Magazine France
141ème semaine de Sarkofrance: les promesses mortes de Nicolas Sarkozy
Publié le 16 janvier 2010 par JuanSemaine bousculée, semaine violentée. L'actualité de Sarkofrance s'est figée mardi, vers 23 heures. Oubliés les voeux présidentiels, le Conseil des Ministres, l'autosatisfaction du Monarque et de Brice Hortefeux, la psychanalyse télévisée d'Eric Besson. Haïti a tremblé, 50 ou 100 000 morts, un tiers des habitants sans abri, des images insoutenables. Quelques heures auparavant, Nicolas Sarkozy délivrait ses nièmes voeux, cette fois-ci au monde de la santé. «Mourir, c'est pas facile» dit-il, le sourire malencontreusement aux lèvres. Si, mourir, c'est très facile.
Les voeux inutiles
Le président français a continué sa tournée des voeux «aux forces vives de la nation». Cette semaine, les professions de santé, puis les agriculteurs. Aux premiers, Sarkozy s'est montré défensif. Il s'est exprimé à Perpignan, dans son Palais des Congrès, dans un centre ville bouclé et sécurisé par un millier de barrières, 400 CRS, et des hélicoptères de surveillance balayant les cieux. La santé va coûter plus cher aux ménages en 2010. Après de nouvelles franchises médicales en 2008, les malades supporteront une centaine de nouveaux déremboursements de médicaments, l'augmentation des tarifs de mutuelles (conséquence de la taxation exceptionnelle du gouvernement imposée aux mutuelles cette année), et la hausse du forfait hospitalier. Le financement de l'assurance maladie repose toujours aussi peu sur les revenus du capital. En ces temps de débat sur l'identité nationale, qu'il est frappant de constater que la santé est un sujet ignoré. Sarkozy ne parle que des «déficits chroniques» de la Sécu et de la rentabilité des hôpitaux. Il ne voit la santé publique que comme un truc qui coûte cher à trop de monde, et qui ne mérite que quelques efforts ciblées sur quelques «causes nationales» bien ciblées. Le soir même, la catastrophe humanitaire d'Haïti rappelait à tous que la vie humaine, et donc ses soins, ont peu de rapport avec ces douteux raisonnements.
Aux seconds, les agriculteurs, Nicolas Sarkozy ne sut quoi dire sinon promettre qu'il ne les laisserait pas tomber. Pour un métier qui a perdu un tiers de ses revenus, c'est mince. Aucune annonce concrète, si ce n'est des déclarations volontaristes: «Je ne laisserai pas tomber notre agriculture». Faute d'idées et de volonté, la Sarkofrance se cherche des diversions. Jean-François Copé préfère s'obstiner contre la Burqa. Pourtant, l'Assemblée Nationale doit plancher sur le «droit au revenu des agriculteurs». Le texte est sur le bureau des députés depuis ... novembre dernier.
La fausse taxe contre les bonus
Depuis l'automne 2008, Nicolas Sarkozy crie beaucoup et agit peu contre les traders. Il n'a, pour ainsi dire, jamais pris l'initiative d'une quelconque mesure d'encadrement pérenne des bonus bancaires. L'été dernier, le monarque élyséen avait dû endosser les recommandations de prudence de l'autorité de régulation britannique, la FSA, qui suggérait d'étaler sur 3 ans le versement des bonus. A l'époque, Christine Lagarde expliquait encore qu'on ne pouvait pas plafonner unilatéralement les bonus bancaires en France sous peine de faire partir les «meilleurs» talents de la spéculation française vers des cieux plus cléments. En décembre, le Sarkozy a été débordé par Gordon Brown, le premier ministre britannique. Ce dernier, soucieux de préparer ses propres élections législatives, avait annoncé unilatéralement sa décision de surtaxer les bonus des traders de la City. Sarkozy n'avait eut qu'à suivre.
Mardi, Christine Lagarde a présenté la facture fiscale. Selon la ministre, la fameuse taxe concernera environ 2500 traders en France. Elle taxera à 50% des bonus supérieurs à 27 500 euros (environ 20 SMIC mensuels), versés en 2009 uniquement. Elle sera limitée à une année (2010 pour les bonus de 2009), et surtout étrangement modeste : 360 millions d'euros. La seule BNP_Paribas prévoyait un milliard d'euros pour 2009. Les banques sont muettes... évidemment.
La régulation annoncée par Mme Lagarde est plus que minimaliste : l'Etat va simplement renforcer les pouvoir d'alerte et de contrôle. On ne change pas les pratiques. Et les banques ont déjà trouvé la parade: elles augmentent la part fixe des rémunérations de leurs opérateurs de marché. Ces derniers restent motivés à spéculer contre l'économie réelle. Rien ne change en Sarkofrance. Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas la franchise de l'admettre ?
Aux Etats-Unis, la démarche est autrement plus significative. Le président américain a prévenu jeudi que les banques allaient «rembourser le peuple». Barack Obama va imposer une taxe, la «Financial Crisis Responsability Fee» (Redevance pour Responsabilité dans la Crise Financière), qui doit rapporter quelques 81 milliards d'euros «sur 10 ans ou plus.»
L'échec de la politique du chiffre
En ce début d'année, les Français pensent emploi - ou plutôt chômage - et précarité. Jeudi soir, France 2 avait choisi de livrer son antenne au ministre de l'identité nationale : Eric Besson faisait sa psychanalyse en direct, portrait complaisant et intimiste à l'appui. On fut frappé par la clémence des critiques formulées à l'encontre de la politique migratoire (inefficace, chère et injuste). Arlette Chabot n'avait qu'à lire le dernier rapport de la CIMADE, qui répertoriait, les familles démembrées, les malades expulsés, ou les enfants en rétention. Pas de critiques non plus sur l'inefficacité des expulsions (combien d'Européens pour gonfler les statistiques), leur coût réel, les ravages de la politique du chiffre. Vers 21h37, une Arlette Chabot décomposée lit un communiqué de Vincent Peillon. L'eurodéputé socialiste fait faux bond. Marine Le Pen arrive et fustige l'échec de Besson. Ce dernier lui rétorque que le FN a perdu son monopole de l'identité nationale, que Sarkozy a chipé les sujets du FN. Echange surréaliste. «Vous n'avez plus grand chose à dire». Le débat fut un enchaînement d'aboiements. Cette semaine, un compagnon d'Emmaüs, sa femme enceinte et malade et leurs deux enfants, étaient expulsés par les polices de Sarkofrance. Il n'en fut pas question, évidemment, jeudi soir, sur l'émission identitaire d'Eric Besson sur France 2.
L'offensive médiatique du gouvernement se poursuivra le 25 janvier prochain. Laurence Ferrari ouvre son journal à Nicolas Sarkozy, et Jean-Pierre Pernault lui emboitera le pas avec des questions de «Français».
Les chiffres de la délinquance en 2009 ont été publiés : la délinquance générale baisse de 1,04%, mais les violences aux personnes progressent (encore) de +2,8% (après +2,4% en 2008) : on comptabilisait 455.911faits en 2009, contre 443.671 l’année précédente. Les cambriolages ont progressé de 8,6%, les vols à main armée de plus de 15%, les coups et blessures non mortels de 3%, les vols avec violence sans arme à feu contre les particuliers de 7%. Brice Hortefeux a tenté de réjouir l'assistance en présentant ses résultats, jeudi dernier: «C'est la preuve que la politique de sécurité voulue par le président de la République produit des résultats concrets au service des Français.» Personne ne fut dupe. Le comptage de l'activité policière est contesté. Les statistiques incluent en effet les «infractions révélées par l'activité des services» (IFRAS). En fin d'année dernière, les services ont levé le pied, car ces IFRAS ont chuté de 3,5% par rapport à 2008, alors qu'elles pèsent pour plus de 50% des actes de délinquances enregistrés . La politique du chiffre produit des effets contre-productifs. La crise accroit la précarité et les tensions sociales. Mais le gouvernement ne propose aucune réponse, aucun discours, aucune mesure.
Les fausses promesses industrielles
La crise se rappelle au bon souvenir de Nicolas Sarkozy. Sa mauvaise gestion est patente. Les fausses promesses, ses déclarations tonitruantes jamais suivies d'effet ni d'action, sont contredites par les faits. Cette semaine, le gouvernement était bien mal à l'aise face à Renault. Le constructeur automobile, pourtant aidé comme ses concurrents par la prime à la casse et l'assouplissement des conditions de chômage partiel, envisage de délocaliser un peu plus la fabrication de l'une de ses Clio en Turquie. Premier constat, l'industrie automobile française est trop spécialisée dans les petits modèles peu rémunérateurs. Second constat, le gouvernement a aidé sans contrepartie. La Commission européenne luis a rappelé qu'il ne pouvait faire autrement, que les prêts aux entreprises automobiles françaises «n'imposent aucune condition sur la localisation de leurs usines». Le story-telling sarkozyen en prend un coup. Jeudi, Christian Estrosi, le «motodidacte» et ministre de l'Industrie annonce que le gouvernement envisage d'augmenter sa participation au capital de Renault. Il est contredit le lendemain même par son collègue du Budget, Eric Woerth. On se contentera d'une entrevue entre Sarkozy et le patron de Renault, Carlos Ghosn. La Sarkofrance n'assume pas son libéralisme.
Une nouvelle fut trop peu commentée : en 2009, 800 000 embauches ont été totalement exonérées de charges sociales. Face à la crise, le gouvernement a multiplié les dispositifs d'aides aux entreprises sans contrepartie. Il lui faut aujourd'hui s'expliquer.
La fausse réforme des retraites
C'est l'épreuve de vérité de l'année pour Nicolas Sarkozy, l'occasion de montrer sa détermination à réformer le pays. Jeudi, François Fillon a posé la réforme des retraite comme l'un des enjeux de l'anne, lors de ses voeux à la presse. Samedi, le Figaro consacrait sa une aux pistes étudiées par l'Elysée. La fausse réforme de l'automne 2007 contre les régimes spéciaux a occulté les vrais problèmes. Sarkozy voulait faire croire que les cheminots devaient partir en retraite plus tard, comme tout le monde, oubliant de préciser deux faits majeurs : la pénibilité des emplois n'est toujours pas prise en compte; la mise en retraite des cheminots fut un moyen de modernisation de la SNCF au fil des années. Deux ans plus tard, le régime des retraites affichent toujours un trou de 10 milliards d'euros par an, qui devrait se creuser à 70 milliards d'ici 40 ans. Le gouvernement envisagerait trois leviers : l'allongement de la durée de cotisations (42 ans au lieu de 41), le recul conséquent de l'âge de départ à la retraite (62 ans), et le renforcement des fonds de capitalisation individuel. Imaginer confier aux marchés financiers le financement des futurs retraites est chose curieuse, après la débâcle boursière de 2008. Aucune réflexion sur l'assiette de financement n'est annoncée. La cohésion nationale ne passe-t-elle pas par le financement de la retraite de chacun ?
Ami Sarkozyste, où es-tu ?