Magazine Humeur

Félicitations, cher Monseigneur Léonard !

Publié le 18 janvier 2010 par Walterman

"Je prendrai soin de mon troupeau, dit le Seigneur;

je lui donnerai moi-même un berger pour le conduire.

Et moi, le Seigneur, je serai leur Dieu."

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Vous avez peut-être déjà appris la nomination de Mgr André Mutien Léonard, évêque de Namur (Belgique) comme successeur du Cardinal Godfried Danneels et comme archevêque de Malines-Bruxelles et primat de Belgique. Il s'appelle désormais André Joseph Léonard.

Voici le lien ves le site officiel de sa nomination :

http://www.monseigneur-leonard.be/

J'invite tou(te)s les internautes de ce blog de l'accompagner de leurs prières.

Et voici les liens vers les textes que j'ai eu l'occasion de publier de lui sur ce blog :

Mgr André-Mutien Léonard, Trinité d'’amour, éd. de l’'Emmanuel, p. 73-81 (1e partie)

Mgr André-Mutien Léonard, Trinité d'’amour, éd. de l'Emmanuel, p. 73-81 (2e partie)

Mgr André-Mutien Léonard, Trinité d’'amour, éd. de l'Emmanuel, p. 73-81 (3e partie)


Voici un beau texte d'un enseignement sur la miséricorde :


LE COEUR DE JESUS, SOURCE DE LA MISERICORDE

Nous savons avec une certitude presque totale que Jésus est mort crucifié le 07 avril de l’an 30, selon notre calendrier grégorien actuel. En effet, Jean note dans son évangile que le samedi qui suivait était non seulement, bien sûr, le jour du sabbat, mais également le jour de la Pâque, coïncidant, en Israël, avec la pleine lune de printemps. Une simple table astronomique nous apprend qu’en l’an 30, effectivement, la pleine lune s’est produite le samedi 08 avril. Cette petite précision amène Jean à nous raconter un événement cruel. Comme il fallait descendre de la croix les corps des trois crucifiés avant que ne commence la célébration du sabbat et de la Pâque, on envoya des soldats pour briser à coups de maillet les jambes des crucifiés afin que, ne pouvant plus s’appuyer sur leurs pieds, ils meurent rapidement étouffés. L’évangéliste note que, arrivés à Jésus, ils constatèrent qu’il était déjà mort. Mais, pour s’assurer du fait, un soldat, de sa lance, perça le côté de Jésus jusqu’au cœur, et il en sortit, comme il est normal, du sang et de l’eau. L’évangéliste insiste sur ce fait avec une solennité particulière : « Celui qui a vu rend témoignage – son témoignage est véritable, et celui-là sait qu’il dit vrai – pour que vous aussi vous croyiez. » (Jn 19, 35)

Deux choses ont particulièrement impressionné l’évangéliste quand, des décennies plus tard, il rapporte l’événement. Tout d’abord, il se souvient de plusieurs textes de l’Écriture et de quelques épisodes rapportés antérieurement dans son évangile. Je note au passage que les peintres et les sculpteurs qui ont représenté Jésus en croix, après sa mort, avaient, eux aussi, la même connaissance des écritures. En effet, vous vous êtes peut-être parfois demandé pourquoi toutes les représentations du Christ mort sur la croix placent à droite la blessure du côté, alors que le cœur est situé à gauche. Tous suggèrent que la lance est entrée par le côté droit pour atteindre finalement le cœur. Ils l’ont fait parce que, comme l’évangéliste, ils se souvenaient du beau texte du prophète Ézéchiel (Ez 47, 1-9.12), situé à l’époque où Ezéchiel se trouve avec les déportés d’Israël en Mésopotamie, dans l’Irak actuel.

Dans une vision, le prophète exilé voit le temple de Jérusalem et il observe que, du côté droit du temple, un mince filet d’eau se met à couler, mais qui, au fur et à mesure que le prophète se déplace dans sa vision grossit en s’amplifie, lui montant d’abord jusqu’aux chevilles, puis jusqu’aux reins et, finalement, devient un fleuve impétueux dans lequel il ne pourrait se maintenir qu’en nageant. Et, à son grand étonnement, le prophète voit que, sur les deux berges du fleuve, les arbres poussent (aussi vite que dans « L’Étoile mystérieuse » de Tintin et Milou !) et portent du fruit chaque mois avant que le fleuve se jette dans la Mer Morte dont il assainit les eaux. Jean se souvient de ce texte, ainsi que de l’épisode qu’il rapporte au chapitre 2ème de son évangile (Jn 2, 18-22), lorsque Jésus chasse les marchands du temple. Comme les chefs religieux lui demandent un signe justifiant une telle initiative, Jésus leur répond : « Détruisez ce temple et en trois jours je le relèverai. » Or le temple venait tout juste d’être restauré par Hérode, il avait fallu 46 ans pour cet énorme travail. On objecte donc à Jésus : « Il a fallu 46 ans pour bâtir ce temple et toi, en trois jours, tu le relèveras ? ». Mais, note l’évangéliste qui n’a compris la chose que bien plus tard, « il parlait du temple de son corps », faisant ainsi allusion à sa résurrection au troisième jour. En effet, Jean, à l’époque où il écrit son évangile, a compris, tout comme Paul dans sa lettre aux Colossiens, que Jésus est désormais le véritable temple où habite corporellement la plénitude de la divinité.

C’est la première raison pour laquelle l’évangéliste est si impressionné par cette scène. Il comprend que ce mince filet d’eau et de sang qui coule du côté droit de Jésus est destiné à la même fécondité que la source menue qu’Ezéchiel avait contemplée dans sa vision. Nous ne sommes qu’au soir du vendredi saint, mais un jour viendra où cette modeste source, celle de l’Esprit Saint, celle de l’eau du baptême et du sang de l’eucharistie, deviendra un fleuve puissant semant la vie sur son passage. Jean y est d’autant plus porté qu’il se souvient également des paroles de Jésus à la Samaritaine (Jn 4, 13-14) : « Qui boira de l’eau que je lui donnerai n’aura plus jamais soif ; l’eau que je lui donnerai sera en lui source d’eau jaillissant en vie éternelle. » Il se remémore également le cri poussé par Jésus le dernier jour de la Fête des Tentes, qui était consacré à un rituel de l’eau. Il note (Jn 7, 37-39) qu’en ce jour solennel, Jésus, debout, s’écrie dans le temple : « si quelqu’un a soif, qu’il vienne à moi et qu’il boive, celui qui croit en moi ! » et l’évangéliste, citant l’Écriture, commente : « de son sein couleront des fleuves d’eau vive. » et il poursuit son commentaire, à la lumière de ce qu’il a compris bien plus tard, : « il parlait de l’Esprit que devait recevoir ceux qui avaient cru en lui. »

La conviction qui habite Jean est que ce mince filet d’eau et de sang est appelé à devenir un fleuve immense destiné à guérir le cœur humain et à assainir le monde entier. Nous retrouvons d’ailleurs ce fleuve dans son Apocalypse au chapitre 22 (Ap 22, 1-5), quand Jean contemple dans le ciel le trône sur lequel siègent le Père et l’Agneau immolé, mais debout, le Christ crucifié et ressuscité, et voit jaillir de ce trône un fleuve, celui de l’Esprit Saint qui procède du Père et du Fils : « puis l’Ange me montra le fleuve de Vie, limpide comme du cristal, qui jaillissait du trône de Dieu et de l’Agneau. » Pour décrire ce fleuve, l’auteur de l’Apocalypse s’inspire du livre de la Genèse (Gn 2, 10-14) décrivant le fleuve à quatre bras qui parcourait le Paradis terrestre, mais qu’il retrouve maintenant dans le Paradis céleste. Et pour évoquer la fécondité de ce fleuve, l’Apocalypse reprend littéralement les termes du prophète Ezéchiel : « Au milieu de la place, de part et d’autre du fleuve, il y a des arbres de Vie qui fructifient douze fois, une fois par mois ; et leurs feuilles peuvent guérir les païens. » Après avoir parcouru toutes ces réminiscences, nous comprenons mieux pourquoi l’évangéliste rapporte avec tant de solennité l’épisode, banal sur le plan physiologique, du corps de Jésus transpercé par la lance.

Mais, il est une autre raison pour laquelle Jean est profondément bouleversé en se remémorant cet épisode. L’ultime blessure infligée au corps de Jésus après tant d’autres évoquées par le récit de la Passion et dont le Suaire de Turin est une frappante illustration, cette ultime blessure est en quelque sorte gratuite puisque Jésus est déjà mort. Tout est déjà accompli. Ce qui touche le cœur de Jean, c’est que cette dernière blessure devient le lieu même d’où coule une source intarissable de vie, de renouveau, de miséricorde et de transfiguration. Cette douce vengeance émeut profondément l’évangéliste. Il comprend que désormais ce seront les blessures mêmes infligées à l’Amour de Dieu fait chair et crucifié qui deviendront source de pardon, pourvu qu’il y ait dans notre cœur une brèche, aussi minime soit-elle, correspondant à la blessure du cœur du Christ. Et c’est pourquoi l’évangéliste, au terme de sa contemplation du cœur transpercé par la lance, citant le prophète Zacharie, écrit : « Ils contempleront celui qu’ils ont transpercé » (Jn 19, 37). Désormais, quiconque lèvera les yeux, dans la foi, vers la plaie du cœur du Christ pourra y découvrir à la fois le sérieux de son péché et la source du pardon qui le régénère. C’est comme si le Seigneur lui disait : « Tu es battu d’avance ! Même tes péchés, si tu les confies à mon cœur, deviendront une occasion de transfiguration ! Ma miséricorde sera toujours plus forte que tes misères… »

Tout à l’heure, en entendant le témoignage d’une personne accueillant les femmes qui ont pratiqué l’avortement ou qui y ont été contraintes, j’ai été très touché et cela m’a rappelé l’expérience bouleversante que je vis régulièrement lorsque, dans mon diocèse, nous accueillons, dans une même célébration, les femmes qui ont perdu un enfant par fausse couche et celles qui ont vécu le drame de l’avortement. Dans ce dernier cas surtout, le cœur du Christ comme source de la miséricorde, devient une source d’espérance pour ces femmes, à qui Jésus seul peut dire : « Ma fille, il est vrai que, pour des raisons que tu connais, tu n’as pas permis à cet enfant de naître, mais il n’a pas été anéanti pour autant. Si tu places ton espérance en moi, si tu viens t’abreuver à la source de la miséricorde, même cet événement tragique de ta vie pourra devenir une occasion de gratitude. Car, quand tu arriveras sur l’autre versant de cette vie, cet enfant auquel tu n’as pas donné le jour ici-bas sera le premier à t’accueillir, en t’appelant de ton vrai nom : « maman » et tu pourras enfin pleinement l’accueillir pour ce qu’il était dès le début, ton enfant ». Qui d’autre pourrait ouvrir au cœur humain blessé une telle espérance ? Qui donc, sinon le cœur transpercé dont les blessures même deviennent source de guérison ?

Pour conclure, je voudrais évoquer le beau texte de Jean de la Croix où celui-ci évoque la source dont je vous ai parlé. Il le fait dans un poème qu’il a composé quand il était emprisonné à Tolède, dans une forteresse donnant sur le Tage. De sa cellule, il pouvait entendre le murmure de l’eau du fleuve. C’est ce qui lui a inspiré le poème qui commence par ces mots : « Je sais une source qui jaillit et s’écoule, mais c’est au profond de la nuit ». Dans les strophes qui suivent, il évoque cette source à trois courants, qui est la source éternelle de la Trinité, mais qui, par l’incarnation, est venue couler aussi en ce monde et qui a finalement jailli du côté du Christ transpercé sur la croix. Il termine en soulignant comment cette source éternelle nous est présente, quand nous le voulons, dans cette Eucharistie, dont il était privé en sa cellule, mais qu’il contemplait dans la mémoire priante de son cœur :

« Cette source éternelle est toute rassemblée

En notre pain vivant pour nous donner la vie,

Mais c’est au profond de la nuit.

Cette source d’eau vive, objet de mes désirs,

En ce vrai pain de vie je la vois, la contemple,

Mais c’est au profond de la nuit. »

Qu’il est donc grand notre bonheur de pouvoir rencontrer, dans l’Eucharistie, célébrée ou adorée, le cœur du Christ, source de la miséricorde !

Mgr A.-M. LÉONARD,

Évêque de Namur.



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