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J’aime les médias, les blogs, j’aime tout le monde

Par Georgesf

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La sortie de mon prochain roman, « La commissaire n’aime pas les vers » est imminente, il devient urgent que je commence à aimer tout le monde. Je vais commencer dans ce billet.

Télérama 1 vient de découvrir les blogs littéraires, et cela me fait un vif plaisir : cette planète Blogs devient légèrement moins mystérieuse. Elle a été découverte par Le Magazine des Livres 1 bis l’an dernier, et voici que Télérama le confirme : la planète Blogs existe bel et bien. Vous rendez-vous compte ? Nous existons. Nous finissions par nous poser des questions : il y a peu de sujets littéraires qui, depuis dix ans, n’aient été traités qu’à deux reprises.

Pourquoi ce superbe silence ?

Serait-ce parce que les chroniqueurs littéraires des médias considèrent les blogs comme de dangereux concurrents. Ou des imposteurs ? C’est, paraît-il, le point de vue de la République des Livres. Je n’ose le croire : je n’ai pas lu cette fameuse chronique, parue en 2008.

En tous cas, guéguerre absurde, et Clarabel 2 a raison de le dire. Elle n’est pas la seule.

Je veux apporter ici mon point de vue en tant qu’auteur, pas en tant que blogueur : les deux circuits ont un rôle différent. J’ai besoin des deux, je les aime.

Les médias sont supposés apporter à l’auteur une visibilité « institutionnelle » (c’est la façon polie de parler du marketing lourd) : un livre traité ou même bien traité par une première dizaine de critiques littéraires a de fortes chances d’être ensuite bien traité par les autres, puis dans les médias de masse. Il est même supposé occuper ainsi une place bien en vue chez les libraires.

C’est en tout cas ce qu’on dit. Ou ce qu’on veut croire.

J’ai quand même pu constater que « Qui comme Ulysse » n’a même pas eu droit à la table « Nouveautés » de la FNAC 3 lors de la rentrée littéraire, malgré les beaux articles qui ont salué sa sortie, malgré les * * * du Nouvel Obs 4. Ce n’était pas le bon genre littéraire. « Ah, ce sont des nouvelles, pfff… » a lâché un chef de rayon de cette belle enseigne avec un sourire méprisant. Comme si j’écrivais des romans pornographiques pour maisons de retraite.

Même scénario ou presque pour « Le film va faire un malheur », quatre mois plus tard. Là, c’était parce que l’éditeur n’était pas assez en vue.

Et pourtant, je garde une grande gratitude envers ces médias. Je les aime car ils m’ont apporté trois bonheurs irremplaçables :

-   Celui d’une onction J’ai été oint par les puissances tutélaires. Reconnu comme ayant capacité à être publié, et même lu. Gloriole qui peut vous paraître dérisoire, mais qui m’a été essentielle, dans une période où je me demandais s’il n’était pas urgent de ré-orienter ma carrière vers la course cycliste.

-   Celui d’une notoriété rapide : des inconnus m’affirment que mon nom « leur dit quelque chose ». Même s’il s’avère ensuite qu’ils m’ont confondu avec Guillaume Musso 5. Le meilleur moment de ma carrière d’auteur reste celui où, passant une commande dans une librairie, je donnais mon nom et, après l’avoir épelé, je me suis vu répondre « Ah oui, Flipo… comme l’écrivain ! ». J’ai alors tellement bombé le torse que mon Damart 6 s’est déchiré.

-   Celui des chiffres de vente Mes deux derniers livres se sont bien mieux vendus que mes deux premiers, car ils ont été mieux couverts par les médias. Etaient-ils meilleurs ? Je n’en jurerais pas. Mais les chiffres sont là. J’atteins presque le 1/200ème des ventes de Musso, c’est stimulant, non ?

Au vu de tous ces bonheurs, qu’est-ce que les blogs peuvent apporter de plus ? J’y trouve, en tant qu’auteur, trois autres bonheurs. Des bonheurs eux aussi irremplaçables :

-   Celui d’une critique contextualisée Le lecteur moyen d’un magazine moyen peut rarement situer la critique qu’il lit : ce sera pour lui, par exemple, la critique de Télérama, mais très rarement la critique de Martine Laval, Marine Landrot ou Nathalie Crom 7, sauf pour les lecteurs aficionados d’Unetelle ou d’Untel. Il ne peut donc nuancer l’appréciation sur un livre, en tenant compte de ceux que la dame a précédemment aimés ou détestés. Dans les blogs, c’est tout le contraire. Chaque blog a son profil bien à lui. On le connaît en arrivant, ou on le découvre en passant en revue les articles récents. On sait que Frangipanyvino n’aime pas les romans violents, ou que Superboy n’aime pas les romans d’amour. On comprend la critique en fonction de la personnalité de l’auteur, qui n’a rien de mystérieux.

-   Celui d’un espace dialoguant. Sur un blog, un billet n’est jamais terminé : les questions arrivent en rubrique « commentaires », incitant le blogueur à nuancer sa pensée, voire à se corriger. D’autres commentaires viennent enrichir le billet. (Mon seul regret, c’est cette surabondance de commentaires du type « Hop, sur ma PAL » qui ne sont qu’un « Coucou, c’est moi » à peine amélioré). On peut aussi, en tant qu’auteur, aller plus loin, envoyer un mail privé à la blogueuse, lui demander des éclaircissements ou lui en apporter. Allez donc faire ça dans un magazine !

-   Celui d’un espace infini. Point essentiel, point évident qu’on oublie trop : sur un blog, il y a toute la place qu’on veut, c’est gratuit. Pas de contraintes de colonages, pas de 1.500 signes blancs inclus, les grands espaces sont ouverts. Le blogueur a le temps de présenter le livre, d’argumenter son point de vue, de donner de courts extraits. Un billet dans un bon blog est peut-être moins glorieux qu’un billet dans un bon magazine, mais il est souvent plus utile au travail d’un auteur : il ne vient pas y chercher des conseils d’écriture, mais il y trouvera des réactions de lecteurs qui peuvent lui donner à réfléchir.

Bref tout le monde doit aimer tout le monde, surtout moi. Embrassez-vous, faites la paix, et ne jouez pas trop ensemble, garnements.

Et, pour ne pas paraître trop aimable : 

Je comprends que certains critiques soient exaspérés par la sottise de certains blogs dits littéraires : il m’est arrivé de lire des billets attendrissants tant ils étaient puérils, burlesques tant ils étaient pontifiants. C’étaient bien sûr des blogs qui ne parlent jamais de mes livres.

Il m’est arrivé aussi, en tant que lecteur, en tant que blogueur, d’être exaspéré par la compacité de certaines critiques médias, tellement lapidaires qu’on croyait lire une explication de notation sur une copie de bac de français. C’étaient, faut-il le dire, des magazines qui m’ont toujours ignoré.

Et il m’arrive aussi d’être exaspéré en relisant mes billets 8.

1.   J’aime aussi Télérama, évidemment.

1 bis. Et le Magazine des Livres, toujours plein d’attention pour moi, comment ne pas l’aimer ? Merci Joseph, et quand tu veux pour la prochaine chronique.

2.   Bien sûr, que je vous aime Clarabel. Et je vous aimerai encore plus le jour où vous chroniquerez l’un de mes livres. Je ne désespère pas.

3.   Cela dit, j’éprouve de tendres sentiments pour la Fnac, faut-il le dire. Comment pourrais-je ne pas ?

4.   J’aime déraisonnablement le Nouvel Obs, surtout les journalistes des rubriques Livres.

5.   Ah, cher Guillaume Musso, si vous saviez la passion que j’ai pour vous. Si je la cache si bien, c’est pudeur.

6.   Pourquoi m’en cacher ? J’aime Damart et ses coquines petites camisoles en coton tribo-électrique. Ah, qu’il est doux de les porter contre son cœur, quand on roule en scooter sur le périphérique dans le brouillard glacé de janvier !

7.   Vous aussi, oui, ou, toutes les trois (mais quand même pas contre mon cœur quand je roule sur le périph’). Si ça vous intéresse, je vous envoie mon dossier de presse et ma photo.
8.   Et pourtant, moi aussi, je m’aime. D’un amour désespéré, sans issue. C’est d’autant plus beau.


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