Tous les jours dans ce monde il se passe des choses horribles et personne ne bouge. Les catastrophes naturelles font en moyenne 80 000 morts chaque année sur la planète.
De temps à autre un événement majeur déclenche tous les intérêts enrobés de compassion. Le constat est amer. Dans ces cas là, chaque individu devient un collectif.
Aujourd'hui depuis 6 jours c'est Haïti et les millions de victimes de ce terrible seisme. C'est tous ces gens qui soudain s'intéressent à ce pays oubliant qu'il est mort depuis très longtemps. Tous ces gens qui d'ici deux semaines n'y penseront plus, le temps et le vent ayant poussé Haïti pour céder la place à une autre actualité.
Le premier pays noir à obtenir son indépendance moyennant finances payées très cher à la France crève à petit feu depuis des années. À Haïti, ces trois dernières années, les gens mangeaient des galettes de boue pour bloquer la faim. Et tout le monde le sait. Haïti payait encore le reste des arriérés de sa "dette" à l'égard de la France... sous Mitterrand ! Soit 180 ans après que sa révolution ait spolié de leur cheptel humain les "pauvres" esclavagistes français !
Il aura fallu que la nature se fâche et tue sans doute plusieurs centaines de milliers de personnes pour que le reste du monde tourne un vague regard humide vers ce pays perdu.
Et encore, la sincérité de ce regard est largement suspect de véhiculer quelques intérêts ! Chacun cherchant à prendre la main sur les secours et la logistique sachant très bien qu'ensuite viendra l'heure de la reconstruction et... du profit. Chacun claironnant avec une indécente fierté les sommes, du reste ridicules, envoyées pour aider ce pays...
Barack Obama annonce cent ou deux cent millions de dollars, Nicolas Sarkozy annonce cent millions d'euros... Trente millions par ci, dix millions par là… Formidable.
Il y a quelques semaines notre chère ministre de la santé dilapidait 2 milliards d’euros contre une grippe fantôme qui n’a tué que 240 personnes dans notre petit pays confortable dont la grande préoccupation, pendant que le monde s'écroulait sur la tête des Haïtiens, était de savoir comment allez en voiture remplir son caddy au Carrefour d'à côté sous trois flocons de neige !
On sait aussi que dans ce monde où plus aucune action n'est dictée par autre chose que l'intérêt économique et financier, l'argent récolté pour Haïti retournera en grande partie sous formes de juteux contrats de reconstruction aux pays qui l’ont déboursé.
Après que les individus de bonne volonté qui, eux, interviennent gratuitement sans autre souci que de sauver des vies, qui va reconstruire Haïti ? Des grandes sociétés comme Bouygues ou autres, venant de France, des Etats-Unis ou d’Angleterre, avec leurs ingénieurs, leurs matériels et même leurs matières premières.
Et une fois reconstruit ? Après ? Une grande puissance prendra-t-elle la main pour développer ce pays ? Est-ce que tout cela permettra au peuple Haïtien d’être autre que ce qu’il a été depuis des siècles.
Mais non, bien sûr ! L'intérêt du monde capitaliste, c’est de reconstruire le haras. Les étalons vont saillir, les juments vont mettre bas, et les jeunes poulains serviront comme ouvriers un peu partout dans le monde. Notre monde à nous ne laissera jamais mourir ses cheptels basés en Afrique, en Asie ou en Amérique Latine. Parce que sans ces pauvres une grande partie de notre production resterait dans nos usines. Ce qui créerait dans notre monde à nous, celui où les gens vivent dix fois mieux et gaspillent de l'inutile mille fois plus que les autres, une situation ingouvernable.
Tout se passe comme d'habitude.
The Lynx