Magazine France
Depuis mardi soir, 23 heures, le tremblement de terre qui a frappé Haïti s’est imposé à l’actualité. Tous les médias s’y consacrent. La France a exprimé son soutien et dépêché des moyens sur place. L’ampleur de la catastrophe – on parle de 100 000 morts – a quasiment occulté l’agenda politique français. Sarkozy a voulu rappeler qu'il existait. Comment interpréter autrement sa demande de la tenue d'une "conférence internationale sur Haïti" ? Ou l'annonce qu'il se rendrait sur place ? Haïti a besoin de soutien matériel, d'argent, de reconstruction. Pas de la visite d'un petit monarque occidental en manque de reconnaissance internationale.
« Mourir, c’est pas facile ». Cette curieuse maxime, délivrée avec le sourire par Nicolas Sarkozy lors de ses vœux au monde la santé, mardi dernier à Perpignan, est l’une des récentes illustrations du vide qui marque le discours et l’action sarkozyennes depuis des mois. Pour sa tournée des vœux, qui s’achève dans quelques jours, le président français a enfoncé des portes ouvertes, multiplié les platitudes et réécrit l’histoire.
Jeudi 14 janvier, Nicolas Sarkozy n'a pas pu souhaiter une bonne année aux agriculteurs. La crise est trop forte. Sarkozy s'entend mal avec le monde agricole. Il ne sait que louer l'importance dans l'identité française. Jeudi, il préférait donc parler de ruralité, un concept en voie de disparition.
Le monde agricole en crise
Face aux agriculteurs, Nicolas Sarkozy l'a joué déterminé. Aucune annonce concrète, si ce n'est des déclarations volontaristes: "Je ne laisserai pas tomber notre agriculture. C'est un secteur de pointe de notre économie, c'est un élément de notre identité nationale". Sarkozy répète que l'Europe ne doit pas être "la variable d'ajustement de tous les dumpings monétaires, environnementaux, sociaux".
C'est tout. Pourtant, les sujets ne manquaient pas.
En 2009, le revenu des agriculteurs a baissé d'un tiers. Rien que cela. La nouvelle fait frémir dans les couloirs de l'Elysée. Le Salon de l'Agriculture est pour dans quelques semaines. Nicolas Sarkozy s'inventera-t-il un déplacement à l'étranger ? A l'Assemblée Nationale, on débattait cette semaine d'une proposition de loi sur le «droit au revenu des agriculteurs». Le texte est sur le bureau des députés depuis ... novembre dernier. Rien ne presse en Sarkofrance. Il faut dire que le texte émane de la gauche, et non de l'UMP. Le président du groupe UMP est plus occupé à sortir un texte sur la Burqa. Chacun ses urgences... Les propositions restent timides: «renforcement des missions de l'observatoire des prix et des marges placé sous la tutelle des ministères chargés de l'agriculture et de la consommation»; «définition d'un prix minimum indicatif pour chaque production par l'interprofession compétente»; «promotion, au niveau communautaire, de toutes les mesures susceptibles de garantir des prix rémunérateurs pour les producteurs.» Les députés de gauche, initiateurs du projet, rappellent que les agriculteurs sont étranglés par leurs fournisseurs (Monsanto, où es-tu ?) et leurs distributeurs. Ils rappelaient aussi l'attentisme du gouvernement: «Suite au remaniement ministériel, Bruno Le Maire, nouveau ministre de l’Alimentation, de l’Agriculture et de la Pêche, confirmait l’absence de nouvelles mesures du gouvernement pour assurer un prix d’achat rémunérateur pour les producteurs laitiers français dans le cadre des conclusions de la réunion de la filière laitière du 15 juillet 2009. En effet, les deux problématiques centrales pour sortir la filière laitière de cette crise majeure étaient tout simplement évacuées : aucune précision n’était apportée concernant l’engagement de la France au niveau européen sur le maintien des quotas laitiers et sur une véritable maîtrise publique de la production et des marchés.»
Sur l'épineux sujet de la taxe carbone, le gouvernement devrait maintenir les exonérations en faveur des agriculteurs dans sa nouvelle mouture prévue pour le 1er juillet. Le président de la FNSEA a prévenu: « Les arguments que nous avions développés pour convaincre le gouvernement sont toujours d'actualité. Payer cette taxe serait insupportable pour les agriculteurs français quand nos voisins européens n'y sont pas soumis, sur un marché des produits agricoles unique et totalement libre dans les Vingt-Sept. Surtout après l'année que vient de vivre l'agriculture française.»
A l'étranger, Sarkozy contesté
La presse internationale ne lui est pas gré de sa gestion de la crise financière et économique. L’édifiant numéro de Courrier International, titré « la mauvaise cuisine de Sarkozy » vaut sa lecture, tant le président français ne cesse de louer le rôle de la France sur la scène internationale : « De New York à Berlin, les observateurs de la France remettent en cause son manque de sagacité, son interventionnisme à outrance et son agressivité. » résume l’hebdomadaire. Effectivement, les éditorialistes étrangers ne sont pas tendres. Pour Newsweek, Tracy McNicoll parle des "choix contestés d'un apprenti sorcier": "Grâce à son épais matelas de dépenses publiques, la France a été l’un des premiers pays à sortir de la récession. Mais, ce faisant, elle a accumulé de lourdes dettes, et son plan de sortie de crise est loin d’être clair." Dans Der Spiegel, Jörg Schmitt commente l'investissement personnel inutile de Nicolas Sarkozy sur la candidature "atomique" de la filière nucléaire française à Abou Dhabi. Le quotidien suisse Le Temps s'attarde sur la ville de Saint-Dié, comme l'un des ymbole de l'échec sarkoyen en matière d'emploi.
A l’automobile pas reconnaissante
Autre sujet, Nicolas Sarkozy a aussi convoqué le patron de Renault pour que ce dernier s’explique sur ses plans de délocalisation en Turquie de la fabrication de la Clio IV. C’est toujours la même histoire, la marque de fabrique de la fausse régulation version Sarkozy : le monarque fait des cadeaux (subventions, prime à la casse), pour aider, soutenir, sauver ; il n’exige aucune contrepartie ; puis il s’étonne que les entreprises concernées « reprennent une activité normale » (bonus, délocalisation, fermeture d’établissement, etc) dès qu’elle le peuvent. La commissaire européenne chargée de la Concurrence s'est rappelée au bon souvenir de la France : Neelie Kroes a souligné que les aides de la France à ses entreprises automobiles étaient effectivement sans contrepartie.... A l'époque, la commission européenne avait obtenu "un engagement clair des autorités françaises pour que les prêts aux constructeurs automobiles nationaux n'affectent pas la liberté des constructeurs de développer leur activité économique sur le marché intérieur européen (...) et n'imposent aucune condition sur la localisation de leurs usines". Le story-telling sarkozyen en prend un coup.
Jeudi soir, Christian Estrosi s'est risqué à menacer que le gouvernement envisageait de monter la participation de l'Etat de 15% actuellement à 18 ou 20% dans le capital de Renault. Au cours actuel de l'action, l'opération coûterait un peu plus d'un milliard d'euros. Menace ? Parlons plutôt d'un deal. On imagine aisément Carlos Ghosn demander à l'Etat de financer davantage Renault en contrepartie d'un maintien de la production de la Clio IV dans l'usine de Flins.
Le thon oublié
Autre double discours, la position française sur la pêche au thon rouge. En juillet dernier, Nicolas Sarkozy annonçait qu’il était favorable à son interdiction, au moins temporaire. La « sushi-mania » qui frappe le Japon et le monde occidental est en passe de faire disparaître les thons rouges, notamment en Méditerranée. Puis, en septembre, la France plombe une résolution de la Commission européenne contre cette pêche. Greenpeace et d’autres organisations environnementales s’en inquiètent. Il y a quelques jours, Chantal Jouanneau réaffirme l’hostilité française. Mais voici que Sarkozy devrait annoncé qu’il est favorable au classement en annexe 1 du thon rouge de Méditerranée lors de la réunion en mars prochain de la CITES (Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction) à Doha (Qatar). Ce classement permettrait d’interdire toute exportation vers le Japon. Précision : Sarkozy aimerait que ce classement n’intervienne que dans 18 mois… Sacré président ! Toujours volontariste pour … attendre !
Les violences aux personnes en hausse
Siné Hebdo a publié un sondage sur l’appréciation des Français vis-à-vis de la police. Ces derniers portent finalement une appréciation positive sur les forces de l’ordre. Brice Hortefeux s’en sort plutôt mal. 37% des sondés donnent quitus au ministre de l’intérieur pour son action. Les chiffres de la délinquance en 2009 ont été publié : si la délinquance générale baisse de 1,04%, les violences aux personnes progressent (encore) de +2,8% (après +2,4% en 2008) : on comptabilisait 455.911faits en 2009, contre 443.671 l’année précédente. L’échec du gouvernement Sarkozy est patent. Hortefeux se réjouira d’une baisse de la délinquance globale à partir de l’été, alors qu’elle avait progressé modestement mais continuellement de janvier à août (+0,46%). Parmi les mauvaises nouvelles, les cambriolages ont progressé de +4,4%, dont +8,2% pour les résidences principales. Hortefeux a préféré se satisfaire de l’amélioration du taux d’élucidation des crilmes et délits (+11 points depuis 2002), en omettant bien de préciser que cette évolution est tirée par les résolutions d’affaires relatives aux biens et non aux violences physiques. En trois ans, les effectifs de police et gendarmerie ont été réduits de 9 000 personnes.
Nicolas Sarkozy balance la phrase du siècle !
par zap-tele