"On n'est pas sérieux quand on a dix-sept ans", Paul Fort ne le fut sans doute ni plus ni moins que d'autres, mais une flamme l'animait, l'amour de la poésie et du théâtre, entendant Alfred Vallette déclarer à Samain et Dumur " Ce qui manque à cette école, c'est un théâtre", il décide de créer ce théâtre et d'en être le directeur. Nous sommes en 1888, ce théâtre sera le Théâtre d'Art, Paul Fort "sèche" les cours de Louis-le-Grand, et monte les pièces de Pierre Quillard, Charles Van Lerberghe, Remy de Gourmont, Rachilde, Villiers de l'Isle-Adam, Charles Morice, Maurice Maeterlinck, des Chansons de Geste, un poème de Mallarmé et Le Corbeau d'Edgar Poe, le tout dans des décors peints par Gauguin, Vuillard, Bonnard, Bernard, Sérusier... Avec son Théâtre d'Art il ouvrira la voie à Lugné-Poe et au Théâtre de l'Oeuvre. Dans ses Mémoires il montre la fascination exercé sur lui et quelques uns de ses camarades, la nouvelle génération de poètes et écrivains et narre sa première visite au Café-Voltaire, afin d'y rencontrer les poètes nouveaux, on constatera que le jeune homme, à peine dix-sept ans, fut surtout marquer par l'allure et la mise des gendelettres.
"Il existait à cette époque - en 1888 : j'avais dix-sept ans à peine - une école littéraire audacieuse et tout idéaliste, le Symbolisme, fourmillante de beaux esprits et de poétes que nous admirions sans les connaitre : de Stéphane Mallarmé à Paul Verlaine, ceux-là des dieux, de Verhaeren et Henri de Régnier à Stuart Merrill, de Saint-Pol-Roux-le-Magnifique au tout modeste Albert Samain voir du grand mage de la Rose-Croix, Joséphin Péladan, que nous imaginions chapeauté d'un haut bonnet étoilé, à Téodore de Wyzewa [...]
Il continue par un instantané du Café Voltaire en 1888 :
"Nous apprîmes que derrière l'Odéon une grande partie de ce beau monde se réunissait chaque jour à l'apéritif ou dans la soirée, en un certain illustre Café Voltaire. timidement, nous y fûmes, et c'était, je crois, autant que pour nous initier aux mystéres de la poésie, pour admirer de près l'éclatante beauté de Madame Rachilde, le monocle hautain de Régnier, le flegme de Vielé-Griffin, la magnificence de Saint-Pol-Roux, l'impeccable veston noisette du chevalier du Plessys de Linan, le gilet à Chasse-à-courre de Dujardin, la barbe assyrienne de Fontainas, la cravache de Laurent Tailhade, l'allure de page de Merrill, le bidon rabelaisien du cher Demolder et - en outre ! - les moustaches impériales et bleu corbeau, de Jean Moréas."
Fort (Paul) : Mes Mémoires. Toute la vie d'un poète 1872-1944. Flammarion, 1944, in-12, 230 pp.
Un clin d'oeil à Saint-Georges de Bouhélier et au Naturisme
"Je suis un peu comme M. Saint-Georges de Bouhélier... J'aime la nature."