Le prestigieux magazine l’Histoire a consacré en fin d’année un hors série spécial Murena et fut même l’objet d’une conférence à la Sorbonne le 4 novembre dernier.
Un engouement croissant
Murena se base sur des faits historiques réels, tout en étant une fiction captivante où un personnage imaginaire (Lucius Murena) évolue au fil des tomes.
Et le pari est réussi. En étant le plus réaliste possible sur l’âge historique abordé, sans faire d’anachronismes sacrilèges, les auteurs se sont attirés la bienveillance des plus sérieux historiens et l’unanimité de la presse, même si parfois des libertés sont prises sur des personnages historiques ou sur certains événements, pour rendre plus de piquant au scénario. Cependant ces mêmes libertés sont reportées par des notes correctives à la fin du volume !
Les planches de Philipe Delaby sont superbes, où il ne cesse de se perfectionner au fil des tomes, les personnages et les décors sont frappants de réalismes et depuis que les auteurs ont recruté un petit nouveau, Jeremy Petiqueux (coloriste), à partir du tome 5, les nuances et les jeux de couleurs rendent les dessins encore plus vivants.
Sa réussite auprès du public provient aussi sur le fait que la BD n’est pas édulcorée ou romanesque comme l’est la plupart sur le sujet, en n’hésitant pas à montrer du sang, des scènes de violences, du sexe, des personnages nus et parfois un langage crus.
Murena partage le même esprit que la mini série TV, Rome, de HBO : être hyperréaliste sur les mœurs de l’époque sans cacher les vérités qui peuvent déranger et c’est cela qui fait sont succès auprès des amateurs du genre.
Entre quantité et qualité, les auteurs ont choisis la deuxième option. Il faut en moyenne une année et demie pour sortir un tome ! Cela s’explique par des auteurs perfectionnistes sur le scénario et sur les planches où l’on reconstitue les costumes, les coiffures, l’architecture et les décors d’alors en s’appuyant sur des sources les plus sûrs ou en consultant directement des historiens.
Née d’une rencontre entre deux passionnés
La série est née d’une passion communes aux deux auteurs belges : l’univers des péplums. Dans des interviews, les auteurs ont raconté qu’ils étaient fascinés durant leur jeunesse par des films tel que Quo Vadis, Ben Hur…
Le prolifique scénariste Jean Dufaux avait déjà été tenté par le passé de lancer une BD proche de Murena 1986, avec l’album Lucius. Mais face au maigre succès remporté auprès du public, le projet d’une série tomba à l’eau et il ne sortis qu’un seul tome : Le sourire de la murène.
C’est lors d’un déjeuné de travail dans un restaurant italien que les coauteurs ont évoqué leur souhait de raconter une histoire qui se passerai en Italie. C’est en regardant une louve romaine trônant sur un mur du restaurant, que Jean Dufaux aurait été inspiré et aurait proposé par la suite à Philippe Delaby une histoire de péplum. Cette vision de ce symbole de Rome aurait réveillé en lui un vieux rêve de travailler sur ce thème. Quelque mois à peine, le scénariste présenta au dessinateur, une ébauche de scénario.
Delaby confie dans une interview qu’il emploie avec Dufaux un vocabulaire cinématographique quand ils travaillent ensemble.
On peut remarquer qu’à la manière d’une caméra, les images sont parfois centrées sur un point ou bien font un zoom avant/arrière par une succession d’actions.
Ces mise en scène et ces défilements ont peut être été suggérés par le scénariste qui fit des études à l’Institut des Arts et Diffusion (Bruxelles).
On retrouve cet attachement pour le 7éme art chez le dessinateur, qui a puisé son inspiration sur les traits de certaines actrices de cinémas comme Sophia Lauren pour Poppée ou Carole Bouquet pour Agrippine.
D’ailleurs, Philippe Delaby avait dit dans un entretient qu’il aimerait bien qu’il soit possible plus tard que leur histoire soit adaptée en une série TV de la même manière que la série Rome…
Un Néron moins caricatural
Les coauteurs ont voulu éviter les clichés classiques d’un empereur Néron machiavélique et sanguinaire et ils lui ont conféré une dimension plus humaine.
Dans une interview effectuée pour le magazine l’Histoire (voir hors série de novembre-décembre 2009) par Claude Aziza (historien et coauteur de la version de Murena en latin), Jean Dufaux rapporte que « Néron a été extrêmement aimé par son peuple et que son règne n’a pas été que négatif » si l’on se renseigne mieux sur le personnage.
En effet, les premiers tomes présentent un Néron innocent et sensible pendant les cinq premières année de son pouvoir, cherchant à régné selon les « principes d’humanité et de clémences » de son précepteur Sénèque le philosophe et appuyé par un élément modéré : le préfet du prétoire Burrus. Les auteurs montrent bien que Néron est victime des manipulations de son ambitieuse mère et c’est après l’accession au pouvoir que le personnage commence à basculer du coté obscure…
D’autre par, on peut noté que Néron est véritablement le personnage principal de l’histoire et que Lucius Murena n’est qu’un témoin du règne de Néron, subissant les événements. L’enquête de Lucius pour découvrir le véritable meurtrier de sa mère (Lollia Paulina) est un fil conducteur pour faire découvrir aux lecteurs la vie de l’empereur.
Liens :
·Entretient avec Philippe Delaby sur le site Le Graphivore : http://www.graphivore.be/Interviews/philippe_delaby.php
·Interview BD Video avec Philippe Delaby : http://www.generationbd.com/index.php?option=com_content&task=view&id=455
·Vidéo de Conférence "Néron en BD : histoire et fiction dans Murena" à la Sorbonne : http://www.youtube.com/watch?v=KC3eUMUOD3o
·Le site officiel de la BD MURENA - DARGAUD