Un ouvrage passionnant pour comprendre le Proche et Moyen Orient : « la saga des Hachémites », écrit par Rémi Kauffer (1). Ce livre extraordinaire nous explique, à travers la dynastie des Ben Hachem, descendant du Prophète, les origines des crises géopolitiques de la région : conflit israélo-palestinien, instabilité irakienne, wahhabisme en Arabie « Séoudite », conflit d’influence sunnite/chiite, communautés libanaises, etc…
Pour résumer un peu le livre, grâce à leur alliance avec les Britanniques et les Français, Hussein ibn Ali et ses fils ont combattu les Turcs sur toute la zone de la péninsule arabique et du Proche-Orient durant la 1ère guerre mondiale. Les victoires militaires, avec l’aide des Anglais et notamment le célèbre Lawrence d’Arabie, et les Français qu furent aussi souvent décisifs (Brémond, Reguieg et Raho) ont permis au père, chérif de La Mecque. Il se couronnera roi du Hedjaz, partageant une petite partie de l’île des Arabes (péninsule arabique) avec l’ennemi juré, Ibn Séoud. La famille des Séoud est liée au wahhabisme, tenant « d’une version ultrarigoriste de l’islam sunnite ».
Le shérif placera ses fils à la tête de différents royaumes, créant un « empire » hachémite : Fayçal en Syrie puis Irak et Abdallah en Jordanie.
Les atermoiements britanniques, hésitant entre les « bureaux » du Caire et d’Inde, verront les soutiens « onduler », se diversifier, s’engageant pour toutes les parties prenantes (soutien aux « sionnistes », parfois aux Séoud, à la France au Liban) et fragilisant trop souvent la maison des Hachem. Les Américains, pour leur part, cherchaient à s’implanter dans la zone, notamment pour son pétrole, et s’entendaient bien avec les wahhabites, pendant que les Français voulaient s’adjuger le contrôle du Liban et de la Syrie (suscitant un nationalisme arabe anti-occidental en Syrie, aggravant les tensions entre communautés au Liban).
Les puissances occidentales ont donc joué avec le feu, incapables d’asseoir une stabilité hachémite, incapables de comprendre les mouvements wahhabite et fondamentalistes musulmans, incapables de se retenir d’une vision colonialiste en imposant « leur » Etat d’Israël malgré l’entente des juifs et d’Abdallah et provoquant l’émergence d’un nationalisme arabe, incapables de percevoir les qualités politiques d’un Fayçal ou d’un Abdallah (dont les descendants règnent toujours en Jordanie).
On imagine ce qu’aurait pu être une région hachémite pacifiée, à l’Islam puissant et modéré, amie d’une Israël intégrée dans son espace… Mais ce n’est, encore ?, que de l’imagination.
Un résumé reste un résumé, partiel, rapide. Il faut lire ce livre, réellement éclairant sur la géopolitique arabe.
(1) Rémi Kauffer, « La saga des Hachémites, la tragédie du Moyen-Orient, 1909-1999″, Stock