L’énigmatique nouveau film de Jaco Van Dormael (Le Huitième Jour) était fort attendu par tout cinéphile qui se respecte, le projet s’annonçant peu commun et d’assez grande envergure. Un film risqué, dont les premières images laissaient entrevoir quelque chose de visuellement magnifique, et qui donnait la part belle à l’imaginaire. Comme souvent dans ces cas là, le plus dur est d’avoir un scénario consistant.
Où nous découvrons donc Nemo Nobody, dernier mortel d’une société futuriste (nous sommes en 2092) au passé amnésique. L’enjeu est donc de remonter ces souvenirs pour mieux découvrir qui il est. Né en 1975, monsieur Nobody nous raconte la séparation de ses parents, son départ avec sa mère, sa vie avec son père, sa rencontre fusionnelle avec Anna, ses trois enfants avec Elise, sa rencontre avec Jeanne… Et tout cela entremêlé, comme si le jeune Nemo n’avait pu choisir quelle voie emprunter à chaque instant de sa vie. Dans un montage évidemment très complexe, mêlant passé, présent et futur, et ses différentes vies possibles et imaginables, Nemo Nobody nous entraîne dans un foisonnement de réalité et d’histoires qui vont à chaque fois découvrir ses forces et ses faiblesses. C’est ainsi qu’à chaque rencontre passionnelle, fusionnelle, ou décision drastique, il aura à en supporter les conséquences, bonnes ou mauvaises. Car Nemo, s’il peut ainsi emprunter les différents chemins qui lui sont offerts (et on cite Tennessee Williams au passage, quand même), va surtout nous montrer que quelque soit le choix validé, il n’y a jamais de bonheur absolu, et que la vie est faite de haut et de bas.
Magnifiquement mis en image, Mr Nobody aurait pu se révéler être un puissant chef d’œuvre (ne mâchons pas nos mots lorsque les enjeux sont aussi imposants), mais rate cette case de peu. On se retrouve au final avec une histoire d’amour bucolique, à mi chemin entre du Benjamin Button mêlé de science fiction, ou du Time Traveller’s Wife plus inspiré.. Mais si Nobody nous ressort toute les questions de métaphysique du monde (Big Bang, Big Crunch, l’effet papillon ou le pigeon.. oui, oui..), la répétition à l’infini de ces idées ne sert pas le film, qui s’embourbe dans un méli mélo de musiques faciles (la B.O. tient plus de la publicité que de morceaux originaux), et un romantisme écervelé qui sert alors plus la pensée de l’enfant que du héros avançant dans sa vie. C’est peut être ça, Mr Nobody, l’idée confuse d’un enfant de 9 ans, bloqué entre des choix impossibles, et s’évertuant à ne pas choisir. Quitte à emprunter chaque voie qui s’ouvre à lui…
Le grand spectacle se résume ainsi à cette idée, et là où on attendait une grande surprise d’un monsieur qui avait déjà sublimement mis en image le Huitième Jour, on se retrouve avec un essai de science fiction un peu trop long pour être efficace. A trop rentrer dans les arcanes du récit, Nobody se prend un peu les pieds dans son raisonnement, tout en ayant l’intelligence d’offrir une fin tout à fait maîtrisée à son héros.