Si, comme nous vous l'expliquions hier, Xavier Bertrand a annoncé vouloir mettre en avant le thème de l'emploi pour les prochaines élections régionales, en déclarant "(...) Tant pis si l'emploi est généralement plus considéré comme relevant d'une politique nationale que régionale, pour ces élections, nous sommes dans l'opposition (...)",
il s'est fait, lors de cette déclaration, d'une discrétion de rosière, sur les chômeurs qui vont se retrouver en fin de droits en 2010 !
Et pourtant, "plus d'un million de demandeurs d'emploi devraient arriver, en 2010, en fin de droits. Un nombre supérieur aux 800 000 personnes en période "ordinaire". A peine quatre de ces chômeurs sur dix devraient bénéficier de la solidarité nationale, par le biais de l'allocation spécifique de solidarité - ASS, un minimum social pour ceux qui ne bénéficient plus d'indemnisation chômage - ou du revenu de solidarité active (RSA), ex-RMI. Les autres n'ont droit à aucune aide" - Source Le Monde
Donc, dépasser le seuil de la précarité, pour atteindre celui du déclassement suprême : La misère.
Le déclassement, c'était LE livre qu'il fallait lire : " La peur du déclassement. Une sociologie des récessions", écrit par Eric Maurin, qui proposait un "nouveau regard" sur le sentiment de plus en plus ressenti du déclassement chez les français. Denis Clerc, d'Alternatives Economiques, nous avait donné lors de sa sortie une analyse critique de l'ouvrage : "(...)Celui qui perd son emploi stable risque fort de stagner dans le chômage ou de devoir renoncer à un emploi de qualité. Ceux qui sont en emploi temporaire sont confrontés à la précarité et supportent l'essentiel des ajustements, tandis que ceux qui arrivent sur le marché du travail jouent les paratonnerres ou les supplétifs, surtout s'ils ne sont pas pourvus en diplômes (...). La peur du déclassement est donc le prix à payer dans une société qui privilégie les statuts protecteurs. Comment la réduire ? Certainement pas en supprimant ces derniers, mais en réduisant les inégalités qu'ils engendrent (...)" (Voir aussi interviews d'Eric Maurin en vidéo sur la République des idées et analyse du sociologue Camille Peugny )
Depuis, la situation du chômage a empiré et la durée nécessaire pour retrouver un travail en cas de perte s'allonge de façon dramatique. Nous avons atteint un point où ne peut plus parler de "déclassement" mais de "relégation". Et c'est d'autant plus grave que le gouvernement continue à revendiquer haut et fort son débat sur l'identité nationale. Quelle identité a t-on, monsieur Besson, lorsqu'on a la relégation comme avenir de court terme ?
Néanmoins, au gouvernement, on cherche à minimiser les difficultés et on ne craint pas les déclarations à caractère mensonger ! Ainsi, Laurent Wauquiez, interviewé par le Parisien et qui déclare : "Toutes les offres d’emploi devront être pourvues", sous entendu même celles dont la qualité est jugée insuffisante ou douteuses par le nombre d'heures ou les conditions proposées ! Le Parisien : Les chômeurs se plaignent d’être mal suivis alors que le gouvernement avait promis un accompagnement personnalisé… Laurent Wauquiez : Pour les gens licenciés, on est arrivé à avoir un vrai suivi personnalisé avec un conseiller pour 60 personnes maximum. Pour les autres, la moyenne est d’un agent pour 95. On doit faire mieux. C’est pour cette raison qu’on a mis des renforts en plus.
Pour ceux qui comme l'auteur de cet article ont connu la période de "convention de reclassement personnalisée" (CRP), nous sommes en mesure d'affirmer que le nombre de personnes par conseiller dépasse les 90 et dans certains cas atteint les 120 ! Afin de gérer ce surnombre, les conseillers CRP fonctionnent suivant un principe de mutualisation. Lorsqu'un conseiller dépasse les 90 personnes, les nouveaux dossiers sont affectés à un conseiller moins "chargé". Ainsi, une personne rattachée au pôle emploi de Pavillons sous Bois (93) peut se retrouver gérée par le pôle emploi du Raincy ou de Saint Denis. Et ainsi de suite ... En ce qui concerne les autres, le nombre de personnes est (preuve à l'appui) de 300 personnes suivies par conseiller en ce qui concerne la conseillère du rédacteur du présent article !
Mais pour ceux qui "devraient arriver, en 2010, en fin de droits", le "volontarisme" proclamé de Laurent Wauquiez ne servira à rien puisque personne ne sait exactement ce qu'ils vont devenir.
Car, le principe de la patate chaude ne fait que commencer !
UNEDIC
"Le président du régime d'assurance-chômage (Unedic), Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), est sorti de sa réserve jeudi 14 janvier, déclarant sur le site Internet du magazine Capital que "c'est à l'Etat et non à l'Unedic de gérer le problème des chômeurs en fin de droits" - Source Le Monde
Gouvernement
"Le 14 janvier, à l'Assemblée nationale, lors de la séance des questions au gouvernement, le ministre de l'industrie, Christian Estrosi, semblait minimiser le problème, justifiant la hausse par "un effet mécanique". Pour "rassurer", il précisait que "les personnes en fin de droits ne se retrouvent pas sans ressources : elles peuvent évidemment bénéficier du Revenu de solidarité active (RSA) et, pour celles qui ont de l'ancienneté dans l'emploi (cinq ans), de l'Allocation de solidarité spécifique (ASS) ". Il omettait de préciser que les conditions d'accès à ces mesures de solidarité nationale excluaient quelque 600 000 personnes " - Source Le Monde
UMP
Du côté du "gentil" Xavier Bertrand, on conteste les chiffres et on se contente de suggèrer de créer " un dispositif spécial pour aider les chômeurs en fin de droits à retrouver un emploi. L’ancien ministre du Travail ajoute " (...) Pour les chômeurs en fin de droits, qui seront sans doute moins nombreux que le million pronostiqué par l’Insee, pourquoi ne pas créer un dispositif spécifique pour les ramener vers l’emploi ? Il existe bien des primes versées aux employeurs pour certaines embauches de jeunes" - Source News Assurances
Parti Socialiste
Laurent Fabius sur son blog et le Parti Socialiste font les propositions suivantes : " On nous a fait croire qu’on allait réellement taxer les bonus des banquiers. C’est de la poudre aux yeux. déclare Laurent Fabius. (...) Je demande que l’on reprenne la proposition des socialistes : une taxation de 10%. Un million de personnes vont arriver en fin de droits cette année. C’est colossal. Il faut augmenter la durée d’indemnisation du chômage. La taxation des banques pourrait contribuer à financer cette mesure". Judicieux, car comme nous l'explique le Nouvel Obs, " (...) Le journal Le Monde a calculé que les banques françaises et les filiales françaises de banques étrangères verseraient en mars environ un milliard d'euros à leurs traders, l'équivalent de ce que touchent 62.000 smicards pendant un an. Le bonus moyen par trader, dit le quotidien, s'établit à 285.700 euros par trader, soit 17 fois le smic annuel (...)"
Mais peu réaliste, puisqu'on apprend que " le gros des équipes de trading des banques françaises est cependant basé à ... l'étranger, notamment à Londres, où l'impôt français ne s'applique pas "
Enfin, bref, des intentions, des déclarations, mais rien pour arrêter le compteur de ceux qui vont quitter les chiffres du chômage et plonger dans la misère et l'isolement !
Et les syndicats de salariés direz-vous ?
Les organisations syndicales majeures, au lieu de faire cause commune, ont, semble t-il d'autres préoccupations plus terre à terre, comme nous l'expliquent Les Echos : " Décidément, le mois de janvier est propice aux psychodrames syndicaux. Il y a un an, la nouvelle convention d'assurance-chômage, qui fixe les conditions d'indemnisation pour les demandeurs d'emploi et qui doit être renégociée à la fin de l'année, avait failli ne pas voir le jour. (...) Cette fois-ci, le suspense porte sur l'identité du président de l'Unedic, qui sera élu par son conseil d'administration le 29 janvier. C'est un syndicaliste qui doit succéder au représentant du Medef Geoffroy Roux de Bézieux. Mais lequel ? La CFDT n'a pas l'intention de céder le poste qu'elle occupe depuis 1994. Son numéro un, François Chérèque, a annoncé jeudi qu'elle présentera Gaby Bonnand. (...) Force ouvrière pourrait lancer dans la course Stéphane Lardy, son secrétaire confédéral chargé de l'emploi, qui siège à l'Unedic, même si l'organisation n'a pas signé la nouvelle convention. (...) L'idée de reprendre pied dans l'assurance-chômage travaille Jean-Claude Mailly depuis son arrivée à la tête de FO. (...) La confédération de Jacques Voisin affirme que « si FO présente un candidat, [elle] le soutiendra »(...) Si elle s'affiche avec la CGC pour éviter de choquer ses troupes, compte tenu de l'anti-cléricalisme historique de FO, la centrale chrétienne a bel et bien fait de son rapprochement avec Force ouvrière son axe de travail privilégié, compte tenu du recentrage de la CGC sur l'encadrement. La présidence de l'Unedic serait une première occasion de marquer cette alliance. (...)"
Hallucinant de penser que pendant que chacun parle, s'évalue et suggère le compte à rebours continue pour 600 000 personnes !
Crédit image
Le blog de Jean-Jacques Urvoas