En infligeant à David Attoub une sanction d'une incroyable sévérité, pour une fourchette sur un adversaire, l'ERC a déjà suscité sur la toile un début de tollé chez les internautes français. Mais au-delà des cris d'orfraie que les 18 mois de suspension du pilier parisien ont provoqué parmi les amateurs de rugby hexagonaux, on peut s'interroger sur la portée de cette décision.
Et se demander si, au final, l'ERC n'a pas contribué à relancer un dossier qu'elle ne souhaite pas forcément voir réouvert, celui de la non dissociation des sanctions.
Au préalable, on précisera que le geste de David Attoub méritait une sanction, et que son souhait de plaider "non coupable" devant la commission de discipline, alors que les images semblaient l'accabler, n'a pas joué en sa faveur. Qui plus est, la commission de discipline voyait en lui un rédiviste en compétition européenne (expulsé pour un coup de poing il y a cinq ans).
Mais l'extrême gravité de la sanction étonne. 18 mois de suspension, cela signifie que David Attoub ne pourra pas jouer avec son club ni aucune autre équipe durant deux saisons. Pour un joueur professionnel, c'est énorme, presque rédhibitoire. D'autant que le parisien est âgé de 28 ans et qu'une carrière se poursuit rarement après 35 ans.
C'est d'ailleurs un argument important pour ses défenseurs, en premier lieu Max Guazzini. En infligeant une peine aussi longue, et compte tenu du système de non-dissociation des peines, l'ERC a privé un joueur professionnel de pratiquer son métier, y compris dans des compétitions ne relevant pas de la compétence de l'organe européen.
On ne voit pas bien le Stade Français licencier son joueur pour ce motif (d'autant, au-delà des aspects "moraux" d'une telle décision, que cela ne parait pas juridiquement très faisable). Alors, plutôt que payer David Attoub à ne rien faire, on imagine le Stade Français tenter l'impossible pour lui permettre, au moins de s'aligner en Top14.
Un précédent existe, en la personne de Marius Tincu (voir par ailleurs sur ce blog), qui avait obtenu un arbitrage du tribunal du CNOSF. Mais il se pourrait bien que Max Guazzini aille au-delà et porte l'affaire devant la juridiction européenne.
Dans cette hypothèse, on ne jurerait pas que le Stade Français n'obtiendra pas gain de cause. L'ERC, société privée gérant une compétition spécifique, a pris une décision qui prive un travailleurs salarié d'exercer son travail en France, au titre d'une compétition domestique, gérée par un autre organisme. Autant dire qu'il y a matière à contestation...
On verra comment le bouillant Max va gérer ce dossier. D'ores-et-déjà, le club de la capitale a interjeté appel de la première décision. On voit mal, cependant, la commission d'appel déjuger la première instance dans des proportions qui ramèneraient la sanction à un délai plus "acceptable" pour le club.
A moins qu'il ne soit décidé, au sein de l'ERC, d'éviter de maintenir une situation dangereuse pour la règle de non dissociation, dont on sait combien elle tient à coeur de l'IRB, la fédération internationale.