C’est vers 11h du matin que, généralement, les choses se gâtent. Ca vient de derrière la grande courbe de la rivière à 200 mètres en amont . Un bruit d’essaim de guêpes en folies qui se transforme rapidement en cris sauvages. Et puis ça y est, je les aperçois. Ils foncent droit sur moi. Les enfoirés, ils vont me tuer c’est sûr. Je crois voir leurs yeux injectés de sang. Et j’ai encore oublié mon Smith et Wesson ce matin sur la table de la cuisine. Damned, je suis cuit ! Ces hordes primitives de canoës qui descendent l’Ardèche de Mai à Septembre vont me faire la peau. Une autoroute de vacanciers braillards, rouges de coups de soleil qui font fuir MES poissons et me rentrent dans le lard en m’insultant : » Eh merde, pouvez pas vous pousser un peu ! En plus, vous n’avez pas le droit de pêcher après 9 h du matin. Je connais la loi ! » ( texto !!). Comme j’ai oublié mon flingue et suis un pleutre, je remballe ma canne à mouche, remonte le chemin en fulminant, grimpe sur ma moto et rentre à la maison avec des rêves de meurtre, de sabordage et de noyade collective plein la tronche. Demain, je serai le « Batman » de l’Ardèche, le vengeur masqué de tous les pêcheurs. Ca va saigner dans les rapides ! Et puis, le lendemain,touché par une saloperie de grâce divine, au lieu du bourreau de Bethune tant souhaité, c’est « Gandhi » qui se retrouve avec sa canne à mouche dans les pattes , qui s’assoit sur une grosse pierre au bord de l’eau, qui sort son sandwich saucisson cornichon, sa canette de (censuré), laisse traîner ses orteils dans le courant, se les fait chatouiller par des familles de petits poissons et regarde passer tous ces canoës kayaks d’un oeil bénévolent. Pas si moches que ça en définitive. Belles couleurs bien franches. Et tous ces gens qui « hurlaient » hier, aujourd’hui expriment leurs joie de se trouver dans ce paradis. Comment se fait il que mon cerveau se ramollisse à ce point ? Et en plus, il y a des gonzesses presque à poil qui vous rafraîchissent l’oeil et rajeunissent la libido. Tiens voilà une Indienne en plus. Certainement une Cheyenne. Non, c’est pas une Cheyenne maintenant qu’elle se rapproche. Une vietnamienne qui échoue son canoë à coté de mon sac et qui me sourit même. Tellement que je ne voit plus son acné. Du coup, les hordes de bateaux sur MA rivière , je trouve ça magnifique. Auparavant, j’attendais impatiemment le départ fin Août des touristes pour retrouver mon Ardèche et pêcher en Paix et aujourd’hui, je suis en manque de ces rires et j’ai l’impression de faire l’école buissonnière, culpabilise comme un con et cette vietnamienne me manque.