Pour bien commencer l'année, j'ai deux interviews de personnes qui n'ont a priori pas grand chose de commun... si ce n'est que c'est deux nouveautés qui me plaisent beaucoup dans un cas (le jazz mutant d'Ibrahim Maalouf) comme dans l'autre (le blues garage des Belges du Black Box Revelation).
Egalement un soundtrack et quelques CD reviews qui vont paraître dans le Rif Raf de la semaine prochaine et un groupe de jazz manouche qui s'appelle La Femme Belge... à voir en concert très bientôt au Java, Java où par ailleurs je mixe à présent tous les vendredis... See you there or wherever!
Bonne lecture et excellente année 2010!
Le grand orient
Sorti il y a deux ans, ‘Diasporas’ fit une entrée très inspirée dans le petit monde du jazz et de la fusion. Fort de ce succès et de multiples collaborations avec des musiciens de la chanson française et de la pop (Sting, Matthieu Chédid, Amadou et Mariam), Ibrahim Maalouf revient avec un projet novateur et ambitieux, ‘Diachronism’. Son ouverture d’esprit et l’agilité de son jeu lui permettent de repousser encore une fois les limites des genres.
Après ‘Diasporas’, on pouvait s’attendre à écouter du jazz oriental dans le sens large du terme mais on est surpris d’entendre que ça va encore bien au-delà. Finalement, comment tu te situes en tant que musicien ?
Ibrahim Maalouf : « Je ne me situe certainement pas comme jazzman. Il est vrai que j’ai atterri dans le rayon jazz car c’est celui qui a accepté de me recevoir… Le jour où il ne voudra plus de moi, j’atterrirai ailleurs (rires) mais je refuse la catégorisation par genre. Il y a quelque temps, c’était peut-être pertinent, mais aujourd’hui, j’ai l’impression qu’on fait tous des mélanges. Avec ma musique qui vient de nulle part et de partout, jazzman, ça ne convient pas. Je ne sais pas comment classer ça et je n’en ai pas envie. Et d’ailleurs pour ce qui est du jazz oriental, des gens comme Rabi Abou Khalil, Toufik Farroukh, font des choses remarquables dans les mélanges de jazz et de musique arabe. Mais je n’ai pas le sentiment d’appartenir du tout à cette école-là. D’une part, je ne fais pas du tout de mélange entre le jazz et la musique arabe car je fais quelque chose de beaucoup moins spécifique. Ensuite, je me vois plus comme un voyageur que comme un unificateur Orient - Occident. »
Dans ce nouvel album, tu explores des textures sonores inédites : des sons electros, des chœurs très présents…
Ibrahim Maalouf : « J’ai voulu explorer deux directions qui ont donné naissance à deux disques différents (‘Diachronism’ est un double album NDR). Le premier disque ‘Disoriental’ est la suite logique de ‘Diasopora’ plus lyrique et méditatif mais avec des sons effectivement electro. Le deuxième disque ‘Paradoxidental’ est par contre plus inspiré du monde de la chanson, de la musique actuelle. »
De fait, tu brasses beaucoup de choses dans ce nouvel album : on passe de l’electro à des titres très sereins et contemplatifs, de la chanson pop (duo avec M ‘Bizarre’) à un truc carrément funky comme ‘Souma Hia’. Ce sont tous ces contrastes qui constituent une base dans ton processus créatif ?
Ibrahim Maalouf : « Mais lorsque je compose, je n’ai pas d’image prédéfinie : je suis comme un peintre qui a une toile blanche devant lui, puis je fais ce qui me passe par la tête sans but précis. Ensuite, j’arrive à identifier certaines choses que je tente de creuser et de donner forme : « tiens, cela va vers ceci, ça vers ça, etc. » Ces sons sont l’étude et le travail sur des couches sonores, que ce soit avec ces sons electro assez amples ou bien avec les trompettes, les chœurs… L’album est fort construit sur l’étude de ces strates sonores, c’est pour ça que l’album s’appelle « diachronism » : en géologie, ce terme désigne l’étude des différentes strates à travers le temps. Ce terme me semblait être le plus représentatif de mon évolution musicale. »
À côté des ces strates et d’une orchestration ample et novatrice, on a aussi des titres beaucoup plus dépouillés comme ‘ Trumpet/Saz Improvisation’ dont la douceur et la rondeur de la trompette me fait penser à du ney (flûte orientale en roseau)…
Ibrahim Maalouf : « C’est vrai, d’ailleurs je n’ai jamais vraiment aimé la trompette. J’ai commencé à l’aimer à 23 ans lorsque j’ai eu la maturité pour faire ma propre musique avec cet instrument. Ce qui me dérangeait avec la trompette c’était ce son qui peut vite casser les oreilles. Puis j’ai commencé à en jouer autrement en me rapprochant de la douceur du ney. Tu tapes dans le mille car j’essaye vraiment d’avoir dans mon jeu une combinaison entre le pur souffle du ney et toute la puissance derrière que peut avoir la trompette. Si ce jeu doux et feutré n’était pas possible sur cet instrument, je crois que je ne l’aimerais toujours pas… »
Tu as pourtant commencé à jouer de la trompette à 7 ans notamment grâce à ton père (Nassim Maalouf, inventeur de la trompette à quart de ton NDR),qui avait déjà adapté cet instrument pour les sonorités arabes… Est-ce que cela veut dire que tu as joué pendant des années et accumulé les prix d’interprétation sans…
Ibrahim Maalouf : « Sans vraiment explorer cette vision de l’instrument. Pendant toute cette période, j’étais dans une démarche d’interprétation et de compétition, devenir le meilleur trompettiste classique etc, mais je n’étais pas dans une démarche d’expression artistique personnelle. Puis un jour j’ai eu le déclic et je me suis rendu compte qu’il y avait tellement d’autres choses que j’avais envie de faire avec cet instrument. Et je me suis laissé emporter par ces choses plus instinctives qu’on retrouve dans le jeu du ney et à travailler beaucoup plus mes propres compositions. »
Mais ce phrasé très épuré que tu as parfois, avec un minimum de note… n’est-ce pas aussi une influence du jazz et de Miles Davis en particulier ?
Ibrahim Maalouf : « Non. Je poursuis d’une certaine façon ce qu’avait initié mon père, c’est à dire jouer de la musique arabe à la trompette. Tu sais, la music arabe est très lyrique : elle est basée sur des mélopées, des cris, des longues notes parfois, c’est surtout cela qui a influencé mon phrasé, tout en mélangeant avec d’autres styles. C’est cela que je continue à faire. »
Miles Davis expliquait souvent qu’il recherchait dans son instrument et ceux de ses collaborateurs, le son de la voix humaine. Dans ton album, on suppose également l’importance du voicing, que ce soit dans la façon d’utiliser la trompette ou bien les voix…
Ibrahim Maalouf : « Il y a une similarité énorme entre ce que j’aime dans une voix et ce que j’ai envie de faire avec mon instrument. Donc je les ai mis souvent en parallèle dans cet album. ‘Diaspora’ n’était pas axé autant sur les chœurs. Ici je me suis basé sur des onomatopées. J’avais envie de traiter la voix à ma façon et de faire des recherches sur ces onomatopées, ces syllabes rythmiques et tribales… qui ne sont donc pas des mots arabes comme beaucoup de gens le croient, c’est de la pure phonétique. »
Comment toutes les explorations que tu fais sur cet album se retrouvent-elles sur scène ?
Ibrahim Maalouf : « Les concerts sont très différents. Ce n’est pas le même projet sur la scène que dans mes albums. Ce n’est pas la suite ou la transposition de l’album sur scène. Pour le plaisir de varier mais aussi parce qu’après avoir travaillé pendant plusieurs années sur un album, il me paraît équilibré d’aborder autre chose sur scène : d’autres morceaux conçus pour le live et quelque chose de plus spontané et laissant donc beaucoup de place à l’improvisation. De même, les musiciens avec qui je suis sur scène ne sont pas les mêmes que ceux avec qui j’ai enregistré l’album. Ainsi on peut jouer certains soirs des sets plus rock, ou bien carrément plus oriental et méditatif. La scène offre cette liberté-là, il ne faut pas l’oublier. Je combine donc les mêmes choses mais c’est juste d’autres morceaux, un autre univers sonore puisqu’on est plus proche sur scène du rock ou du funk arabe que de l’electro rap que j’ai fait par moment sur l’album. »
La chanson avec M est basée sur une ligne mélodique enregistrée en live avec tout le public qui chante, c’est une chouette façon de composer !
Ibrahim Maalouf : « J’avais commencé à travailler sur ce morceau lors de ma dernière tournée. J’ai eu envie de faire chanter le public et j’ai crée le concours du public. J’ai donc enregistré tous les publics de la tournée pour cette intro du morceau en leur disant que j’allaischoisir la meilleure version et la mettre en intro de ce morceau dans le prochain album. »
Parmi les intervenants dans l’album, on trouve deux musiciens qui proviennent du grand Orient qu’on ne connaît pas forcément ici. Il s’agit d’un des plus talentueux représentants actuels du oud, le palestinien Adnan Jubran, et du joueur de saz iranien, Bijan Chemirani. Choix artistique, volonté d’apporter un éclairage sur des artistes et des pays peu reconnus en Occident ?
Ibrahim Maalouf : « Non pas du tout. Ce n’est pas le sens de ma démarche. Je ne suis pas un mécène, un découvreur de talent et je n’ai pas de message à faire passer dans ma musique. C’est un choix humain avant tout et bien sûr, artistique. Ce sont des amis, on joue ensemble de temps en temps et c’est instinctivement que je me suis tourné vers eux. Maintenant, si ça permet de les faire connaître, c’est super. »
J’ai lu que, étant jeune, tu voulais devenir architecte pour reconstruire ton pays, mais apparemment, c’est la musique qui l’a emporté. Dans quel état d’esprit grandissent les jeunes Libanais devant ce cycle perpétuel de construction et destruction dont le dernier épisode fut cette guerre menée en toute impunité par le gouvernement israélien en 2006 et qui fit de très nombreuses victimes dans la population civile ?
Ibrahim Maalouf : « Ça commence à devenir dangereux car l’état d’esprit se rapproche de l’indifférence, du fatalisme. Le monde entier a vu ça, tout le monde a pleuré puis un mois après, tout le monde a oublié et ça c’est très triste. On a vécu au Liban notre 11 septembre à nous avec cette guerre. Personne n’en a fait de film ou quoi et maintenant tout le monde a oublié et les Libanais, eux, survivent aussi en oubliant. Combien de fois les gens de ma famille ont reconstruit leur maison ces dernières décennies… Maintenant, les Libanais ont cette capacité de retomber toujours sur leurs pattes si j’ose dire et il se passe énormément de chose sur le plan artistique au Liban. Et c’est certainement une preuve de vitalité et une source d’espoir. »
Pour reprendre ce cliché, ou ce vœu pieux, l’art et la musique peuvent-ils réunirent les gens au delà de leurs différences ? Est-ce possible dans un pays comme le Liban ?
Ibrahim Maalouf : « C’est très difficile de répondre à cette question pour moi qui suis trop dedans pour pouvoir répondre de façon impartiale. Mais ce qui est sûr c’est que ma démarche artistique est celle-là : ma musique s’adresse à tout le monde quelle que soit sa communauté, son appartenance religieuse ou géographique, etc. De plus, je mélange tout et tout le monde : je travaille avec des musiciens juifs, musulmans, chrétiens, athées, je joue en Palestine, en Israël, en Chine, aux USA… Mon but n’est pas de faire de la politique, mais c’est sûr que, dans certains cas, la musique peut être un vecteur pour amener les gens les uns vers les autres et à une certaine prise de conscience. Et tant mieux si la musique a ce rôle-là mais moi, je ne suis pas un porte-parole. Réunir des gens autour de soi, juste parce que la musique est bonne, c’est déjà une bonne façon de faire la paix. »
The Black Box Revelation
Messin’ with the kids
Le duo des jeunes bruxellois a causé un gros engouement dès avant la sortie de son premier album. Celui-ci vit s’envoler sa réputation garage rock vers des sommets bien plus hauts que ceux de notre pays. Tournant avec Eagles Of Death Metal, Ghinzu et dEUS, le groupe s’est frotté à de grands noms et de grandes audiences en live comme en radio. Les compositions de leur second album, ‘The Silver Threat’, ont eu le temps de maturer entre scène et studio. Le blues poisseux qui était la pâte de quelques titres de ‘Head On Fire’ est ici trituré et brassé avec des invectives psychés qui témoignent de la maîtrise acquise par nos jeunes musiciens.Vous avez beaucoup tourné ces deux dernières années, que ce soit en Europe et aux USA… Où avez-vous rencontré les foules les plus délirantes ?
Dries (drums) : « C’était lors de notre premier show à Hambourg en Allemagne. La foule ne nous connaissait pas mais dès les premières notes, ils ont commencé à s’exciter comme des malades, on n’avait jamais vu ça ! Ils se sont défoulés pendant tous les concerts, c’était dingue. Puis on est retourné jouer là cinq fois et maintenant ils nous connaissent et c’est chaque fois assez dingue ! »
Il paraît que le Stones avait déclaré en plein milieu de leur carrière qu’ils ne joueraient plus ‘Satisfaction’ car ils en avaient marre. Ils se sont ravisés depuis… Mais lors de vos très nombreux concerts vous est-il arrivé de vous lasser de jouer certaines choses ?
Jan (guitare/chant) : « C’est vrai que parfois, après avoir tourné aussi longtemps, ça peut arriver. Mais c’est aussi le signal pour considérer la chanson autrement et commencer à improviser. On connaît la chanson tellement bien qu’on peut jouer avec elle et la faire durer beaucoup plus longtemps. »
Dries : « Pour le public, c’est intéressant aussi car tu peux le surprendre. Et quand ce genre de choses arrive, ça n’arrive qu’une fois, c’est unique ! Ceci dit, on essaie aussi de nouvelles choses : autres guitares, autres pédales pour obtenir une dimension un peu différente tout en gardant un son frais. »
Justement, le live et les improvisations ont-ils servi de base pour développer vos nouvelles compositions ?
Jan : « C’est un peu ça, en effet. Mais à côté de cela, on a commencé à travailler sur des choses plus spécifiques. Entre les tournées, on a beaucoup travaillé sur les démos, puis après on est reparti en tournée, ce qui nous a donné l’occasion de tester de nouveaux trucs pendant les soundcheck et parfois même pendant les concerts. »
‘Set Your Head On Fire’ avait l’immédiateté du rock garage avec un tempo assez rapide. ‘Silver Threat’ est aussi très percutant mais avec une orientation plus blues rock dont l’origine remonterait à une chanson comme ‘Never Alone Always Together’ du premier album ?
Dries: « ‘Never Alone’ est sans doute la meilleure chanson du premier. Le mood de cette chanson est bluesy et le tempo est assez lent en effet mais le second album est plus mature dans la façon d’aborder les choses, notamment parce qu’on a beaucoup tourné et qu’on a développé notre jeu. »
Jan : « En enregistrant le premier, on n’avait pas d’expérience, on ne savait pas à quoi s’attendre. Pour ‘Silver Threat’ on a pu réaliser nos idées beaucoup plus facilement, dans le songwriting et dans l’enregistrement lui-même. »
On a l’impression que vous avez trituré cette pâte blues avec vos mains nues et que vous possédez votre matière avec d’autant plus de maturité, je pense surtout à ‘Here Comes The Kick’…
Dries : « Oui cette chanson est assez spécifique pour nous d’autant qu’elle comporte aussi des aspects assez psychédéliques. De plus c’est la première fois qu’on travaillait sur un titre aussi long. »
Jan : « Je crois que cette chanson, comme l’ensemble de l’album, est quelque chose qui se révèle écoute après écoute. C’est la marque de la meilleure musique, je crois et c’est sûrement ce qui le différencie du précédent. Chaque écoute va apporter de nouvelles dimensions, de nouvelles interprétations des paroles aussi ainsi qu’une vue d’ensemble qui ressort avec plus de profondeur. »
On parle beaucoup de blues alors quels sont les bluesmen que vous écoutez le plus ? Passés ou actuels…
Dries : « Jack White est pour moi un tout grand. Tout ce qu’il fait est fascinant… il est capable d’aller dans tellement de direction, tellement de talent ! Mais j’écoute aussi les Stones, Led Zep etc. Mais bon, il y a tellement de trucs excellents ! »
Jan : « J’écoute beaucoup Rory Gallagher (pour ma part je troque tout White Stripes contre 1 Rory Gallagher, les yeux fermés NDR), Johnny Winter. Ce sont des bluesmen et des guitaristes d’une telle énergie, d’un tel niveau ! »
John Lee Hooker ?
Jan : « On connaît de nom, mais on n’a jamais vraiment écouté… Ça viendra forcément un jour ou l’autre ! »
Un second album est toujours une grosse étape pour un groupe, ça peut même être angoissant… Comment cela s’est passé pour vous ?
Dries : « Pour nous c’était comme nous rafraîchir les idées car on avait tourné pendant si longtemps. Il était grand temps d’écrire de nouvelles choses, de faire cet album et de présenter tout ça live. »
Vous avez enregistré à Londres dans un studio de Ray Davis, je crois…
Jan : « On a d’abord passé pas mal de temps à peaufiner nos démos et a booké ce studio pour deux semaines car on ne voulait pas y passer trop de temps, tout en se donnant un peu de pression. On a enregistré souvent en live pour avoir quelque chose de naturel, cru en privilégiant la spontanéité. C’était vraiment cool et inspirant d’enregistrer aux Konk Studios. Ray Davis est passé quelquefois et a approuvé d’après ce que nous a dit le producteur… »
Il y a beaucoup de groupes en duo ces temps-ci. À long terme, n’est-ce pas un désavantage de ne pas avoir un bassiste ? En termes d’inspiration pour la composition mais aussi sur scène… Cela ne vous manque jamais ?
Jan : « Impossible de dire sur le long terme. Je sais juste qu’en ce qui nous concerne, on le voit comme une bonne chose car on peut prendre tout l’espace qu’on veut pour nos instruments. Et techniquement c’est intéressant aussi car ça nous force à réfléchir et à jouer d’une façon un peu différente, c’est plus aventureux comme ça. On peut croire que à deux, c’est plus difficile de rester frai et excitant mais nous, on a trouvé notre entente et notre équilibre comme ça. »
En mai dernier chaque chroniqueur du girafe a présenté un groupe belge sur lequel il pariait pour le futur. Un de mes collègues a parlé de vous et c’est comme ça que je vous ai écouté… Alors comment vous voyez-vous dans 5 ans ?
Jan & Dries : « Riche ? Qui a dit riche ? Non, ce qu’on souhaite surtout c’est de continuer à croître. Cet album-ci va être distribué dans plus de vingt pays (Europe, Russie, Japon, USA, Scandinavie) et on veut faire de bons concerts dans le plus de villes possibles, et continuer à faire cette musique qui nous botte et qu’on puisse continuer à en vivre aussi ! »
Soundtrack fin 2009:
- The Black Box Revelation = Never Alone Always Together (sometimes I think it could be worst)
- The Guilty Hearts = Jack On Fire
- Hipbone Slim = What Do You Like ?
- CW Stoneking = The Love Me Or Die
- Macy Gray = I Try
- Anthoney Wright = Reset To Zero
- Smoove & Turrell = I Can’t Give You Up
- The Meters = Give It What You Can
- Gwen Mc Crae = Damn Right It’s Good !
- The Jumpleads = Rock Me AGain Again And Again
- The Third Degree = Mercy (no duffy cover !)
- Jayl Funk = Fresh Funky Dude
- Pale The Kid = Work The Sucker
- La Femme Belge = La Femme Belge
- Izzy Dunn = Tits & Ass
- Sagat = Funk That
- Booba = Pazalaza
- La Rumeur = La Rumeur vs Skyrock
- Antipop Consortium = Shine
- Tetine & Sophie Calle = No Sex Last Night
- Fuckpony = Orgasm On The Dancefloor
- Einmusik = Saphir
- Arnaud Fleurent-Didier = Rock Critique (voir le très chouette album 'Portrait Du Jeune Homme En Artiste')
Chroniques CD:
Tetine
‘From A Forest Near You’
Slum Dunk
À l’heure où des héros anonymes comme Stéphane Delajoux œuvrent chaque jour pour nous débarrasser discrètement des vieilles et inamovibles têtes de gondoles (allez t’y es presque Stef, courage, puis ce sera Keith Richards, Macca, Plant, Bono, Madonna qui suivront bientôt), beaucoup de groupes s’évertuent à garder bien vivant l’héritage de ces 30 ou 40 dernières années. Ainsi les Brésiliens de Tetine : auteur d’un excellent ‘Let Your X’s Be Y’s’ sorti il y a deux ans, ce duo semblait être parti sur un lignée malgré tout fort intéressante. Après leur électronique fort rétro mais très ludique (‘I Go To The Doctor’), cette fois-ci le duo vole dans les plumes d’une new wave un peu référencée (Eno, Kratwerk, ‘Electric Sun Ra’ très ‘Electricity’ des premiers OMD), non sans ajouter quelques lignes de basses simples et funky à la ESG (‘Shiva’). ‘It’s A Brotherhood’ a quelque chose d’extralucide avec la voix de Eliete Mejorado qui erre sur des guitares fantômes, ajoutant au ton Sonic Youth. Celui-ci est aussitôt démenti par des effets sonores sortis tout droit des premiers claviers de Brian Eno… glacial pour des Brésiliens mais absolument envoûtant. ‘Free Love’, sans doute un sommet, avec son beat têtu made in 80’ et les splendides vocals de Bruno Verner. ‘Beautiful Day’ est ce qu’il a y a de moins structuré et vous fait perdre tout repère avec ces synthés aigus qui vous enjoint à fixer le soleil pendant des heures. Un disque tout à fait intéressant par son approche quand même assez originale d’un revivalisme qui n’épargne aucun courant. (jd)
Abd Al Malik
‘Live A La Cité Nationale de l’histoire de l’immigration’
Universal/Polydor
Ce très bon concert n’est pas un cliché d’un « faux révolté ». Malik campe sa scène et ses personnages avec une pertinence qu’on n’aurait pas imaginé à l’écoute de ses disques. Et surtout, montre quelqu’un d’une totale cohérence avec ses opinions et sa profonde recherche de fraternité. Bien sûr, on peut reprocher beaucoup de choses à Abd Al Malik et le Monde Diplomatique (aïe aïe) s’en est fort bien chargé : l’extrême prévisibilité des textes, son obsession pour la chanson française passéiste, son cursus universitaire, pas assez hardcore, un récupéré qui prônerait une France de l’assimilation des immigrés et pas le combat identitaire etc. À l’instar de pas mal de rappeurs actuels, le Monde Diplo s’est fait une spécialité de touiller dans ce que l’actualité a de plus catastrophiste et négatif pour la renvoyer goulûment comme seule image de la société. Ça fait vendre le sensationnalisme. Bon c’est un peu court, je sais et le slam n’est pas le rap. Mais ce qui est sûr c’est que, à l’heure où le rap français n’arrive plus à se renouveler, le slam de Malik semble prendre le contre-pied et élève son public à quelque chose de fraternel. Que ce mot résonne en français comme une devise de vendus ou en anglais comme un repli communautaire, brotha, Malik veut montrer qu’il peut concerner tout le monde tant il cherche à partager, à rassembler plutôt qu’à monter les uns contres ‘Les Autres’ : les rapports saisissants entre la cité et la perception de soi, la prison qu’on s’érige dans la tête… Ils sont bien peu à chercher au-delà de l’immédiat et à écouter leur impulsion humaniste, Brassens un peu, Brel surtout (qui se faisait taxer de « gentil »), Lennon, Marley, Renaud au fond... Non pas que Malik leur arrive à la cheville mais c’est surtout qu’il a ce type de conscience-là. Dommage que cela ne coure pas les rues et les boulevards…(jd)
The Valerie Solanas
‘Elevator Girl’
Solanas
Voilà un groupe de messieurs anversois qui n’ont peur de rien : prendre comme nom de groupe le patronyme de la plus perverse des féministes américaines qui leur aurait illico coupé les couilles si elle avait obtenu le pouvoir, c’est courageux… à moins que ce soit pour le buzz ??? Merde, je suis encore tombé dans le piège ! À la tête de ce quatuor, le chanteur Michael Brijs qui incarne parfaitement ce que la vraie Valerie devait haïr : un crooner macho et superficiel, doté d’un magnifique organe vocal. Cuivré et profond le timbre de sa voix rappelle celui de Franck Sinatra, probablement une idole de notre Michael. On écoute tout au long de cet album, une chouette collection de chansons dont les racines sont ancrées dans le swing-jazz et Broadway, brefde la croon absolue. Mais produite de façon originale (rien à voir avec le swing traditionnel du Robbie Williams de 2001) car elle s’accoquine avec des sonorités surfrock fort amusantes et quelques mélodies pop tout à fait réussies. Alors qu’on aurait pu croire une longue et douloureuse adaptation du texte « Up Your Ass » de l’Américaine, ces smart asses anversois nous font passer d’agréables moments en revitalisant un genre quelque peu oublié. (jd)
SALM
‘Something A La Mode’
Yellow
Faut rajouter ça à la liste des catastrophes de 2009 : un prix nobel de la paix qui envoie 30000 soldats en Afghanistan, un président de l’Europe provenant d’un gouvernement impuissant qui piétinent les droits de ses minorités et… le déglutissement de l’electro dans le classique. Ce duo français annonce fièrement en premier titre un featuring de Karl Lagerfion. Merde alors, que va-t-il faire ? Chanter ? Slamer ? A-t-il juste été samplé avec autorisation et mitrailles à la clé ? Très mauvais augure tout ça. Avant même qu’on entende sa voix, ce son pue tous les pires clichés electro piqués à Daft Punk et Justice. À cela, vous ajoutez quelques accords de violons façon Rondo Veneziano (cf. le malheureux ‘Rondo Parisiano’) ou encore une reprise de Schubert pour montrer que les gars du groupe sortent du Conservatoire et savent en même temps utiliser une moulinette electro achetée chez Carrefour. Donnez comme titre ‘Vodka Martini’ à une des compos pour être plus cool qu’un beau gosse et faire de vous des séducteurs de super marché. Voilà, c’est tout. Comme ça, vous avez déjà entendu ce Salm. Et pour les vieux, ne faites pas le coup à vos petits-enfants, sous prétexte qu’il y a du violon c’t electro… et vice-versa pour les jeunes. Ce truc est d’un goût aussi blinquant, arriviste et intergénérationnel qu’un Sarkozy. Et il disait quoi Lagerfeld ? Oh, juste : « On peut créer sa petite musique de chambre soi-même ». Faudrait juste avoir la décence de garder sa merdre dans son pot. (jd)
Wally Warning
‘Take Life’
Chet/Groove Attack
« Yo, t’es trop cool, toi l’Ethiopien avec ton bonnet rasta, tes bracelets AFRICA et ta gratte pourrie. On dirait un vrai bobo, Zion, Jah Rastafari et tout le bazar qui écoute Tryo et Benabar. T’as une chanson pas mal-là ; c’est quoi ? ‘Speranza’ ? T’en as d’autres en stock ? Non ! C’est pas grave alors tu vas m’en faire une vingtaine, Hein ? Je sais pas moi, n’importe quoi, tu racontes que t’aimes la musique, que la vie est belle que l’amour, c’est bien, allez, au boulot, c’est pas difficile quoi ! Ah oui et tu me fais tout en anglais. Quoi ? C’est pas grave, je traduirai pour toi et on va mettre plein de rimes en shine, en love en life et en dream. Hein ? Si si, ça passe hyper bien ce genre de truc niais chez les Européens, tu sais Amadou & Mariam, Suarez et tout ça. Non, pourquoi c’est quoi le problème ? T’es pas Ethiopien ? Mais ça on s’en fout… commence pas à faire de ton belre, les filles aimeront pas. Ah, et ce serait cool que tu fasses une reprise aussi. T’es Black, t’as une bonne oreille, tu vas vite apprendre ‘Ain’t No Sunshine’. Je suis sûr que les Américains vont adorer aussi. Alors on fait un premier album acoustique, hein faut pas que tu coûtes trop cher non plus au début, mais attention y aura des rythmes reggae et des balades et tout. On va faire un carton avec ce truc, que je te dis ! Et pour le suivant, t’auras Dan The Automator comme producteur et tu vas voir on aura le monde à nos pieds et toi un peu fric pour aider ta famille. Les quoi ? Journalistes ? Non on les paie, pour ça… une Clubman comme d’hab. L’autre ? Une pute exotique, ça suffira. Allez t’inquiètes que je te dis, souris et personne verra rien. Et signe ici. » (jd)
La Femme Belge
Une contrebasse, un violon, trois guitares au fond d’une pièce sombre et enfumée… ça sent le jazz et les rythmes frénétiques. De fait, ces cinq messieurs qui nous viennent de Flandre déboulent avec un swing qui vous transforment illico en danseur de claquette made in Broadway et leurs airs gypsy vont ramène aux bords des folles cavalcades de ce bon vieux Django. La voix riche et rauque du chanteur évoquent souvent Tom Waits et sait se montrer enjouée sur le titre éponyme du groupe : celui-ci raconte avec une suprême nonchalance et un humour mordant le lot de trentenaires célibataires tellement sophistiquées « qu’elles peuvent faire comme si elle n’ont pas besoin de sexe »… Leurs concerts sont à couper le souffle et on attend avec grande impatience les suites discographiques du EP sept titres. (jd)
http://www.myspace.com/lafemmebelge