Les réseaux communautaires sont à la mode, rien de neuf sous les flocons. Mais Facebook (pour ne pas nommer le leader) n’offre pas que la possibilité de «garder le contact avec ceux qui vous entourent». Cet argument n’est que la façade politiquement acceptable par les accros (dont je fais évidemment partie).
Parce que, bon, il faut bien l’avouer c’est avant tout un espace de jeu sans limites. Nombre de groupes, de pages, voire de profils n’ont d’autre but que de faire sourire. Il y en a de très sérieux, évidemment. Nombre de causes, plus nobles les unes que les autres, d’événements dramatiques, montrent que la solidarité, même sur le web, n’est pas pour autant synonyme de virtuel. La puissance du média en fait un outil à haute force de frappe psychologique mais restons du côté non obscur de la force.
La consultation assidue du profil d’un ami facebooker m’a permis de découvrir la dernière perle du genre : «Je suis anatidaephobe et j'en souffre». Mieux qu’un coup de foudre, une révélation… Un coup d’œil rapide et je découvre 66 553 membres. Autant de sujets à cette pathologie atroce dont le seul nom suffit à angoisser un moine bouddhiste de retour de Lhassa. De quoi s’agit-il ? «L'anatidaephobie est la peur fictionnelle, irraisonnée et immotivée selon laquelle un canard pourrait être en train de vous regarder». Je lis la suite.
« Imaginez. Quoi que vous fassiez, un canard vous fixe de la façon la plus malsaine au monde. Depuis une quelconque cachette disponible. Tout au long de votre existence.
Même endormi dans l'abri douillet de votre lit, un canard vous regarde toujours, dissimulé quelque part; si vous aviez le malheur de vous retourner, il se peut que vous le voyiez aussi.
Chaque année, des centaines de personnes, et notamment des gersois, mettent fin à leurs jours pour ne plus avoir à subir cette abomination. Soutenons-nous, tous ensemble».
Là, je frémis. Surtout devant le fait que j’ignorais tout de ce drame. Heureusement que Ô mon maître et son acuité facebookienne légendaire ont réveillé mon cervelet endormi. Et merci à Marie Simon, «chasseuse de têtes de canard» d’avoir mis en place ce groupe de soutien. Du coup, je m’interroge, me questionne, me creuse le ciboulot, me psychanalyse. En souffré-je ? Suis-je atteinte ? Telle est l'inquiétude qui m’étreint depuis quelques jours. To be anatidaephobe or not ? Dans le doute, et le temps de trancher la question, je m’en vais rejoindre cette communauté où, au pire, je trouverai bien un petit coin, coin coin.