtrier verse sur les morceaux de verre un cm de plâtre liquide qui les scelle à la grille. Quelques minutes de séchage puis l’artisan enlève le plâtre entre les vergettes du motif, nettoie soigneusement le verre : c’est fait ! Un vitrail vient de naître. Il durcira encore quelques jours dans l’atelier et ensuite sera scellé. L’arc en sera embelli.

Les fondations des maisons, peu profondes, sont faites de blocs de basalte grossièrement taillés. Dans la vieille ville on remarque des maisons basses : c’est qu’une loi interdisait aux Juifs de construire sur plus de deux niveaux.

Rendez visite au Musée National. Vous trouverez au premier étage des objets datant du néolithique, au second l’histoire du Yémen, au troisième des maquettes de maisons, des reconstitutions d’intérieurs des différentes régions, des vêtements, des bijoux, des outils.

En parcourant la ville, vous découvrirez des mosquées, des maqshama ou jardins potagers, oasis de verdure ceints d’immeubles qui occupent près d’un cinquième de la ville. Il y a aussi des moulins à sésame actionnés par des dromadaires, plusieurs marchés aux grains, aux épices où cela fleure bon le poivre, le cumin, la cardamome, le clou de girofle. Et encore des caravansérails, des marchés au cuivre, à l’argent, des poids et mesures, le marché du qat, des jambiya, les forgerons.

Le désert n’est jamais très loin dans la péninsule arabique. Au cours des siècles il a imposé sa loi, dicté un mode de vie, façonné une culture. La badiya, « le fait d’être bédouin » s’imprime partout. Etre bédouin est beaucoup plus qu’un mode de vie. Le nomadisme pastoral est un mode d’organisation sociale et l’organisation tribale est un code de valeur. La tribu se définit comme une organisation pyramidale divisée en clans, sous-clans et familles. Un cabili, un homme de tribu, est d’abord « fils d’Untel de la tribu d’Untel ». Il se veut un guerrier. Ses valeurs essentielles sont la force physique, l’endurance, la frugalité ; son apanage, ce sont les armes, le goût de les posséder et de les manier. Il a été de fait un paysan-soldat durant des millénaires. Les bédouins, de mœurs bédouines, restent aujourd’hui près de 80% de la population. Les cadi sont de hauts fonctionnaires de l’Etat aux charges héréditaires. Les sayyed sont les personnages les plus considérés, descendants du prophète Mohammed. Tenus en grande vénération, ils sont actuellement de grands propriétaires fonciers qui résident dans les grands centres urbains.

Sabine

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