Le Post a tenté une journée sans points d'interrogation dans les titres, mais n'a pas tenu très longtemps. Il a ensuite tenté une journée sans deux-points et c'était encore plus difficile à tenir. Mais à quoi peuvent donc servir les deux-points dans un titre ? se demandera le jeune lecteur sagace et futé. Apprends donc, jeune lecteur sagace et futé, que le Petit Champignacien a mené l'enquête pour t'apprendre à décrypter (comme on dit à @rrêt sur images) tout ce qui fait l'actu (comme on dit chez Demorand). Le Post est un observatoire fascinant et répugnant pour cerner l'avenir de la presse : on y voit les nouvelles méthodes d'écriture et celles-ci s'illustrent d'abord dans les titres, les étiquettes et les liens.
Que veut dire un deux-points pour le commun des mortels ? En premier, c'est l'introduction d'une citation après mention du locuteur.
- Vincent Peillon : "Si je faisais des coups médiatiques, ça se saurait".
Le problème, c'est que les citations ne sont pas forcément sourcées dans le titre.
- Marche silencieuse pour Hakim : "Hakim n'aurait pas souhaité une vengeance".
Remarque ici, jeune lecteur sagace et futé, que j'ajoute un point à la fin des titres. Normalement un titre est sans point, mais ici on a des citations entre guillemets qui auraient dû être terminées avant par le point même s'il n'était pas présent dans le discours. C'est un léger problème de forme, on ne critique pas les titres, on les clique ou on les lie ! Et un point final, c'est une source d'erreur possible pour un lien parce que cela se voit mal dans une URL. Le problème vient ici qu'en fait la deuxième partie n'est pas vraiment une composante du texte qui n'affiche que le premier élément dans la titraille. Il s'agit donc d'un ajout de la rédaction pour rendre le billet du posteur plus attractif que par le seul élément purement informatif et cela ne modifie pas l'URL.
Mais pourquoi ajouter donc une citation non sourcée dans le titre ? me demande alors le jeune lecteur sagace et futé, cela n'apprend rien ! Certes, mais la citation entre guillemets fait tout de suite plus vrai, c'est du témoignage, en brut, en vrai, en direct. Il s'agit d'un procédé courant et classique du journalisme, on place une phrase prononcée ou écrite soit en titre, soit en exergue par l'intertitrage et cela agit sur les cellules nerveuses comme un appel (croit-on). Le lecteur attisé par ce stimulus se précipite alors sur la page en question. Il a quelque chose qui lui est offert à ronger comme un os pour un chien. Le fait n'est pas propre au Post, mais aussi au fameux journal de référence du soir lorsqu'il accorde des tribunes à nos grands décideurs de la chose publique.
La distinction est plus complexe. On a d'abord la notion de rubriquage.
- Haïti : le monde du sport et des people se mobilise.
Là, cela se complique parce qu'il existe aussi des titres sans deux-points et pourtant avec rubriquage.
- Levallois-Perret Bardot joue le mépris avec Balkany.
Quelle différence entre les deux ? Le premier n'a aucune étiquette, le second est tagué, classé dans une catégorie et certainement géolocalisé. Cela me semble triste pour Haïti qui aurait dû avoir son étiquette propre vu l'émotion que les événements suscitent. Le deux-points permet aussi de se situer dans les pages et il joue alors comme un ersatz de surtitre puisque les pages de liens ne permettent pas vraiment d'afficher la mise en page d'un journal traditionnel en papier. Est-ce que le deux-points a encore un sens dans ce nouvel espace de lecture ? Je n'y crois guère. Mais alors à quoi peut-il encore servir ? me demande le jeune lecteur sagace et futé.
Il faut en venir à la distinction sémantique thème-rhème. Le thème, c'est ce qui est supposé connu. Le rhème, c'est l'information nouvelle que l'on apporte sur le thème.
- Plus belle la vie : Qui Benoît choisira-t-il ?
Plus belle la vie, tout le monde connaît, et surtout pour dire qu'on ne regarde pas ou ne veut pas voir. C'est donc obligatoirement le thème et le rhème est le reste. Comme il n'y a aucune information dans le rhème, on peut se demander si le thème n'est pas général. Mais ce n'est pas toujours dans le même ordre :
- Une semaine d'actu sur le Post : qu'avez-vous retenu ?
Le rhème est alors le fait d'avoir lu certains faits de la semaine du Post et seulement de lui. Ce qui est fascinant dans les sites dits participatifs, c'est cette volonté de s'autocentrer : l'actu (comme on dit chez les branchouilles) n'existe pas chez les autres même si on les lie ou agrège. Cela existe aussi dans Rue89 ou Bakchich sous forme de récapitulatifs que l'on croyait réservés aux journaux papiers en fin d'année et de pseudo bêtisiers sur les étranges lucarnes. Le deux-points introduit là aussi un comportement communautaire que l'on peut relier à l'étiquetage. Je ne suis pas certain que ce soit un progrès.
Il y a d'autres choses à dire au sujet du deux-points (causatif ou conclusif), mais la pente de mon texte m'a entraîné ailleurs. Quatre ou cinq exemples ne font pas une démonstration, je me promets de revenir sur le rôle du deux points avec une autre perspective. Il y a de vrais problèmes de lecture, de classement derrière.