Lenora Crichlow (Sugar Rush) est décidément une actrice très occupée ces derniers temps. Apparue dans la mini-série d'ITV, Collision, cet automne, actuellement à l'affiche de la saison 2 de Being Human, diffusée sur BBC3 depuis dimanche, elle tient également le rôle titre dans une nouvelle série (initialement prévue pour la fin de l'année dernière, mais finalement reportée à ce début 2010) lancée sur BBC1 ce jeudi soir : Material Girl. Pour le moment, six épisodes d'une heure chacun ont été commandés.
A priori, l'univers de la mode n'est pas forcément ma tasse de thé, même si j'ai suivi Ugly Betty durant presque deux saisons. La filiation de Material Girl avec toutes les fictions traitant de ce sujet se révèle d'ailleurs immédiatement évidente. Si la série bénéficie sans doute d'un peu moins de moyens que sa consoeur américaine pour faire étalage des dernières tenues vestimentaires affriolantes, elle investit cependant de façon très classique -et complète- les coulisses de la mode, en nous proposant de suivre le parcours d'Ali Redcliffe, jeune créatrice, designer en devenir. Jusqu'alors assistante auprès d'une patronne tyrannique, elle quitte brusquement sa position, sur un coup de tête, en comprenant que cette dernière ne lui donnera jamais sa chance. Va-t-elle réussir à rebondir ? Aux côtés de Lenora Crichlow, on retrouve notamment l'expérimentée Dervla Kirwan (55 Degrees North, Hearts and Bones), mais aussi Michael Landes (Lois & Clark : les nouvelles aventures de Superman, Special Unit 2). Un casting a priori donc relativement solide et qui ne va pas démériter.
Opèrant une redistribution des cartes entre les différents protagonistes, ce pilote sert à exposer les futurs enjeux de la série. Ali a claqué la porte du label de Davina Bailey (Dervla Kirwan), créatrice qui gère d'une main de fer son petit empire. Obstinée, la jeune femme refuse toute compromission (et avances) pour percer et préfère se mettre en quête d'un nouveau travail dans la création vestimentaire. Mais sa réputation la précède désormais, s'étant aliénée trop de personnes influentes, si bien que toutes les portes se referment une à une. Seule réelle opportunité concrète : une proposition de la part de Marco Keriliak (Michael Landes), un businessman qui dispose des connexions nécessaires pour permettre à Ali de lancer sa propre ligne de vêtements, mais dont la fiabilité en affaires ne vaut presque rien. La confrontation avec Davina devenant plus personnelle, notre jeune héroïne finit par se rallier à l'offre de Marco, en dépit des craintes formulées par ses amis.
Remplissant pleinement le rôle d'installation qui lui est dévolu, l'épisode nous fait suivre les débuts de la nouvelle entreprise. On assiste donc aux premières passes d'armes avec Davina, mais aussi entre Ali et Marco, chacun ayant une conception très différente des affaires, entre naïve utopie et requin attiré par l'argent et les paillettes. La première bataille contre Davina étant gagnée, tout est bien qui finit bien. Pour le moment. Car désormais "It's war". De quoi s'attendre à de nouvelles péripéties pour Ali et sa toute jeune ligne de vêtements, d'autant que Marco ne restera le partenaire idéal que dans le succès. En cas de difficultés, les choses pourront rapidement devenir plus compliquées.
Résumée ainsi, vous devinez déjà quel écueil majeur Material Girl ne peut éviter : celui de l'accumulation des clichés. Proposer une fiction dans le cadre de la mode ne signifie pas souscrire jusqu'au moindre détail, au vaste fantasme imagé qui y est désormais associé. Il n'est pas nécessaire de reprendre à son compte tous les stéréotypes véhiculés sur le sujet. Car, devant ce pilote, le téléspectateur finit par penser qu'il assiste à un défilé des clauses contenues dans le cahier des charges d'une série sur la mode : de la tyrannique patronne étouffant la concurrence, jusqu'au meilleur ami gay, colocataire, travaillant également pour Davina, en passant par la proposition indécente (parachutée) pour percer, tout y est. Avoir vu ou lu une histoire sur ce milieu signifierait-il que l'on en a fait le tour et qu'il n'aurait plus rien (d'autre) à offrir ? Ce manque flagrant d'imagination et d'initiative des scénaristes laisse un sentiment mitigé : tout est parfaitement en place, trop bien en place même, trop huilé pour attirer l'attention d'un téléspectateur finalement blasé.
Pourtant, l'histoire en elle-même, d'un classicisme extrême que l'on pourrait qualifier de "traditionnelle", n'est pas déplaisante à suivre. L'introduction d'une petite storyline amoureuse pour Ali s'inscrit d'ailleurs dans cette même perspective. Simplement, elle ne ressemble qu'à une énième copie d'un récit déjà bien trop souvent croisé.
A cette réserve, s'y ajoutent des remarques plus formelles. Si la réalisation est correcte, alternant quelques plans inspirés et d'autres plus douteux, mais dans l'ensemble relativement soignés, la bande-son, offrant de nombreuses chansons pop/rock, se révèle en revanche bien trop présente, transformant certaines scènes "de transition" en faux extraits de clips musicaux. Ce qui n'est jamais une bonne chose pour la cohésion de la construction globale d'un épisode.
Bilan : Cumulant les stéréotypes sous des atours chatoyants relativement divertissants, le pilote de Material Girl sonne quelque peu creux. Le ton vacille, incapable de choisir, hésitant entre légèreté et touches plus sérieuses, ne sachant trop comment se positionner. Dans cet univers "impitoyable" de la mode, démystifié tant de fois au cours de ces dernières années, Material Girl ne semble a priori rien proposer de neuf. Trop bien calibré, trop rangé, pour apporter un soupçon d'originalité salvateur, elle reste cantonnée sur des sentiers si souvent empruntés. Au final, ce pilote d'exposition se révèle trop linéaire, manquant cruellement de mordant pour accrocher le téléspectateur. Non pas que ce show ne soit pas sympathique aux premiers abords, mais il faudra sans doute faire preuve de plus de dynamisme et d'audace pour le faire vivre au-delà de cette phase d'installation.
NOTE : 4,5/10
L'ouverture de la série (à Paris) :
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