Soutenir ou pas le Hamas ?
Extrait de l'article
Cette question est fondamentale elle nous oblige à prendre position.Soutenir la résistance armée est-ce soutenir le Hamas ? Peut-on soutenir la résistance armée sans soutenir le Hamas ? Soutenir est-ce s’engager ? Et les marxistes doivent-ils s’engager aux côtés des croyants, des fanatiques ? Face à l’urgence d’un peuple qu’on assassine quelles sont les priorités du combat ? La mise à bas de l’oppresseur ou l’attente de l’apparition d’une organisation politiquement correcte ?
Ces interrogations nous emmènent à réfléchir sur l’engagement révolutionnaire, sur nos objectifs et sur nos contradictions. À mon humble avis un révolutionnaire doit prendre partie. Au bout du compte la vraie question est : quel est ton camp ? Soutenir ou pas le Hamas ?
Cette interrogation nous place face à une question de stratégie révolutionnaire et la réponse est simple : dans l’urgence on fait avec ce qu’on a ! Si les seules forces en présence sont des islamistes, on se doit de les soutenir. On aurait fait de même avec les irlandais catholiques, ou bien plus loin dans le passé avec les amérindiens ou les africains polythéistes. Sinon tous les beaux discours révolutionnaires, les « soutiens à la résistance » ne sont que gesticulations.
Les USA et leurs acolytes nous ont désarmés politiquement en diabolisant le monde islamiste. Il ne faut pas entrer dans leur jeu. Les prolétaires musulmans sont tout autant nos camarades que l’ensemble des autres prolétaires de la planète, qu’ils soient laïcs ou pas. La question religieuse aujourd’hui n’est pas l’urgence.
« Engels exigeait que le parti ouvrier travaillât patiemment à l’œuvre d'organisation et d'éducation du prolétariat, qui aboutit au dépérissement de la religion, au lieu de se jeter dans les aventures d'une guerre politique contre la religion » (9) écrivait Lénine en 1909.
Et plus tard :
« Lors du premier Congrès des peuples de l’Orient, qui se tint à Bakou en septembre 1920, les dirigeants bolcheviks russes lancèrent un appel à la « guerre sainte » contre l’impérialisme occidental. Deux années plus tard, le quatrième congrès de l’Internationale communiste approuva la politique d’alliances avec les panislamistes contre l’impérialisme. » (10)
Ce que les communistes ont su faire à une époque et que nous avons oublié, les islamistes savent le faire dans l’autre sens quand le combat l’exige. Que penser de ces « gros barbus », ces fanatiques, qui ont permis d’élire en 2005 une femme d’origine chrétienne, qui plus est marxiste (du FPLP), au poste de maire de Ramallah car elle leur semblait mieux à même de défendre les intérêts de la cause palestinienne ? (11)
On le voit bien, quand il s’agit de faire face à la collaboration, les membres du Hamas savent faire des choix stratégiques à l’opposé de positions dogmatiques religieuses.
Si nous soutenons la résistance mais pas le Hamas, nous ne soutenons rien. Nous parlons dans le vide. Car aujourd’hui le dernier bastion de la résistance, c’est le Hamas. Nous donnons raison aux impérialistes qui auront eu la stratégie gagnante avec leur « choc des civilisations ». Ils auront précipité dans les bras des religieux les masses palestiniennes révulsées par la corruption et la collaboration des autres organisations de combat afin de les isoler et de les discréditer.
Nous l’avons vu,(voir le texte intégral sur les sites mentionnés à la fin de l'article) ce sont les sionistes eux-mêmes qui ont un temps favorisé l’émergence du parti islamiste. Très bien, que l’arme se retourne contre eux !
Si nous soutenons la résistance du Hamas, nous envoyons un signe aux opprimés palestiniens quant à la fraternité de nos sentiments, et nous pointons notre ennemi commun. Et si aujourd’hui le Hamas est la dernière organisation à résister, quelle contradiction que d’affirmer soutenir la cause palestinienne mais de condamner l’outil dont elle s’est dotée dans ce but en hurlant avec les loups impérialistes et sionistes.
Quand on est communiste, soutenir le Hamas et à travers lui la résistance, c’est faire preuve de réalisme et d’une véritable conscience de classe face à un ennemi commun. Au contraire ne pas vouloir se compromettre, croire que ce serait « trahir » ses idées progressistes et laïques que de soutenir une organisation archaïque et religieuse c’est au final abandonner un peuple martyrisé à son sort et faire implicitement le jeu de l’oppresseur.
C’est la légitimité de la cause qui justifie qu’on soutienne ou pas un combat. Et non pas la nature des combattants. Se libérer de ceux qui vous ont volé vos terres, qui massacrent votre peuple, c’est légitime ! Se libérer des oppresseurs, des colonialistes, des dictateurs, des impérialistes, c’est légitime !
Et partout dans le monde se libérer des puissants, des exploiteurs, des patrons, des capitalistes, c’est légitime ! Si on ne devait soutenir que les peuples qui nous semblent corrects politiquement ou culturellement, et non pas la cause qu’ils défendent, il n’y aurait pas un seul peuple défendable. Et les causes seraient perdues.
« Prolétaires de tous les pays unissez-vous ! »
Source Regroupement Communiste pour article complet
et sur le site de Soutien Palestine collectif Cheikh Yassine
9) De l’attitude du parti ouvrier à l’égard de la religion, Lénine « Proletari » n°45 - Œuvres t. XV (mars 1908 – août 1909)
(10) Dave Crouch, Socialist Review 280, décembre 2003 (Grande Bretagne).
(11) « Janette Khoury, une Palestinienne de gauche a été élue maire de Ramallah, la grande ville de Cisjordanie et siège de l’Autorité palestinienne, grâce aux voix du Hamas. Les islamistes palestiniens ont préféré cette chrétienne de 62 ans au candidat du Fatah de Mahmoud Abbas. Janette Khoury a obtenu trois voix de plus que son rival, celles des trois élus du Hamas siégeant au conseil municipal de Ramallah depuis le 15 décembre. Janette Khoury s’était présentée aux élections sur une liste dominée par le Front populaire de libération de la Palestine, un mouvement laïc de gauche. » LIBERATION.FR : vendredi 30 décembre 2005 - 13:09