L’Islam politique ? Une notion à géométrie variable
L’Islam politique, stigmatisé tant qu’il reflète des opinions critiques des grandes puissances, devient un mode d’expression parfaitement acceptable par l’Occident quand il satisfait ses intérêts. L’intellectuel musulman Tariq Ramadan en a fait la démonstration, dimanche, à Nanterre (Hauts-de-Seine, région parisienne), où il est intervenu devant plus d’un millier d’auditeurs, dans le cadre d’une journée consacrée à la Palestine, organisée par l’association locale Entraide.
Ramadan n’a pas eu à chercher bien loin.
Il a pris l’exemple de la récente « fatwa » (édit, dans la religion musulmane), prononcée par le recteur de la grande université Al-Azhar, au Caire.
Le cheikh en question, un fonctionnaire nommé par le pouvoir égyptien qui lui dicte tous ses faits et gestes, avait reçu l’ordre, de délivrer une opinion dite religieuse (puisque telle est en théorie la fonction officielle de cette personne) sur le mur d’asphyxie du peuple palestinien que l’Egypte construit actuellement le long de sa frontière avec la bande de Gaza.
Il s’agit d’une barrière destinée à parachever l’étranglement de la bande de Gaza mis en œuvre par l’Etat israélien (sur les flancs est, nord, et maritime du minuscule territoire où s’entassent 1,5 million d’hommes, de femmes et d’enfants). Sans surprise, le cheikh, servile obligé de la dictature, a décrété que la barrière génocidaire était « halal », et il a donné sa bénédiction à la poursuite des travaux, au risque de miner le minimum de crédibilité qu’il pouvait encore avoir aux yeux des peuples égyptien, arabes et musulmans.
« A l’évidence, on a eu là une intervention du religieux dans une affaire politique, la question de Palestine et celle de Gaza en particulier. Pour autant, nos bonnes âmes, qui poussent des hurlements dès qu’un musulman ose proclamer, en tant que musulman, sa solidarité avec le martyr du peuple palestinien, sont curieusement restées muettes après la fatwa du recteur d’Al-Azhar. Vous avez vu des commentaires, chez nos champions auto-proclamés de la ‘laïcité’ sur une telle intrusion du religieux dans le politique ? Aucun. En fait, il en va de ‘l’islam politique’ comme d’autres notions malmenées, telle la ‘démocratie’. C’est quand cela les arrange, un point c’est tout », a constaté Tariq Ramadan, vivement applaudi à la fin de son discours.
CAPJPO-EuroPalestine