Agen : Passé chez Martin Delbert pour prendre quelques bouquins à lire pendant cette période de fête. Mes recherches furent vaines. Je suis donc aller demander à la jeune femme qui consultait l’ordinateur du stock de la librairie et lui ai cité quelques titres des éditions Max Milo, de l’Arbre Vengeur, 100 pages, Alvik. Elle m’a regardé, incrédule. « Ce ne sont que des petits éditeurs ! » Je lui ai répondu que si je ne les trouvais pas ici, il est peu probable que je les trouverais à la FNAC, Virgin et autres grandes surfaces dites culturelles ( !!!). Je le sais, j’ai essayé. Si les librairies traditionnelles ne savent pas se distinguer, notamment en diffusant la littérature de qualité qu’osent de petits éditeurs, il est peu probable qu’ils puissent résister à la pression des grands groupes de distribution. J’ai essayé de le lui faire comprendre en lui précisant que, tant pis,j’allais aller voir chez Quesseveur, un petit libraire pas très loin, mais un vrai, un professionnel… lui. En fait, je n’avais plus le temps. Et du coup, j’ai du attaquer un livre que j’avais emporté dans mes bagages, « Mère Cuba » de Wendy Guerra, une auteure cubaine de la « génération Bogota 39 » en référence à une anthologie des 39 meilleurs écrivains de l’Amérique latine de moins de quarante ans qu’édita le prestigieux Hay Festival lorsque Bogota fut désignée Capitale mondiale du livre en 2007.
Le bouquin dresse un portrait de l’histoire récente de Cuba en filigrane de celui de 3 femmes. En premier lieu, Nadia Guerra – dont le patronyme emprunté à celui de l’auteure n’est bien évidemment pas fortuit – nous parle d’aujourd’hui, de la difficulté de vivre de cette jeune génération de trentenaires, qui n’a connu que le castrisme et qui se cherche en empruntant toutes sortes de voies et de voix, comme l’auteure elle-même qui varie les procédés d’écriture : prose, poèmes, extraits de journaux intimes, relations d’émissions radiophoniques, courriers… Personnage flou, vivant la nuit, travaillant dans l’ombre d’une station de radio, fatiguée de porter le masque immuable voulu par la révolution, Nadia Guerra décide un soir de révéler à son auditoire sa vrai personnalité, ses propres pensées, son âme. Un suicide en direct que ne lui pardonneront pas les autorités politiques. Du coup, apparition du second personnage, Albis Torres, la mère de Nadia, disparue depuis son plus jeune âge que Nadia se met en tête de retrouver au travers de l’Europe. Elle la retrouvera à Moscou. Impotente et perdue sous l’emprise de la maladie d’Alzheimer. Un personnage incapable de parler de cette génération qui accompagna la révolution cubaine, puis la rejeta en lui préférant l’exil. Bien d’autres intellectuels ont parlé de cela. L’auteur n’a donc sans doute pas jugé en rajouter une couche. C’est d’autant plus dommage, que c’est le second acte manqué du livre ; le personnage du père, à peine esquissé dans la première partie, méritait également un développement plus conséquent. Lorsque Nadia ramène sa mère à La Havane, son père meurt et disparaît du roman.
La troisième partie du livre, la plus intéressante, est le journal d’Albis, que Nadia trouve dans les maigres bagages de sa mère. Il s’agit là avant tout d’un portrait de Celia Sanchez, la première compagne de Fidel Castro. Là encore, déception, car on reste sur sa faim.
L’écrivain, son intimité, son sujet, ses personnages et la fiction se chevauchent et renvoient ses lecteurs dans une confusion et une déception dont il est difficile de s’extraire. On peut être amené à se demander si l’on ne tient pas entre les mains l’esquisse d’un ouvrage, de travaux préparatoires… d’idées, de personnages, de thèmes jetés sur le papier en vue d’une composition ultérieure qui aura finalement fait peur à un écrivain velléitaire. A la fermeture du livre, on a un sentiment de compassion envers Wendy Guerra mais en aucun cas, le désir de se plonger sur un autre de ses ouvrages. Dommage, d’autant qu’à la lecture de son blog , on apprend qu’elle travaille à un sujet qui me m’intéressait bougrement, Anaïs Nin et Cuba…