Les critiques de spectacle professionnels sont malheureux. Ils ne sentent plus aimés. Pire,
il semblerait qu'on leur en veuille. Enfin ils se le demandent. Un peu. De temps en temps, dans les moments de doute. C'est qu'ils ne sont plus si jeunes aussi, vous comprenez. Pourtant ça fait des
décennies qu'ils font les mêmes papiers, si ce n'est pas de la constance ! Mais le public est volage. Normalement, le public, il la ferme et il paie... Hé bien ça marche de moins en moins. Non
seulement le public aime de moins en moins payer, mais figurez-vous qu'il l'ouvre, avec tous ces médias modernes où eux ne vont jamais. Je vous demande un peu !
Ce pourrait être la fable des fourmis et des pucerons. Les pucerons, à force d'être pressurés, se changent en coccinelles. C'est angoissant. Alors, pour se rassurer, les critiques de spectacle
professionnels se réunissent de temps en temps pour une thérapie de groupe. Ils s'installent sur une estrade et causent entre eux du temps qui passe, ça les soulage, ils se rappellent le bon vieux
temps. Et c'est encore mieux s'il y a du public en contrebas. Il y a toujours un malheureux, dans le tas, qui ose poser une question en bafouillant dans le micro tendu ; ça c'est le pied.
Mouvement a organisé ce genre de raouts en octobre 2008 au Point Ephémère. Cette année ça se tient au
Théâtre du Rond-Point, ça s'appelle une soirée Télérama. Il y aura
Pierre Assouline toussa, et le mot d'ordre sera de ne pas se prendre le chou (ça ferait peur au public). Aurez-vous droit à un exercice de déploration, d'auto-flagellation, d'auto-congratulation ?
Suspense. Vous voyez que ça vaut la peine d'y aller. Du reste nos amis critiques de spectacle professionnels n'ont pas à se plaindre tant que ça, même si certains Cassandre prédisent que les bloggeurs les boufferont bientôt par les deux bouts. J'en veux pour
preuve mon petit sondage sur la critique de danse contemporaine et une toute récente étude du Pew Research Center sur la presse à Baltimore aux Etats-Unis : il en ressort que le public n'est pas aussi méchant qu'ils se
l'imaginent, mais qu'il continue de plébisciter gentiment la presse de (grand-)papa.
Comme ces gens-là craignent malgré tout pour leur retraite, nous sommes invités à nous cotiser pour eux : il vous faudra débourser 10 euros pour aller boire leurs paroles, et peut-être bredouiller
devant un micro. Frissons garantis. Pour les plus pauvres, il y a même un tarif réduit à 7 euros. Notez tout de même que, pour moins que ça, vous pourriez vous offrir les Pensées de
Marc-Aurèle ou un mini vibromasseur
juicer 12cm diam 3cm (coloris rose) - ou bien encore, après déduction fiscale, vous impliquer intimement dans
le processus de création et de production d'un spectacle de l'Athénée, c'est-à-dire "être cité dans le programme de salle, assister à une répétition privée, être invité à la
générale du spectacle".
Pour ma part, je crois que j'irai juste me coucher.
Quant à toi, ami spectateur ? C'est à toi d'exprimer ce que tu aimes et ce que tu veux.
Soirée Télérama - A quoi sert la critique ?, théâtre du Rond-Point, le 25 janvier 2010 à 19.30, salle Renaud-Barrault > achetez
!