Le bec d'oiseau
L'oiseau d'horlogerie
du boulevard Bonne-Nouvelle
Vrille et
trille d'oiseau qui est un joyeux drille, grince comme une scie très aigüe,
crisse. J'ai pensé souvent : « Cet oiseau a tout du robinet. Qu'est-ce qui
s'exprime ? » Pépiement, piaillement : là, il y a les grains, les pépins. Qu'il
picore.
Comment s'appellent les robinets
de bois qu'on adapte aux barriques et qui, eux aussi, crissent, et le reste du
temps sont libres, comme aussi ces bouchons adornés qui peuvent resservir d'une
bouteille à l'autre ? (Point d'interrogation satisfaisant ici.)
Voilà ce cri d'oiseau qui
recommence : je ne le trouve plus qu'agaçant à démence.
Des grains à la distillation il
n'y a pas loin. Qu'est-ce qu'il distille ? Sont-ce ces vocalises, ce kirsch de
tête d'oiseau très alcoolisé, cet alcool de noyau, de tête de moineau ?
Pas loin de là non plus aux rares
gouttes de sang noir qui dégouttent du bec de l'oiseau pendu à l'étalage du
giboyer1.
À quoi donc est destiné
principalement ce petit alambic ? Sans doute à l'un et à l'autre (aux vocalises
et au sang noir), à l'un pendant toute la vie, à l'autre le jour de la mort.
Francis Ponge, Nouveau nouveau recueil I,
dans Œuvres complètes, tome II, sous
la direction de Bernard Beugnot, Bibliothèque de la Pléiade, Gallimard, 2002,
p. 1068-1069.
Contribution de Tristan Hordé
Francis Ponge dans Poezibao :
Bio-bibliographie, extrait 1,extrait 2, extrait 3, extrait 4, extrait 5
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1 Mot inventé par Ponge.