« Vous venez de rater votre train. Impossible d’être à l’heure au travail… A moins que… Du pouce, vous activez une icône de votre téléphone mobile; l’écran affiche une carte des voitures particulières circulant dans les environs et se dirigeant vers votre destination. Vous en sélectionnez une et son conducteur, lui aussi adhérent de ce service, est averti instantanément de votre demande. Il consulte votre profil et vous répond. Trois minutes plus tard, le voici qui passe vous chercher. » (Pour la Science, 01/2010). Le covoiturage en temps réel, dit dynamique, représente sans doute l’avenir du covoiturage, un avenir chiffré à 500 milliards de dollars par une étude Nokia qui a calculé ainsi le « prix » des « places vides » dans une voiture.
En Europe, le covoiturage est reconnu comme un bon moyen de lutter contre la congestion automobile des villes et les émissions de gaz à effet de serre et de polluants. Un cas pratique sur un trajet de 30km effectué par 3 covoiturants (en lieu et place de 3 déplacements individuels) avait montré que l’on pouvait ainsi économiser 224kg de Co2 par trajet soit près de 4 tonnes en rythme annuel. Et 13 grandes métropoles mondiales, dont Paris, ont récemment signé une tribune commune dans laquelle le covoiturage est donné comme une piste intéressante et peu coûteuse de réduction des GES. Ce mode de transport est avantageux économiquement, sachant que d’après l’INSEE, le transport représente en moyenne 15% des dépenses des ménages en France et jusqu’à 25% pour un ménage à revenus modestes.La même simulation sur 30km donnait une économie pour chacun de 1 760€… Le secteur commence d’ailleurs à frémir, avec par exemple les premières assurances auto facturées au kilomètre, qui avantage les pratiquants du covoiturage. Au niveau européen, on estime que l’on pourraint ainsi réduire le nombre de véhicules-kilomètres de 8 à 15 % et la consommation de carburant de 5 à 22 %.
Mais plusieurs handicaps freinent son essor. La voiture est souvent considérée comme un espace privé, apportant un sentiment de liberté. Le covoiturage occasionnel n’est donc pratiqué que par ceux – peu nombreux – qui acceptent de partager cet espace avec un inconnu. Là encore le covoiturage dynamique semble pouvoir lever ces freins. « Voyager avec des inconnus ? » pas si les applications permettent d’évaluer les utilisateurs, comme c’est le cas sur eBay ou d’autres sites où les transactions sont évaluées. « Monter dans une voiture dont on ne sait rien ? », pas avec un système d’authentification des usagers. « Trop compliqué d’organiser des parcours et des emplois du temps ? », si c’était le cas avec le covoiturage classique, le dynamique synchronise en temps réel les utilisateurs (grâce à un système « push »). « Les gens ne sont pas prêts à changer pour l’environnement ? », là encore, si c’est votre entreprise, votre mairie ou votre association qui s’en occupe pour économiser et « écologiser » sur le transport, ça aidera. « C’est une technologie compliquée », eh bien pas tant que ça, surtout depuis que la géolocalisation et le web en temps réel se sont démocratisés.
Le covoiturage dynamique est conçu pour supprimer toutes ces contraintes. Sous réserve d’une inscription préalable sur le site internet d’un prestataire, il offre la flexibilité, le choix et la liberté attendus par le passager comme par le conducteur, en gérant les contacts en temps réel.
L’élément clé, c’est bien sûr le téléphone mobile. Un logiciel téléchargé sur le site du prestataire gère les caractéristiques de la demande, l’accord des deux parties (ce que l’on appelle « l’appariement »), puis optimise le trajet du conducteur jusqu’au passager en mettant à profit des techniques de géolocalisation accessibles depuis un mobile. Le trajet peut être proposé et traité en quelques minutes. Une fois le contact établi, la contribution financière du passager est gérée automatiquement par le service, selon un calcul comportant le prix de l’essence, le coût de maintenance du véhicule et les détours éventuels effectués par le conducteur.
Le transfert d’argent est lui aussi automatisé. Certains téléphones mobiles et assistants numériques personnels sont équipés d’outils d’échanges de données à distance (lecteurs NFC, RFID…). Le passager peut alors créditer directement le compte du conducteur via une plate-forme de paiement.
Selon une étude du CERTU, à Lyon, dans l’hypothèse où 15% des conducteurs deviendraient des covoitureurs réguliers pour leurs déplacements domicile-travail, le covoiturage permettrait d’économiser entre 500 000 et 1,5 million de tonnes d’équivalent carbone par an. Un exemple local : sur la dorsale de Grenoble, assez mal desservie, on pourrait ainsi économiser 96 000 tonnes équivalent de Co2 par an.
Les entreprises, en particulier, pourraient encourager le covoiturage dynamique par l’intermédiaire de stationnements réservés, voire d’avantages matériels et financier telle la mise à disposition de mobiles suffisamment performants. Cependant, d’après les quelques expériences déjà tentées, le développement du covoiturage dynamique passera par l’engagement de tous ses acteurs : entreprises, mais aussi collectivités locales, prestataires de covoiturage, mais aussi collectivités locales, régies de transport en commun, opérateurs de téléphonie mobile et développeurs de logiciels.
En Allemagne, où le covoiturage est pratiqué depuis les années 50, ces réseaux se développent bien (on a compté 800 000 inscrits sur un site régional). En France, si la majorité des covoiturants se constituent en « équipage fixe » (mise en relation par le travail, le voisinnage), les sites Internet de covoiturage sont nombreux, de sorte que les personnes intéressées ne savent pas lequel choisir et peuvent avoir une impression d’inefficacité, heureusement, la professionnalisation actuelle du covoiturage tend à limiter les sites opérationnels. Il existe peu de véritables solutions de covoiturage dynamique, excepté celle proposée par deux Lorrains, Matthieu Jacquot et Marc Grosjean. Leur initiative, Covivo, semble illustrer en tous points le développement de cette technologie nouvelle (voir capture d’écran).
Alors au moment où Copenhague s’est révélé un échec, le covoiturage dynamique semble être une solution peu coûteuse aux problèmes de transports, de coût et de pollution générés par l’utilisation individuelle de la voiture.
Sources :
« Pour la Science », n°387, janvier 2010
« Etude du centre d’Etudes sur les réseaux, les transports, l’urbanisme et les constructions publiques (Certu – Ministère de l’Ecologie, de l’Energie, du Développement durable et de l’Aménagement du territoire), « le covoiturage dynamique – étude préalable avant expérimentation », 2009.