On se doute bien qu'il s'agit d'une production anecdotique, dans de quantités infimes, mais bien réèlle.
Durant l'ère Meiji, alors que le gouvernement insuffle beaucoup de force dans la culture du thé, en particulier du sencha, devenu très important produit d'exportation, des efforts sont aussi faits sur le développement de la production de thé noir et de thé oolong au Japon. On fait venir des spécialistes chinois pour former les japonais à la fabrication de ces types de thé. Aussi, en 1870, un producteur de Shizuoka, Tada Motokichi 多田元吉 (1829-1896), est envoyé à l'étranger pour réaliser des études de marché sur les pays importateurs de thé. En 1875, il se rend en Chine, puis en Inde l'année suivante, devenant ainsi le premier japonais à mettre les pieds à Darjeeling. Entre autres choses, il ramena des graines de théiers indiens, qui par croisement donneront la variété aujourd'hui connue sous le nom de Beni-fûki.
Alors que la production de thé oolong fut vite abandonnée, à petite échelle on produit du thé noir. Dans les années 30, durant la période de grande crise économique mondiale, le Japon profite des restrictions sur l'exportation du thé en vigueur en Inde, pour exporter son thé noir, environ 6400 tonnes en 1932.
Comme je l'ai expliqué dans la rubrique "histoire du thé japonais", après la guerre, le thé devient un produit d'échange contre les aides alimentaires venant des Etats-unis. S'il s'agit en grande partie de sencha ou de tamaryoku-cha, du thé noir est ainsi exporté. Et, au début des années 50, alors que les troubles Chine empêchent l'export du thé, le Japon exporte le sien vers le Moyen Orient et l'Afrique du Nord. Là encore, il s'agit essentiellement de tamaryoku-cha (mushi-guri et kama-guri), mais du thé noir japonais est aussi ainsi diffuser vers ces pays. Néanmoins, il n'en reste pas moins que le thé noir japonais est considéré dans le monde comme un thé noir de très mauvaise qualité.
Ainsi, dans les années 60, il devint clair que l'export du thé noir japonais était impossible face à la qualité et au faible coût des thés noirs indiens ou Sri-lankais. On se concentre sur le marché national. or le problème de concurrence reste le même. Alors, en plein boom du thé noir, pour protéger cette production nationale, une lois impose aux industriels d'acheter une même valeur de thé noir japonais pour pouvoir importer du thé noir de l'étranger !Ces industriels se retrouvent obligés à acheter un thé dont il n'ont pas besoin.
De cette manière, les efforts continuent, et de nombreuses variétés à thé noir sont développées. Parmi elles, le chimérique Beni-hikari, dont on parle comme d'une sublime variété à thé noir, naît à la fin des années 60. Mais cet enthousiasme meurt dans l'œuf : en 1969, le commerce international devient libre, résultat, il ne se trouve plus personne pour acheter le thé noir national.
Le seul "petit" hic, c'est qu'il semble bien que les sencha issus de ces variétés ne soient pas fameux du tout. Néanmoins, nombreux sont aujourd'hui les producteurs à s'essayer dessus, et je pense qu'il est possible de trouver des produits satisfaisants.