Née à l'époque romaine, VENISE émerge au sein d'une lagune, vaste étendue d'eau calme, peu profonde mais soumise aux aléas des marées. Elle a pour voisines plusieurs îles (Murano, Burano, Torcello,...) et un archipel (Rialto) d'une soixantaine d'îlots, à peine émergés, groupés autour du méandre d'un fleuve qui deviendra le Grand Canal. Peu accessible, si ce n'est en barque, elle bénéficie d'une relative sécurité.
Après des incendies, la reconstruction de la cité recourt souvent à la brique et à la pierre d’Istrie. De tout temps, le centre de la ville demeure le quartier Saint-Marc.
Architecture et urbanisme
La Basilique, reconstruite en 1063, mais sans être encore revêtue de marbre à l’extérieur, recueille les reliques de saint Marc, qui devient le patron de ce qui va être la Civitas Veneciarum, apportées vers le milieu du IXe siècle. C'est un bel exemple d’architecture byzantine (prise de Constantinople en 1204) : Venise proclame pendant des siècles sa double appartenance à l’Orient et à l’Occident, par le biais de son commerce maritime entre autres. Edifiée selon un plan en croix gecque à cinq coupoles et supportée par de grands piliers reliés par des arcs, elle est décorée de mosaïques. Les gables gothiques qui ornent sa façade sont du XVe siècle.
Au XIVe siècle, le rapprochement avec l’occident permet à l’art gothique de pénétrer dans Venise : cela donnera entre autres le palais des Dosges, reflet de l'art gothique vénitien, qui, au contact de l’art byzantin devient le gothique fleuri, exubérance hyperbolique de motifs, de courbes et de lignes.
Demeure du chef de l’Etat et siège des principales magistratures, le palais voit le jour à partir de 1340, plus modeste à l’origine, puis agrandi en 1422. A l'époque, les institutions originales qui gouvernent la cité paraissent idéales aux yeux de l'opinion locale et étrangère. Séparant l'Eglise de l'Etat, elles mêlent le pouvoir d’un seul (le doge), au comportement princier, à celui d’une élite (le Sénat) et de tous (le Grand Conseil, en fait un cercle très restreint de l’aristocratie marchande d’ancienne origine). Durant 500 ans cette Constitution va être conservée, autre raison d'admiration.
La Ca’d’oro, construite entre 1424 et 1434, constitue un bel exemple de palais privé du XVe siècle, mélange d’art roman et d’art gothique.
Elu doge en 1523, Andrea Gritti voudra faire de Venise une nouvelle Rome, en particulier le complexe politique et religieux de Saint-Marc. Aux différentes influences existantes s'ajoute alors un classicisme nouveau, comme celui de la piazza Saint-Marc. Fleurissent alors de somptueux palais et maisons (case) (rez-de-chaussée réservé au commerce et habitation à l’étage).
Histoire culturelle (quelques notes)
Pétrarque y séjourna durant 5 ans à partir de 1362.
La comédie y est introduite au début du XVIe siècle à Venise par les Compagnie della CalzaConstituent des points forts de la production littéraire vénitienne au XVIIe siècle : le roman, fruit d’une bonne dizaine d’auteurs, vénitiens ou non, publiés à Venise, et le théâtre, avec 17 théâtres publics. En 60 ans près de 400 pièces sont représentées : commedie dell’arte, tragédies et mélodrames.
Monteverdi y acquiert une renommée internationale, tout comme Venise fut l’une des capitales de la musique européenne avec Vivaldi, Albinoni, Benedetto Marcello, Galuppi et d’autres.
De nombreux écrivains, comme Casanova, homme aux moeurs libres, Goldoni, qui dépeint la vie du peuple, y séjournèrent. Plus tard ce seront
Gautier et Chateaubriand qui descendront à l'Hôtel d’Europe, Sand, Musset, Louise Colet à l'Hôtel Daniel.Dans tous les domaines artistiques - architecture, musique, peinture, littérature, théâtre -, Venise reste incontournable.
Histoire économique
Venise connaît un fort développement économique grâce à son commerce maritime, vers lequel se tournent très vite les habitants, au vu de l’insuffisance de leurs ressources. A partir de l’an mil et durant des siècles, marins, marchands et armateurs créent un vaste empire en Méditerranée. Mais, dès la découverte de l’Amérique, les trafics maritimes se déplacent lentement de la Méditerranée vers l’Atlantique. Peu à peu Venise décline économiquement, les banques font faillite, et politiquement, perdant ses territoires à l'Orient.
L’économie se tourne alors vers l’industrie lainière et l’imprimerie. Au XVIe siècle la cité compte une cinquantaine d’éditeurs-imprimeurs. Chacun d’entre eux publie une vingtaine d’éditions et une dizaine en met plus de quarante sur le marché : soit trois fois plus que Florence, Milan et Rome réunies. Au XVIe siècle, Venise devient donc l’un des plus grands centres éditoriaux d’Europe.
En 1630-1631 la peste fauche plus de 46 000 Vénitiens...
Au 18e siècle Venise attire un tourisme culturel considérable. Avec ses cafés (dont le célèbre Florian), ses concerts, ses théâtres, ses maisons de jeu et de rendez-vous, ses fêtes (songez au carnaval), elle est la capitale européenne du plaisir.
Elle sera alors la Sérénissime, grand carrefour d'influences et de commerce européen.
Mais, en 1797, à raison de sa faiblesse et de l’incapacité de ses dirigeants, Venise tombe sous la coupe de Bonaparte, qui la cède 6 mois après à l’empire d’Autriche, pour la reprendre, etc. Elle passe ainsi de main en main étrangère jusqu’en 1866 (à part l’éphémère IIe République de 1848). Son tourisme, son industrie et son commerce s'écroulent, sa noblesse ruinée fuit, et sa vie culturelle décline.
Rejoignant enfin l’Italie en 1866, Venise passe d’abord par une phase de dépression et, devenue provinciale, semblera incapable de retrouver son rang. En revanche, elle retrouve son rayonnement culturel, notamment avec ses Biennales à partir des années 30 dans les domaines de la musique, du cinéma et du théâtre.
A l'heure actuelle, Venise ploie sous les menaces de la submersion, de la destruction du patrimoine, de la pollution et d’une forte chute démographique (taux de natalité, migration de la population), et s'interroge sur son avenir : réside-t-il seulement dans la difficile conservation de son site et de ses chefs-d’œuvre ou bien dans une adaptation obligée aux exigences de la modernité ? Est-elle vouée à rester une cité-musée, avec la plus forte concentration de musées d'Italie, dont la fondation Peggy Guggenheim, ou va-t-elle s'ouvrir à la modernité, bien qu'aient été abandonnés des projets tels que ceux de Franck Loyd Whright, Le Corbusier ou Kahn ?
Telle est évidemment la question que l'on se pose, noyé dans la foule admirant cette ville-musée, mais presque stéréotypée, dont ne se réjouissent que les commerçants exclusivement tournés vers le tourisme de masse, et les gondoliers, et n'y voyant quasiment plus les signes d'une vie quotidienne moderne possible.
Un petit Que sais-je comme toujours bienvenu pour appréhender l'histoire de cette ville extraordinaire, plus rêvée et fantasmée qu'ancrée dans la réalité.
BEC, Christian. – Histoire de Venise. – Paris : PUF, 2005. – 125 p.. – (Que sais-je). - 978-2130528364 : 9 euros.