Interdits de reportages sur les zones de conflits les journalistes ? Le secrétaire général de l’Elysée, Claude Guéant, a estimé dimanche, invité du « Grand Rendez-Vous » Europe 1/Le Parisien-Aujourd’hui en France, que les deux reporters de France 3, enlevés en Afghanistan, avaient fait preuve d’une «imprudence coupable» et a évoqué le coût «tout à fait considérable» des recherches. Tollé général ! Ces propos ont choqué les journalistes, grands reporters, organisations de journalistes, sociétés de production comme l’agence CAPA, qui ripostent et se mobilisent.
Ces propos m’ont aussi heurté, je connais beaucoup de reporters, passionnés, mais pas pour autant des « têtes brûlées ». De la préparation à la réalisation de leurs reportages, ce sont de grands professionnels, habitués des zones de conflits, qui nous permettent d’être informés de sujets qui sans eux resteraient dans l’ombre. Ils ont tout mon soutien, et mes pensées vont à ceux qui sont actuellement détenus en Afghanistan. Et je me fouts de savoir combien « ça coûtera » de les sortir de là ! Déjà un million d’euros dites-vous ? Et le fiasco total de la communication et de l’organisation de la lutte contre la grippe, que le contribuable va payer, ça a couté combien, 2,5 milliards d’euros, c’est bien ça ?!
Pour rappel, deux reporters de France 3, un rédacteur et son cameraman, et leurs deux accompagnateurs afghans, ont été enlevés le 29 décembre 2009. Ils enquêtaient sur la construction d’une route dans la province de Kapisa au nord-est de Kaboul.
Sur facebook, un groupe « appel de soutien à nos confrères de France 3″ a été lancé par Agnès Varhamian, grand reporter à France 2. Appel entendu et relayé dans de nombreux media, Le Monde, Rue 89, Libé, etc. Voici le texte.
« Nous, amis et soutiens des deux journalistes et de leurs accompagnateurs afghans comprenons et respectons les consignes de silence et de discrétion autour de leur enlèvement afin de ne pas gêner les négociations qui s’engageraient avec les ravisseurs.
Pour autant, nous ne pouvons pas admettre que des responsables politiques mettent en cause la probité professionnelle de nos confrères et amis. Les journalistes de France Télévision enlevés sont tous deux très expérimentés, avec chacun plus de vingt ans d’expérience professionnelle sur de nombreux théâtres d’opération. Afghanistan, Proche Orient, conflit de l’ex-Yougoslavie, Rwanda, guérillas du Cambodge, ex-URSS, ils ont effectué de nombreux reportages dans des pays en guerre. C’est à ce titre que la rédaction de France 3 leur a confié cette mission d’information en Afghanistan.
Journalistes et amis, nous n’accepterons pas que la réputation de nos confrères soit salie et diminuée alors même qu’ils sont encore aux mains de leurs ravisseurs et qu’ils n’ont pas encore livré le récit de leur enlèvement. Les propos tenus sont outrageants au regard du parcours professionnel de nos confrères, des risques qu’ils ont encourus avec certains d’entre nous pour informer le public lors d’autres conflits et des motivations profondes qui les guident dans l’accomplissement de leur métier. Le dénigrement de nos confrères est en outre très blessant pour les familles.
Et puisque la recommandation est à la discrétion, nous aurions souhaité que les responsables politiques soient les premiers à faire preuve de retenue. Loin des contre-vérités et des polémiques. L’Etat doit assistance à tout citoyen français, fût-il journaliste. »
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