Invictus m'avait un peu déçu. Irrémédiablement, j'avais beau lui chercher des excuses, je n'avais plus trop de réponse aux attaques contre les accès de conformisme du nouvel Eastwood. Du mal à défendre le commun, le prévisible, dans ce film qui ne parvient pas à faire du sport une épopée (un rugby étrange, dans lequel on s'attendrait presque à voir surgir un quarterback entre deux arrêts de jeu). Mais c'était avant de voir Tetro.
Car Tetro, c'est certain, représente jusqu'au désastre l'antithèse d'Invictus. Là où Eastwood veut montrer simplement le complexe, Coppola met toute son énergie à complexifier ce qu'il y a de plus simple. Il faut le dire, on comprend l'enjeu de Tetro au bout d'une demi-heure, au premier flashback: Angie/Tetro, le personnage de Vincent Gallo, a toujours vécu dans l'ombre d'un père trop sûr de son génie. Cette relation père-fils, Coppola s'emploie à la faire se miroiter de toutes les manières possibles. Dans le présent, dans le passé, dans les différents rapports de frère à frère (oncle Alfie et le Père, Tetro et Bennie), puis dans les références au cinéma et à l'opéra.
A coup sûr, Coppola a voulu faire un film baroque, tout dans le reflet, et dans le reflet de reflet - à ce propos, la rumeur qui fait de Tetro un film intimiste est à mourir de rire: rien de plus grandiloquent que cette divagation sur le Père, rien de plus prétentieux que ces plans surmaquillés. Le problème, c'est que tous les reflets, uniformes, répètent la même chose: à la place du chef d'œuvre baroque, Coppola a fabriqué un compost d'artiste sans art. Peut-être a-t-il cru que le noir et blanc, que la fascination pour la lumière qui aveugle, nous feraient croire aux subtils replis de l'inconscient. Mais quelqu'un devra bien se dévouer pour lui dire que son esthétique est celle d'une pub pour parfum.
Deux choses à sauver de ce Tetro, deux personnages féminins. Miranda (Mirabel Verdu), qui vit avec Tetro, et qui a pour Bennie la beauté d'une sœur ou d'une mère - précisément ce qui fait défaut au film - et Alone (Carmen Maura), portrait de la critique en déesse, grande maîtresse de cet univers d'artistes inachevés, qui nous donne l'espoir de voir tout cela se terminer en farce pure.
Après ça, forcément, j'ai repris confiance dans le déroulé limpide d'Invictus. Certes, Eastwood, dans ce nouveau film, est coincé entre une histoire consensuelle et une forme de retenue, dans la mise en scène, qui l'empêche de faire quelque chose d'autre que ce qu'on attend de lui. Mais c'est aussi cette simplicité qui témoigne pour l'histoire. Et d'ailleurs, quand on y regarde de près, cet hommage paradoxal aux valeurs nationales d'un passé surmonté, à travers le maillot vert et or des Springboks, constitue une manière pas si conformiste de considérer l'avenir.