l’identité nationale n’existe pas !

Publié le 18 janvier 2010 par Jlhuss

Une fois de plus les mots, pourtant fondateurs, peuvent générer les incompréhensions, ou “maquiller” les réalités. Le mot créateur, fabrique l’événement, mais engage le débat dans la bonne ou la mauvaise voie. Il en est ainsi de ce fameux débat sur « l’identité Nationale »
Pas nouveau ici, abordé à de nombreuses reprises au fil des évènements et surtout, à l’occasion des nombreux commentaires sur des notes d’humeur , le thème se retrouve propulsé sous les projecteurs par Eric Besson. Je donne donc clairement mon sentiment personnel.
En premier lieu je pense très sincèrement qu’inscrire une telle question dans une période préélectorale relève d’une mauvaise discipline. On ne peut en effet écarter l’idée de son instrumentalisation et, même si ce n’était pas le cas, ceux qui sont chargés de porter l’opposition trouvent ainsi un argument facile pour s’y soustraire . Au plus c’est une « habileté » sans panache (et illusoire), au minimum une maladresse coupable. Elle mériterait en revanche de faire partie du débat, avant une consultation présidentielle par exemple.

Ensuite, les termes mêmes de la discussion sont mal posés, pour la simple et bonne raison que l’identité nationale, ça n’existe pas ! L’identité ça existe. La Nation ça existe. Le rapprochement des deux est une hérésie; c’est associer une donnée individuelle à un concept collectif.
Votre identité, elle vous est entièrement personnelle ; elle est le résultat d’un formidable mélange de cultures reçues et acquises, de livres lus ou négligés, de parents, grand-parents, de travail, lieux de vie, climats etc. Morvandiau des lacs et des forêts, je ne peux confondre mon « identité » avec celle du provençal, du camarguais ou du breton de la pointe St Mathieu. Médecin , je ne peux confondre mon identité avec celle de l’enseignant, du monteur à la chaîne chez Renault, de la caissière de grande surface, du chercheur, de l’astrophysicien, du maître nageur.
Vivant dans une maison individuelle au centre d’une petite ville de province , je ne peux confondre mon identité à celle, dans la même ville, d’un habitant d’un HLM de la ZUP, ou ailleurs avec celui qui doit prendre un RER (quand il fonctionne) pour se rendre en plus d’une heure de stress à un boulot qu’il n’aime pas et pour lequel il gagne très peu, pas plus qu’avec un jet set boy qui se lève à Paris pour coucher aux antipodes et revenir quelques jours plus tard faire ses courses dans le Faubourg ou encore ce SDF fuyant le SAMU social pour ne pas être privé de son Préfontaine.

Peu habitué des lieux de culte, fatigué d’un débat sur l’au delà auquel je sais ne pas pouvoir répondre, mangeant du porc, du mouton et buvant du vin à toutes les périodes de l’année sans me soucier d’un calendrier des lunes ou des « prêtres », je ne peux avoir la même identité que celui qui porte une petite calotte sur la tête, celui dont l’épouse s’orne d’un voile qui met en valeur l’immensité de ses yeux, celui qui se prive pour faire 7 fois le tour d’un caillou sacré, ou qui se prosterne devant un mur. Mélangez même, le morvandiau portant calotte, vivant à la goutte d’or et astro-physicien (tout est possible) et vous obtiendrez un produit tout à fait original et tout autant unique. Etc. etc. …
Qui ne voit que cette identité, pouvant d’ailleurs varier tout au long de la vie en fonction des aléas de cette dernière, est affaire totalement unique et personnelle. Les quelques lignes sur ces différences ne comportent en aucun cas un jugement de valeurs sur telle ou telle pratique, comportements ou habitudes, simplement un « constat clinique » (déformation professionnelle) L’identité c’est comme l’ADN  : unique.
La Nation, c’est tout autre chose. C’est l’image d’une organisation collective, d’une entité dans laquelle des individus “uniques” ont d’un commun accord décidés d’exercer des solidarités, de répondre affirmativement à une organisation commune, d’accepter des règles communes de gestion du collectif. L’espace ou s’exerce cet accord a d’ailleurs varié au cours du temps, des événements, des guerres et il n’est pas irrémédiablement gravé dans le marbre. Il pourra s’agrandir ou se réduire. Certains vont jusqu’à évoquer la citoyenneté du monde, ou européenne etc. La Nation c’est précisément là ou on abandonne son individualité (son identité) pour là mettre au service du collectif.
A ce titre, il m’apparaît irresponsable de ne pas comprendre que le débat est nécessaire et qu’il serait autruche de ne pas en convenir : l’espace de la solidarité, l’espace des droits, l’espace des devoirs. Au fil des années, des mutations, des mouvements de population que la collectivité a voulus et même recherchés, lorsqu’elle avait besoin de bras ou de cerveaux ou de soldats , ont progressivement modifié les composantes individuelles du collectif. Le phénomène n’est pas réservé à ceux qui viennent “d’ailleurs” : l’exil du rural vers l’urbanité n’est pas rien dans la modification du paysage collectif !
La question est donc bien posée de redéfinir à l’aune de ces changements indiscutables , les règles de l’organisation collective qui peuvent, doivent, effectivement et pas seulement théoriquement, s’imposer à tous. Beaucoup se sortent de ces difficultés réelles par des incantations à la République, comme si celle-ci aussi était sans modulation, gravée in eternam dans le marbre et depuis toujours. C’est un peu bref et relève d’une certaine paresse à envisager demain en ne regardant que dans le rétroviseur.
Ainsi, je suis absolument partisan d’une grande réflexion, avec les mouvements associatifs, les partis politiques, les cénacles de pensée dite philosophique, les fervents de l’au delà, les athées etc. Le plus grand nombre doit s’associer dans cet effort de définition et de mise à jour. S’y refuser, par peur du douloureux, est suicidaire et mettra à bas finalement ce que l’on cherche à préserver. Mais le confondre avec une quelconque « identité » est un péché originel (sans jeu de mot) qui  d’emblée plombe la réflexion. Les enjeux doivent être clairement définis et les règlements clairement établis. Pour quelle raison, par exemple, un jeune Français né de parents Marocains pourraient-il être suspecté de moins appartenir à la Nation qu’un jeune Niçois, issu d’une lignée niçoise de père en fils et de niçoise de mère en fille ? L’albigeois de souche a-t-il des questions à se poser ? Le strasbourgeois devra-t-il à nouveau être ballotté ? Le basque rejoindre le maquis ? Le juif se préparer aux étoiles ? L’arabe se forcer à manger du porc si ça lui répugne ? L’auvergnat devra-t-il tuer lui-même son mouton ?
La Nation, c’est l’endroit dans lequel ils peuvent tous conserver leur “ADN” identitaire, en toute sécurité et sans crainte, l’endroit dans lequel ils reconnaissent et acceptent l’ADN identitaire de l’autre, l’ensemble qui accepte les mêmes règles.

La z’ique de Makhno :