Le corps et l’esprit travaillent ensemble dans cette pièce d’une vingtaine de minutes où les corps douloureux des hommes laissent échapper la profondeur de leurs sentiments intimes.
La force masculine est partout présente ici : par le nombre (7 danseurs), les mouvements rapides et saccadés, les corps massifs agités par les rythmes des magnifiques folk songs collectées par Alan Lomax dans l’amérique noire des années 30 et 40, la lourdeur de leurs pas et des leurs mains sur le bois de la scène. Le geste produit magnifiquement le son qui éclaire le geste. On voit presque la masse qu’ils font voler au dessus de leurs têtes et qui vient s’écraser sur la pierre à leurs pieds. Cet arc en ciel est d’abord tracé par l’outil au dessus de leurs épaules.
Et puis lorsque les prisonnier se reposent enfin, comme de leurs regards surgit une femme-oiseau, unique, toute en grâce aérienne jusqu’aux ondulations des doigts. Les mains et les bras s’envolent, légers et libres, merveilleux désirs nés dans le cœur des hommes assommés de fatigue. Autant de couleurs pour un arc en ciel, les visions se suivent en contrepoint du travail qui reprend, de l’amante (drôle) à l’épouse (bouleversant de douceur) en passant par la mère (troublant de justesse). Pour nous emmener vers le drame final, brusque : les gardes abattent 2 prisonniers qui prennent la fuite.
L’universalisme du sujet nous touche : la condition humaine, l’homme exploité, oppressé, animé par la colère, la soif de liberté, mais aussi la douceur de l’amour. La communauté physique du balais illustre parfaitement la communauté de classe, où la beauté de l’individu se dévoile dans le mouvement collectif. La fraternité des hommes nous émeut lorsqu’ils portent leur frère assassiné. Dans le dernier souffle de celui qui meurt, son corps l’abandonnant, c’est la douceur personnifiée qui vient danser une dernière fois avant l’obscurité et le silence. La valeur de l’homme est portée haut dans le ciel au travers de ce Rainbow magnifique.
df.
On trouvera ici un extrait de la chorégraphie daté de 1959 avec McKayle lui-même si l’on en croit la source.