Peu le savent, mais en marge du débat qui fait la une de l’actualité, sur – il me semble – les cardidentités nationales et la burkaslamisation, existe un autre débat en France et, de façon plus générale, dans le monde, sur des technologies dont les implications humaines sont autrement plus importantes que les petits soubresauts d’une République qu’on sent finissante.
Ce débat porte sur les nanotechnologies.
Pour rappel, ce sont les technologies qui permettent de travailler à l’échelle du nanomètre, soit celle des molécules, et de profiter de caractéristiques particulières (chimiques, physiques, quantiques) de la nature pour obtenir des matériaux, des outils, des molécules répondant à des besoins ciblés.
Les possibilités potentiellement offertes par ces technologies sont celles du vivant, permettant par exemple la création d’automates minuscules permettant ainsi la réparation cellulaire (ou leur destruction), individuellement. En pratique, les opportunités sont si vastes, et leurs pendants négatifs si terrifiants, qu’on peine à imaginer l’ampleur des révolutions possibles.
A titre de documentation, je ne peux que conseiller les ouvrages de K. Eric Drexler, un pionner de ces technologies et excellent vulgarisateur (« Engines of Creation », « Unbounding the future »). On pourra aussi regarder du côté de Kurzweil, qui a apporté d’intéressantes réflexions sur le sujet.
Un peu à l’instar des OGM, ce débat n’est pas propre à la France. Dans tous les pays industrialisés, des conférences et des présentations, des documentaires et des associations présentent les enjeux, les bénéfices et les risques potentiels que représentent l’utilisation de ces technologies.
En France, à la différence des OGM cependant, l’intérêt du public pour ces technologies est assez modéré : la plupart des gens n’ont pour ainsi dire pas entendu parler de ça, et n’ont qu’une idée extrêmement vague de ce qu’elles recouvrent.
Il est donc plutôt intéressant qu’un tel débat existe. Actuellement, il se traduit surtout par des réunions proposées par une Commission Théodule de plus mise en place par le gouvernement suite à l’un de ces nombreux « Grenelle » que le reste du monde ne nous copie pas.
OK, c’est mieux que rien du tout, et on sent un réel souci de débattre des enjeux ; les buts en sont modestes puisqu’il s’agit surtout de faire le point des arguments pour et contre ces technologies. Finalement, ça change de l’autre débat et son aspect purement politicien dont on sait qu’il ne débouchera sur rien de concret.
Et c’est donc avec consternation et aussi, une bonne dose de résignation, que j’ai appris les récentes actions de néoluddites franco-franchouille comme seule notre belle société est capable d’en produire.
Pour le coup, nous rejoignons donc en toute normalité ces démocrates alternatifs qui n’aimeraient rien tant que faire cesser les débats qu’ils jugent pas bô vilains.
Il y a une étonnante similarité de comportement et de positionnement intellectuel, finalement, entre José le Saigneurs des Épis, Peillon le Pleutre des Plateaux, ou les Fascistes de l’Anti-Fascisme, MRAP et SOS Racisme en tête. Dans une certaine mesure, on retrouve aussi cette attitude chez les cowboys de l’anathème - et les cowgirls comme Duflot - dans le débat sur le Réchauffement Climatique pour qui ceux qui osent émettre des doutes sont des négationnistes.
En effet, pour ces personnes, il ne s’agit pas d’exprimer un avis défavorable, ni d’expliquer en quoi ils ne veulent pas prendre part au débat – ce qui serait une opinion valable, après tout – , mais ils se positionnent directement comme ceux qui veulent le dynamiter, l’empêcher, le faire stopper.
Autant cette attitude est facilement risible lorsqu’il s’agit d’une lubie présidentielle mal définie, autant cela devient passablement néfaste lorsqu’on veut empêcher le débat dans les questions climatiques, questions dont l’impact sur les décisions politiques provoque des changements fiscaux totalement anthropiques et particulièrement douloureux.
Et lorsqu’il s’agit d’empêcher toute recherche sur les OGM, on sent pointer les réflexes les plus violents sans qu’il n’y ait guère besoin de pousser : jusqu’à preuve du contraire, personne n’est mort d’avoir mangé des OGM, alors que les faucheurs OGM sont responsables, au moins indirectement, de destructions diverses et variées et de … suicide.
Avec pareilles habitudes, on comprend que le pli est vite pris et que le débat sur les nanotechnologies peut, en France tout au moins, très vite virer à l’aigre.
La récente action des néo-luddites montre que s’il le faut, des actions violentes seront entreprises pour clouer le bec de ces vilains scientifiques qui tentent de maîtriser Gaïa ! Or, chacun le sait, la Nature ne peut être domptée gnagnagna, et l’homme n’est qu’un misérable vermisseau qui souille par son existence la beauté virginale d’une planète qui voudrait bien se passer de nous blablabla.
Le problème majeur de cette attitude est qu’elle ne ralentira pas la marche de l’humanité dans sa maîtrise des nanotechnologies.
D’une part parce qu’aucun mouvement similaire, dans la longue histoire de l’humanité, n’a jamais réussi à ralentir son inventivité. D’autre part parce qu’en se comportant comme ils le font, les néo-luddites cristallisent des sentiments d’opposition farouche à leur bêtise, ce qui a tendance à accroître l’obstination des scientifiques entravés par leurs manœuvres. Et comme on dit, patience et obstination font plus que force ni que rage.
Comme le pointe fort justement Kurzweil, en jetant des bâtons dans les roues des scientifiques honnêtes qui travaillent actuellement sur ces technologies, ces luddites provoquent une perte de vitesse sur cette partie des technologies qui leurs sont accessibles. Les recherches discrètes ou secrètes, financées par les armées et les organisations beaucoup moins ouvertes, elles, ne s’arrêtent pas.
On peut douter que les objectifs soient les mêmes. En clair, les faucheurs volontaires de débat n’arrêteront pas le progrès, et risquent surtout de retarder les progrès des technologies de défense plus que les malveillantes, augmentant ainsi le danger général.
Bien joué.
Mais dans ce pays, est-ce vraiment surprenant ?