Art Kuyu au Congo

Publié le 17 janvier 2010 par Detoursdesmondes

On ne sait que peu de choses sur l'art Kuyu, art d'un peuple situé autour de Owando, dans la cuvette formée par la Likouala, les rivières Kouyou et Alima dans le nord du Gabon.
Ce que nous connaissons dans les collections consiste essentiellement en des marottes polychromes Kyebe Kyebe (Kebe Kebe) exhibées jadis pour les initiés lors de danses.
Ces performances conduisaient les danseurs, entièrement cachés sous un vaste costume, à actionner ces têtes grâce à des bâtons permettant alors de les faire grimper jusqu'à 20 mètres du sol.

De nos jours, les danses existent toujours dans un but de divertissement mais poursuivent la tradition d'une performance incroyable lors de laquelle les danseurs tournoient à vive allure puis s'affaissent en formant un cône.
La vidéo suivante donne une idée de la danse (filmée semble-t-il à Owando) mais ne montre pas malheureusement les marottes.


À côté des marottes, existent des statues dont certaines d'entre elles ont des têtes amovibles.
Que ce soit les têtes ou les statues (plus rares), ce qui nous frappe au premier regard, c'est la richesse et l'abondance des motifs reproduisant des scarifications.
Anne-Marie Benezech, dans sa thèse de 1989, L'Art des Kouyou-Mbochi de la République populaire du Congo: Tradition artistique et histoire : étude de cas en Afrique équatoriale, a remarquablement étudié styles et motifs.
Les visages arborent d'importantes scarifications sur le front, rappelant, dans le cas de cette figure masculine, les motifs de cauris.
Les tempes sont toujours scarifiées, la bouche généralement entre-ouverte, laissant apparaître des dents élimées. La coiffure, sophistiquée ici par la présence des cornes, est souvent le support d'une représentation animale.
Le torse est décoré d'un plastron dont les motifs reprennent ceux du front et se retrouvent sur le petit pagne. L'ombilic est saillant et bien mis en valeur par la présence de nombreuses scarifications, lesquelles, dans le cas de l'exemplaire du Metropolitan Museum, couvrent toute la partie ventrale de ce tronc démesurément étiré.
Les bras, allongés mais d'une grande finesse, sont repliés et ne montrent qu'une petite main à quatre doigts !
Les jambes portent des chevillières, mais il est clair que le bas du corps a été réalisé avec une moindre attention.
L'interprétation de tous ces signes est très complexe.
Anne-Marie Benezech en fait une étude poussée montrant, entre autres, que certaines scarifications ont des significations différentes selon leur emplacement et leur rapprochement avec d'autres. Par exemple, le motif de bouchon (cercles concentriques) peut avoir valeur de protection, mais aussi d'identification sociale, placé sur les tempes ; il peut aussi être signe de l'autorité du chef (sur les coudes)...
Tant bien même la signification nous échappe-t-elle, nous sommes en présence d'oeuvres étonnantes et éclatantes par leur polychromie.

Photo 1 : Musée du Quai Branly.
Photo 2 : Musée Ethnographique d'Anvers.
Photos 3, 4, 5 et 6 : The Metropolitan Museum