Si c'est un homme- Primo Levi
Pocket - 320 pages.
"On est volontiers persuadé d'avoir lu beaucoup de choses à propos de l'holocauste, on est convaincu d'en savoir au moins autant. Et, convenons-en avec une sincérité égale au sentiment de la
honte, quelquefois, devant l'accumulation, on a envie de crier grâce.
C'est que l'on n'a pas encore entendu Levi analyser la nature complexe de l'état du malheur. Peu l'ont prouvé aussi bien que Levi, qui a l'air de nous retenir par les basques au bord du menaçant
oubli : li la littérature n'est pas écrite pour rappeler les morts aux vivants, elle n'est que futilité."
Angelo Rinaldi.
Si c'est un homme est le premier roman de Primo Levi. Il y relate son arrestation par la Milice fasciste le 13 décembre 1943, à l'âge de 24 ans, puis sa
déportation pour le camp d'Auschwitz le 22 février avec les autres juifs emprisonnés : hommes, femmes, enfants, malades.
"C'est bien cela, très exactement : des wagons de marchandises, fermés de l'extérieur, et dedans, entassés sans pitié comme un chargement en gros, hommes, femmes et enfants, en route pour le
néant, la chute, le fond. Mais cette fois c'est nous qui sommes dedans." (page 18).
Il sera interné dans le camp de travail de Monowitz jusqu'à la libération du camp par les soviétiques en janvier 1945.
Là, il répondra désormais au matricule numéro 174 517, il est dépouillé de son identité, de sa qualité d'homme.
Les êtres, qui survivent dans ces camps, sont réduits à l'état de bête. Nul espoir ne leur est permis. Chacun doit lutter individuellement pour sa propre survie. Ces hommes sont privés de toute
humanité.
"Les moyens que nous avons su imaginer et mettre en oeuvre pour survivre sont aussi nombreux qu'il y a de caractères humains. Tous impliquaient une lutte exténuante de chacun contre
tous, et beaucoup une quantité non négligeable d'aberrations et de compromis. Survivre sans avoir renoncé à rien de son propre monde moral, à moins d'interventions puissantes et directes de la
chance, n'a été donné qu'à un tout petit nombre d'êtres supérieurs, de l'étoffe des saints et des martyrs." (page 142).
Le témoignage de Primo Levi est bouleversant, écoeurant. Une véritable plongée dans l'horreur des camps nazis, et leur processus
d'extermination.
"Kuhn est fou. Est-ce qu'il ne voit pas, dans la couchette voisine, Beppo le Grec, qui a vingt ans, et qui partira après-demain à la chambre à gaz, qui le sait, et qui reste allongé à
regarder fixement l'ampoule, sans rien dire et sans plus penser à rien ? Est-ce qu'il ne sait pas, Kuhn, que la prochaine fois ce sera son tour ? Est-ce qu'il ne comprend pas que ce qui a
lieu aujourd'hui est une abomination qu'aucune prière propitiatoire, aucun pardon, aucune expiation des coupables, rien enfin de ce que l'homme a le pouvoir de faire ne pourra jamais plus réparer
?
Si j'étais Dieu, la prière de Kuhn, je la cracherais par terre." (page 202).
Aucun mot n'est suffisamment fort pour décrire ce que ces hommes ont enduré, l'incompréhensible, l'inadmissible.
Si c'est un homme de Primo Levi est un roman à lire par le plus grand nombre.
PLUS JAMAIS CA !