Je marche seul, Dans les rues qui se donnent, Et la nuit me pardonne, Je marche seul, En oubliant les heures. Ca c'est la moitié du temps. L'autre moitié, Je marche avec quelqu'un, Dans les rues qui se donnent, Et la nuit nous pardonnent, Je marche avec quelqu'un, En oubliant les heures. Dans cette autre moitié, moi comme ce quelqu'un suis un déraciné et enraciné là à la vas-vite, le temps de faire le tour des lieux avant de repartir. Seulement, dans ce camembert de partage du temps, il est temps d'ajouter une nouvelle case : Je marche avec quelqu'un qui est chez lui, Dans les rues qui se donnent, Et la nuit nous pardonne, Je marche avec quelqu'un qui est chez lui, En oubliant les heures. En effet, en exceptant Pékin dont je ne t'ai pas encore conté les délices (Salut Mr Dara), c'est la première fois que pendant le voyage, je suis accueilli par des locaux. Les locaux en question ce sont Anna et Tyler, deux kiwis pure souche avec qui nous avions partagés quelques éclats de rire et quelques temps au Ladakh dans le nord de l'Inde. Eux sachant que je venait en Nouvelle Zélande m'avaient très gentiment proposé de passer les voir à Christchuch, leur ville, la plus grande de l'île du sud. C'est sur le point d'être chose faite. J'avais été invité par l'intermédiaire de Facebook à venir une semaine plus tôt pour célébrer avec leurs amis les trente ans d'Anna au cours d'une fête ayant pour thème la France mais j'avais dû y renoncer, mon rythme n'étant pas assez rapide, d'autant que j'avais été reffroidi par l'horaire inhabituel d'une telle célébration entre amis. La fête avait lieu entre 14h et 17h et pas une minute de plus. Il faut que qu'Anna et Tyler sont de fervents catholiques et, à ce titre, ont souvent école le lendemain... Cela dit, et c'est le principal, ça ne les empêche pas d'être de très bons bougres avec lesquels on passe de charmants moments comme en témoigne cette histoire racontée en Inde par Tyler. "Quand tu es en Nouvelle Zélande, que c'est l'hiver et que tu es pris dans une tempête de neige avec rien sur le dos, pour t'en sortir vivant, il n'y a pas mille solutions, il faut partir à la chasse. En l'occurence, un petit lapin fait très bien l'affaire. D'abord, tu attrappes le lapin que tu estourbis d'un coup derrière la tête. Une fois l'animal trépassé, tu lui coupes la tête. Si, si, c'est permis! Si tu n'as pas déjà dégobillé sur ton produit, tu poursuis. Il faut attraper le lapin par derrière en restant chaste. Tu mets ton pied préféré au niveau du fessard de la pauvre bête ainsi que tes mains saississant les bords sanguinolants du cou nouvellement guillotiné, dégagé de la tête qui encombrait pour mener à bien l'étape suivante. Il convient alors de procéder à un pousser-tirer. Avec le pied, tu pousses. Avec les mains tu tires. La manoeuvre consiste à retourner le lapineau. Si tu y es parvenu, tu n'as plus qu'à te débarrasser des organes qui pendent maintenant à l'extérieur et tu obtiens quoi? Un très joli et très salvateur chauffe-mains en fourrure!!! Elle est pas belle la vie? Ca peut également fonctionner pour confectionner un sac de couchage mais il te faudra alors trouver pleins de lapin dont tu coudras les peaux ou t'attaquer directement à plus volumineux comme une biche ou un ours si tu es toi aussi plus volumineux. De re-chef, elle est pas belle la vie?" Voilà comment on rigole (survit) en Nouvelle-Zélande, même quand ta sagesse n'a d'égale que ta sobriété, comme Tyler. Et j'ai beau avoir manqué l'anniversaire d'Anna, tout n'est pas perdu du côté des réjouissances. Ce soir, même si nous ne sommes qu'un samedi de fin novembre, toute la ville a rendez-vous dans le plus grand parc de la ville pour un concert gratuit à ciel ouvert placé sous le signe de Noël. Je vous l'avais dit juste avant, fêter Noël en novembre, par toutatis, ils sont fous ces kiwis!! Mon train au départ de Kaikoura sonne l'arrivée à Christchurch en fin d'après-midi. La météo est clémente, c'est tant mieux pour ce soir. A la sortie du quai, la synchronisation avec Tyler ne pourrait être meilleure. A peine ai-je mis le nez dehors qu'il tire le frein à main et ça a beau faire déjà plus d'un mois que nous nous sommes vus la dernière fois, c'est comme si c'était hier. Accolades et embrassades, tout le panaché des gestes de retrouvailles s'enchaine devant le regard ahuri des passants. Puis, mon sac installé dans le coffre, ne nous reste plus qu'à rejoindre Anna qui est restée posée dans un bar à discuter avec un couple de leurs amis qui ne sont eux aussi en ville que pour quelques heures seulement. En débarquant dans le dit-bar, les embrassades avec Anna n'ont d'égales que celles que je donne aussi à leurs amis que je ne connais pourtant pas. J'apprends, qui plus est, qu'en ce soir enfiévré, ces derniers viennent d'annoncer à mes hôtes, la livraison toute fraiche d'un polichinel dans son tiroir à elle. Mazeltof!!! Ca bon sang pour une surprise!!! Félicitations!!! Champagne? Ah non c'est vrai... Jus d'orange? Mieux. Une heure passe au terme de laquelle l'autre couple nous quitte. N'étant plus que trois avec Anna et Tyler, nous reprenons la discussion là où nous l'avions laissée en Inde quand on est pas la bouche pleine de pizzas qui se suivent les unes les autres sur notre table. Nous quittons le bar vers 21h. Le concert doit avoir déjà commencé mais qu'importe, on s'évertue d'abord à faire un petit tour à pieds du centre-ville à la lumière du jour qui ne s'estompe en ces terres australes que bien plus plus tard à la faveur de l'été qui arrive. La ballade est plaisante. De nombreux immeubles vieux de plus d'une centaine d'années, c'est à dire un sacré bail pour cette terre occupée tardivement par les anglais qui dans leur entreprise ont eu le mauvais gout de renvoyer les français et leurs navires coloniaux soit par le fond soit chez eux, se découvrent. Tout est mignon, tout est calme, c'est la ville en Nouvelle-Zélande par excellence. Puis, la nuit approchant, on se dépèche de rejoindre le "Christmas in the Park". Pour se faire, impossible de se perdre, il suffit de suivre les hordes du buveur. Comme il ne pleut pas, c'est encore une chance, toute la ville est sur place. Sur la scène, cinq ou six chanteurs se succèdent. Partout, ça se dandine, ça danse, ça dîne. A chaque fin de chanson, les personnes aux micros n'oublient jamais de citer le sponsor liquide aux couleurs rouges et blanches. C.ca c.la par si, coc. col. par là, c'est un festival qui après un temps donne la nausée. Je suis dans un publicité géante terminée en beauté par un feu d'artifice lancé depuis une bouteille géante. Même le Père Noël, ce vendu qui n'oublie pas ses créateurs, est de la partie. A ce compte là, c'est une véritable association de malfaiteurs doublée d'une véritable escroquerie puisque, je le rappèle, on est en novembre!!!! Alors d'accord, le monsieur barbu est soit disant quelque peu occupé le soir du 25 décembre mais quand même!!! Malgré tout ce cirque, la soirée pour nous se passe bien. L'ambiance est bon enfant ce qui suffit mille fois au bonheur d'Anna et Tyler, et si c'est bon pour eux, c'est bon pour moi même si je ne suis pas mécontent d'entendre l'hymne de l'été du généreux soda qui marque la fin de l'évènement. Au retour à la voiture, mon sac est encore dans le coffre dans lequel Tyler farfouille maintenant pour dégotter son arme secrète, un thermos dans lequel il avait pris soin de mettre du chocolat chaud. Alors d'accord, on est loin du champagne, mais c'est de bon coeur que j'accepte une tasse de ce doux breuvage, symbole temporaire d'hospitalité autant que d'arme anti-froid, la température étant redescendue autour des 10°. Une fois le thermos à sec, il est temps de se mettre en mouvement jusqu'à la casa de mes hôtes qui se trouve en fait être la casa des parents d'Anna qui m'acceptent sous leur toit. A notre arrivée, ceux-ci dorment déjà. Je demande alors à mes p'tits kiwis ce qu'ils ont prévu pour le dimanche qui va éclore, et, lorsqu'ils m'annoncent tous sourires qu'ils doivent faire le tour des chapelles des environs pour assister à pas moins de trois messes différentes avant, dans l'après-midi, de se rendre à un groupe de discussion sur la Bible, je vois tout de suite que je ne suis pas dans la Scène. Jésus est bien là entouré de Judas et des autres. Tyler, Anna et leurs amis sont là aussi. Quant à moi, même en regardant avec attention l'arrière plan, je ne suis nulle part sinon dans un autre train qui traverse de part en part l'île du Sud : le Tranz Alpine Crossing. C'est que je n'ai déjà plus qu'une quinzaine de jours à dérouler de belle manière dans ce pays qui n'a eu de cesse de me taquiner l'intéret depuis de longues années déjà, autant ne pas les passer à rebrousse poil, sachant que comme les montagnes locales ne sont pas directes depuis la Porte d'Orléans, j'ai tout intérêt à en profiter maintenant plutôt que dans un futur hypothétique et lointain. Je fais donc part de mes envies au retourneur de lapins ainsi qu'à sa compagne. Déjà ravis que je sois en leur compagnie en ce soir où l'esprit de Noël nous habite, ils acquiescent et me souhaitent déjà bien du plaisir. Il est alors autour de 23H30, l'heure d'aller se coucher. Qu'à cela ne tienne, comme le train part le lendemain avant que ne sonnent 7h du matin, c'est un mal pour un bien. Après avoir souhaité une bonne nuit en leur répétant la dette que j'ai maintenant envers eux, je m'allonge dans la chambre de la grande soeur d'Anna qui vit en Australie. Le lit est recouvert de peluches m'autorisant à penser que je vais faire de beaux rêves. Au matin, le réveil sonne à 6h. Comme d'habitude, dès le saut du lit, je file à la salle de bain. Pour l'occasion, j'ai seulement une serviette autour de la taille ne m'attendant pas, comme c'est le cas, à tomber dès l'ouverture de ma porte, nez à nez avec la mère d'Anna que je rencontre pour la première fois. Faisant fis des circonstances, je la remercie de son hospitalité sans prendre de pincettes étant même à deux doigts de m'agenouiller. Elle s'étonne mais sourit de cette rencontre du troisième type. A la sortie de la salle de bain, Tyler est maintenant également levé, prêt à me conduire à la gare, grâce lui en soit rendu! Ainsi, moins de 24 heures après l'avoir laissée, je suis, agard, de retour à la gare. Je salue une dernière fois Tyler, les commissures des yeux toujours bien encombrées, signe qu'à la fois le réveil et le retour au lit ne sont pas biens loins. Vivement qu'ils viennent à Paris que je les fasses se coucher à pas d'heure. En attendant, le chef de gare siffle nos aux-revoirs. Je laisse la côte est derrière moi et brule d'impatience d'en découdre avec l'autre côté, au terme de quelques heures ferrovières passées la tête dans les montagnes aux sommets enneigés. Nouvelle-Zélande quand tu nous tiens!