Les adaptations de livres qui transcendent l’œuvre originale tout en respectant celle-ci sont aussi rares que les remakes réussis. Mais pourtant il existe quelques rares exceptions, dont la série True Blood fait partie. A partir d’une série de romans sympathique mais assez linéaire et oubliable, Alan Ball a réussi à créer une série phénomène, non seulement fidèle à l’univers et aux intrigues des livres, mais aussi sur laquelle il a pu plaquer ses propres obsessions. C’est donc avec une très grande impatience que la deuxième saison de la série était attendue. Et for heureusement, une fois encore, Ball ne déçoit pas.
Après une saison 1 géniale sur tous les points, Ball adapte donc pour cette deuxième année le second livre des aventures de Sookie Stackhouse, en se réappropriant encore plus l’univers des romans de Charlaine Harris. Cette fois-ci, la pétillante Sookie est envoyée à Dallas par le vampire Eric, afin d’élucider la disparition du shérif du comté. Pendant son absence, la petite ville de Bon Temps se retrouve noyée dans la folie d’une toute nouvelle créature surnaturelle. La formule reste ici la même que pour la saison 1, les nouveaux épisodes suivant plutôt fidèlement la trame principale du roman, tout en développant beaucoup plus les personnages secondaires (l’une des principales carences des romans). Ball parvient ainsi à satisfaire totalement les personnes ayant apprécié le roman, ceux-ci retrouvant quasiment intacte l’intrigue qu’ils connaissent, mais en plus le créateur de la série parvient à les surprendre par des ajouts et développement scénaristiques pertinents. Dès la première scène de l’épisode inaugural de cette nouvelle fournée, Ball et ses scénaristes donnent le ton en changeant radicalement le destin d’un des personnages : ceci est leur série, et qui dit adaptation dit aussi trahisons. Un travail d’équilibriste impressionnant, mais qui porte ses fruits en rendant la série beaucoup plus passionnante que les livres desquels elle est tirée.
L’autre mot d’ordre de cette saison semble être « plus » : plus d’intrigues, plus de sang, plus de sexe. Ainsi, la saison s’axe sur deux trames principales, sur lesquelles viennent se greffer de multiples histoires secondaires permettant au spectateur de ne jamais s’ennuyer. Outre les aventures de Sookie à Dallas et les problèmes liés à la présence d’une Ménade (une créature immortelle vénérant le dieu Dionysos) à Bon Temps, on suit donc l’embrigadement de Jason au sein de la Confrérie du Soleil (une secte anti vampires), l’apprentissage douloureux de la condition de vampire par Jessica (la jeune fille transformée en vampire par Bill dans la saison 1), et on en apprend plus sur le passé de Sam. Comme dans Six Feet Under, Alan Ball soigne donc le développement de tous ses personnages, ne s’attardant pas seulement sur le duo principal. Cette saison est d’ailleurs assez étonnante en cela que Sookie et Bill deviennent cette fois presque des personnages secondaires, s’effaçant devant Jason, Tara, Eric et surtout Sam, véritable personnage principal de la saison. Un changement intelligent, qui permet à la série d’éviter de tourner en rond et de se reposer uniquement sur l’histoire d’amour Sookie-Bill (même si un intéressant triangle amoureux commence à se dessiner avec Eric). Même des personnages faisant quasiment office de figurants dans la saison précédente se retrouvent ici propulsés sur le devant de la scène, comme Hoyt, le meilleur ami de Jason, qui entame une liaison avec la jeune Jessica. La multiplication des intrigues rend donc cette saison 2 passionnante de bout en bout et devrait même contenter les esprits chagrins qui reprochaient à la série sa lenteur.
En plus de développer en profondeur leurs personnages, Ball et son équipe continuent de radiographier les maux de l’Amérique contemporaine en prenant le prétexte du fantastique. L’intégration des minorités reste bien sûr l’un des fers de lance de la série, mais cette saison s’attaque plus précisément aux religions sectaires rejetant tout ce qui gêne leur foi. Le parcours de Jason au sein de la Confrérie du Soleil est à cet égard révélateur (il suffit de remplacer les vampires par les homosexuels et on se retrouve très proche de la réalité) et parfois même réellement effrayant (les méthodes de lavage de cerveau des nouveaux adeptes font froid dans le dos par leur réalisme). Après avoir exposé au grand jour les bassesses et l’hypocrisie des habitants de Bon Temps à travers le don de Sookie dans la saison 1, c’est cette fois ci le vernis des conventions tout entier qui vole en éclats suite à l’intervention de la Ménade. Et le moins qu’on puisse dire, c’est qu’il suffit de peu pour que des gens propres sur eux se lancent dans des orgies effrénées.
Mais fort heureusement, Ball n’oublie pas non plus qu’avant tout True Blood est une série fantastique. Et comme pour la saison 1, il réussit une fois de plus un savoureux mélange des genres, alternant humour et horreur avec adresse, sans renier le côté très série B de certaines intrigues. True Blood reste donc une série hyper sexuée (on ne compte pas le nombre de scènes de sexe plus que suggestives, les orgies et autres déviances présentées) et assez sanglante, qui nous venge définitivement du fantastique aseptisé à la Twilight. Cette saison comporte même de purs moments d’horreur et de folie, notamment lors de l’hallucinant et dantesque triptyque final, qui rend hommage au génial The Wicker Man de Robin Hardy (avec les cérémonies païennes ou le fameux totem sacrificiel), ainsi qu’aux films de zombies (aussi bien le zombie haïtien que les morts vivants ou les infectés de la vague récente d’ailleurs). On reconnait aussi clairement l’influence du Stephen King de Salem ou de Désolation dans ces images de la ville désertée dans laquelle une poignée de héros tente de combattre un mal innombrable et surpuissant. Alan Ball brasse toutes ces références avec bonheur, ne prenant jamais de haut le genre qu’il aborde, tout en proposant de nombreuses et passionnantes pistes de réflexion.
Il n’est donc nullement surprenant que la série soit un énorme succès, puisqu’elle réussit l’exploit de rassembler à la fois les fans de fantastique pur et dur, et les profanes cherchant des intrigues solides et intelligentes, en arrivant à satisfaire les deux camps. Une série B avec un cerveau ? On en a rêvé, Alan Ball l’a fait…
Note : 9/10