Toujours à la mi-janvier quelque chose de vaporeux flotte sur l’Hexagone. Une douce atonie, une torpeur, un vague air de n’y pas croire. Ça n’adhère pas. C’est mou. Ce ne sont pas les événements qui manquent, c’est l’envie de les prendre au sérieux : l’effroi du réchauffement quand on a croulé sous la neige ; une grippette gentillette quand on nous annonçait la tueuse du siècle ; des coups de couteau dans le bide au lycée , quand on sait que les ados 2010 , avec leur console de jeux greffé dans le lobe frontal, ont trois ou quatre vies en réserve pour des boucheries numérisées où le sang ne tache pas. D’ailleurs les gens claquent comme des bulles : Philippe Séguin , Eric Rohmer, Mano Solo, le mari de ma voisine. Pftt. Ainsi va la vie, ma pauv’dame : trois p’tits tours et puis s’en vont.
Bref, on s’en tape. Est-ce un symptôme d’après galette, le vertige de la plage vide jusqu’à la St Valentin ? Satiété ou manque d’agapes ? On voudrait du consistant pauvre, genre pâtes qui tiennent au corps, comme un bon gros mouvement social (il paraît qu’on nous en chauffe) ; ou du salé, comme une bonne grosse vanne sarkozienne (un double discours aux péquenauds, par exemple ) ; ou du sidérant, comme un album dark metal de Carla Bruni, l’intrusion chez Bayrou d’une Ségolène Royal déguisée en releveur du gaz, un duel à l’aube dans les fossés de Vincennes entre Johnny et le chirurgien des stars. Enfin n’importe, pipole ou populo, mais de l’al dente !
Trêve de confiseries aussi pour nos vieilles, entendues cette fois non pas au marché mais au sortir de la pharmacie. Je venais d’y acheter sans généraliste du sirop pour toux sèche (on a l’H1N1 qu’on peut ). Elles, du bicarbonate de soude, pas cher et aussi bon pour les estomacs post-festifs que pour les sols modernes : un vrai fléau de laboratoires. Elles en étaient aux résolutions pour l’année nouvelle :
« -Moi, m’ame Daube, je ne dirai plus de mal, c’est pas chrétien, et d’ailleurs c’est mauvais pour les ulcères. Fini, plus une pique. Ma belle-sœur peut me traiter de toupie, Mme Aubry prêcher les 28 heures, Giscard se flatter d’avoir connu les dessous d’Elisabeth II, vous ne m’entendrez pas.
-Oh ! je vous connais, m’ame Michu, vous ne tiendrez pas quinze jours. Suffirait par exemple que l’Hollande se prenne pour du gratin , du dessus-de-panier, de la cuisse-de-Mitterrand, et vous aiguiseriez le couteau de cuisine.
-Ah ! ça, il serait bientôt pelé, ce brugnon ! Se croire présidentiable à la tête d’un parti qu’on a confit pendant douze ans dans le sirop de blabla !
-Et toc ! Vous voyez, ça n’a pas traîné. Moi, m’ame Michu, me connaissant, je préfère la résolution inverse : tirer à vue, river son clou au moindre pantin de guingois, ça conserve. Que mon neveu ne s’avise pas, comme l’année dernière, de me coller dans chaque phrase un de ses « oui mais de ton temps tata… » ! Je tiens ma réplique : « De mon temps, chéri, on était moins c.., c’est pour ça qu’on vit vieux. »
-Vous me tentez, m’ame Daube. Le dénigrement c’est comme l’ail : mauvais pour l’haleine, très bon pour les veines. D’ailleurs, y a pas de résolutions plus solides que celles qu’on peut suivre sans se forcer…
-Ouf ! Vous m’avez fait peur, m’ame Michu. Et je peux vous dire qu’on ne va pas chômer dans les prochains mois : entre votre belle-sœur qui dérape, Aubry qui frétille et Ségolène qui ronge son frein ; mon neveu qui ne se lève pas le matin et Besancenot qui attend le grand soir ; une racaille qui tague mon mur et Villepin qui plante des aiguilles ; nos retraites au sanibroyeur et la burqa au décrochez-moi-ça…
-Oh ! oui, on aura de quoi pester, m’ame Daube. Merci du coup de fouet, je me sentais toute molle. »
La Grille du coq est sur cette longueur d’onde. On veut bien de la nouille, mais al dente ; de la viande, mais tartare : faut que ça croque et que ça saigne. Pas d’inquiétude. Quelque chose me dit que le personnel politique se prépare à nous satisfaire. Vive la rentrée !
Arion