En tout cas, ce serait l’avis du dénommé Abdullah Ibn Saâd Ibn Abi Sarh, après avoir regagné la Mecque fuyant Médine.
Il aurait dit à ses amis : « C’est moi qui dirigeais Mohammad là où je voulais. Il me dictait «Tout-Puissant et Sage» et moi j’écrivais «Omniscient et Sage». Alors, il disait: «Oui, c’est tout au même». »
Il aurait dit aussi : « Il (Mohammad) me disait «Écris tel ou tel (parlant du Coran)», moi je lui suggérais autre chose et il me disait: «Écris ce que tu veux!» » [1]
Qui est-ce donc Ibn Sarh?
Et comment a-t-il pu accuser Mohammad d’imposture?
Pour comprendre le fin mot de l’histoire, nous allons retourner un peu en arrière…
Adbdullah Ibn Abi Sarh est un Quraychite qui s’est converti à l’islam et a immigré au Prophète (ç) (ie à Médine). Il est devenu par la suite l’un des compagnons du Prophète (ç) et a gagné sa confiance jusqu’à devenir l’un des scribes de la révélation, puisque le Messager d’Allah ne pouvait transcrire le Coran lui-même.
Un jour le Prophète (ç) a sollicité les services de son scribe Ibn Abi Sarh pour transcrire les premiers versets de sourate Al-Mo’minin (les fidèles), ainsi Mohammad dictait :
[Nous avons certes créé l'homme d'un extrait d'argile, puis Nous en fîmes une Notfa (goutte) dans un reposoir solide. Ensuite, Nous avons fait de la Notfa une Âlaqa (adhérence); et de la Âlaqa Nous avons créé une Modgha (embryon); puis de cette Modgha Nous avons créé des os et Nous avons revêtu les os de chair. Ensuite, Nous l'avons transformé en une tout autre créature.] (Coran 23, 12-14)
A ce moment, Ibn Abi Sarh emporté par l’émerveillement s’exclama :
[Gloire à Allah le Meilleur des créateurs !] (Coran 23, 14)
Le Prophète (ç) s’écria : « c’est exactement comme cela qu’il m’a été révélé! » [2]
Probablement c’est à ce moment-là que notre scribe fut pris de doute, je l’imagine se disant : « si ce que je viens de prononcer est du Coran alors, moi aussi je peux entendre la révélation divine, sinon, le Coran même ne serait que l’invention pure et simple de Mohammad (ç) et je peux en écrire pareil ».
Par la suite, il a apostasié, retourné à La Mecque et a commencé à lancer ses calomnies. (début de l’histoire)
A son sujet, Allah dit dans le Coran : [3]
[Et quel pire injuste que celui qui fabrique un mensonge contre Allah ou qui dit : "Révélation m'a été faite", quand rien ne lui a été révélé. De même celui qui dit : "Je vais faire descendre quelque chose de semblable à ce qu'Allah a fait descendre."] (Coran 6, 93)
Lorsque la Mecque fut conquise, le Prophète (ç) ordonne son exécution en châtiment de son crime, mais son frère de lait Othmane (le troisième calife de l’islam) lui a obtenu grâce auprès de Mohammad (ç). Il s’est donc reconverti à l’Islam et devenu l’un de ses grands hommes.
Ce personnage est décrit dans la littérature islamophobe comme étant le « génie » qui a démasqué le mensonge de la révélation coranique. Or, comment expliquer son repenti et retour à l’Islam demandant grâce et pardon? Comment expliquer le fait qu’il est seul à lancer ces accusations alors qu’il aurait pu prendre le Prophète sur le fait et devant des témoins?
Notant par l’occasion que la phrase qu’il vient de compléter, par pure coïncidence, s’inscrit dans un certain cheminement linguistique courant dans le Coran et serait assez « logique à deviner » pour lui, qui est habité à transcrire la révélation. Par conséquent je prône l’avis d’un excès de zèle qui aurait saisi l’homme suite à la lourde responsabilité qui lui incombait et qui s’est soldé, à la fin, par le remord et le repenti. D’ailleurs, plusieurs sources historiques, notamment At’Tabari, rapportent qu’il s’est reconverti à l’Islam bien avant la conquête de la Mecque, donc bien avant qu’il ne soit menacé de mort.
Maxime Rodinson, dans sa bibliographie « Mahomet« , raisonne que cela ne fait pas nécessairement de Mohammad un imposteur : peut-être s’est-il (Ibn Abi Sarh) dupé lui-même ; « le succès enfin venu, il se défiait sans doute moins de la Voix, qui de notre point de vue n’était que celle de son inconscient.«
- [1] « As’Sira Al-alfia » de son auteur Al-Iraqi
- [2] « Usoud Al-ghaba fî Ma’rifat As’Sahaba » de son auteur Ibn al-Athîr
- [3] Voir, par exemple, le Tafsir (exégèse) d’Ibn Al-Jawzi
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