Voici une série de posts tirés d’un travail que nous avons effectué sur la notion de transmedia couplée à la métamorphose du processus de narration de l’histoire. Avec l’avènement de l’internet contributif, une métamorphose s'opère qui mène à un changement dans la façon de raconter des histoires.
Je ne vous apprendrai rien, avec internet les choses changent rapidement. Mais une mutation est frappante, c’est celle de l’objet film qui est aujourd’hui tiraillé entre plusieurs éléments.
Quel qu’il soit, le récepteur (le mot « spectateur » impose une position plus « passive ») est de plus en plus amené à vivre l’histoire, à l’influencer et à la faire sienne,d’où le « storyliving »
De nombreux sites proposent la réécriture du film, sans pour autant donner un résultat digne de ce nom. Une expérience plus modeste s’inscrit dans cette logique d’un internaute influenceur c’est Vodkaster. Ce site propose aux internautes de choisir parmi un catalogue de quelques milliers de films pour ensuite sélectionner un extrait en « découpant » le film comme le ferait un monteur, puis en le contextualisant (genre, description, titre) comme le ferait un réalisateur !
Ici, par sa position, l’internaute donne sens au film, il le voit dans sa globalité pour ensuite choisir un extrait qu’il considère comme important. Libre à lui ensuite de diffuser cet extrait à l’intérieur même du site (qui propose une ébauche de réseau social un peu à la Twitter) mais surtout sur Facebook étape ultime de la mise en valeur de l’extrait.
Ce qu’il faut en fait retenir ici, c’est que le récepteur est amené à être un véritable interprète non seulement avec les autres récepteurs qui tous peuvent co-construire un sens mais aussi de façon purement individuelle. Il a en effet la possibilité d’être le seul à voir l’histoire de telle ou telle manière en ce qu’il peut choisir l’enchainement des séquences.
Une expérience saisissante illustre cette idée, celle proposée par l’équipe très créative et innovatrice de la chaine américaine HBO avec HBOimagine, un projet de la fin de l’année 2009. C’est un véritable chef d’œuvre visionnaire (peut être trop d’ailleurs) fascinant et déroutant. N’espérez rien, il est quasiment impossible de suivre l’histoire, il faut vraiment s’accrocher. Tapez hboimagine.com et vous arriverez sur le chargement d’une page avec une image d’un cube dont on voit une des arrêtes et sur les deux faces adjacentes, des photos.
Attendez que le chargement soit fini et un fond sonore se lance : c’est là que tout commence, il vous revient alors, à vous, internaute de choisir une face du cube (seulement quatre sont utilisées) et vous vous rendrez alors compte que chaque face est un plan différent de la même séquence. Vous pouvez donc voir la même scène que votre voisin selon un point de vue différent, et selon ce point de vue, votre compréhension du film ne sera pas la même et certaines séquences se débloqueront pour donner accès à d’autres scènes du film, et ainsi de suite. Le film est en fait une gigantesque arborescence sur laquelle l’internaute se balade.
Dans la droite lignée de cette notion de storyliving, on peut aussi citer la campagne promotionnelle transmedia (selon l’expression de Henry JENKINS, voir le prochain article) du dernier Batman, Dark Knight qui à partir du site Whysoserious proposait aux fans de participer à un jeu de rôle en prenant le parti du Joker ou de Batman, en manifestant dans la rue ou en organisant des flash mobs…bien sûr, le storyliving est une forme de marketing. Il est d’ailleurs à noter que l’expérience HBOimagine avait pour objectif de démontrer le potentiel créatif et innovant de HBO, comme le montre cette vidéo (pas embadable, désolé), dévoilée par HBO bien après le lancement du projet.
La notion de « transmedia » ici évoquée ouvre la voie à notre prochain post, qui montrera l’aboutissement concret d’un mix entre transmedia, délinéarisation narrative et processus de réception-production.