Pendant longtemps, on a vécu sous l’emprise des oppositions entre les « grandes surfaces » et le « petit commerce » et, par voie de conséquence, entre le commerce de périphérie et le commerce de centre-ville. Ces oppositions devenues séculaires furent difficiles à surmonter et frappent encore les esprits. Or, depuis environ une décennie, on assiste à une évolution vers davantage de complémentarité et de synergie entre les formes de commerce et leurs lieux d’implantation. Mais le chemin fut long et semé d’embûches et n’a pas encore été pleinement parcouru…
Jusque dans les années cinquante, le commerce traditionnel de petite surface (moins de 100 m² le plus souvent) était dominant ; sa fonction de proximité correspondait aux besoins d’une population vivant en centre-ville, dans les quartiers urbains ou dans des bourgs ruraux. La situation évolua rapidement et les années 1950-1960 furent celles de la « grande distribution ». S’ouvrirent en 1949 le premier centre Leclerc, entre 1955 et 1960 les premiers supermarchés avec une surface de vente entre 400 et 2 500 m², en 1963 le premier hypermarché supérieur à 2 500 m² en périphérie et en 1969 les deux premiers centres commerciaux qui inauguraient un concept original alliant une grande surface alimentaire (un hyper) et une galerie de boutiques dotées d’une offre diversifiée. La périphérie des villes fut le choix d’implantation privilégié en raison de la disponibilité du foncier et de son coût moins élevé, des facilités d’accès et de stationnement avec la possibilité de réaliser des parkings aux dimensions adaptées. L’effet pervers fut un problème d’esthétique urbaine avec les entrées de villes et leurs « boites à chaussures » et d’engorgement du trafic. Il est vrai que les habitudes des consommateurs avaient changé : l’habitat glissait aussi vers la périphérie et les courses se faisaient en voiture, les déplacements automobiles à des fins d’achats étaient alors considérés comme « normaux ».
Dans les années 1990-2000, le contenu des formes de commerce s’est enrichi. Dans le commerce « traditionnel », de nombreux indépendants ont rejoint des réseaux de franchise ou des centres commerciaux dotés de galeries de boutiques. La grande distribution a réduit ses formats et s’implante de plus en plus en centre-ville, les enseignes importantes en deviennent les locomotives. Dans le domaine alimentaire, l’hypermarché n’est plus le modèle absolu ; la supérette en cœur d’agglomération a le « vent en poupe ». Autre phénomène majeur, la montée en puissance, nettement moins marquée ces derniers temps, du maxidiscount, dont la taille (entre 400 et 800 m²) est bien adaptée au centre urbain.
Ce changement des références antérieures bénéficie au centre urbain et correspond à des mutations de la société civile. Le développement durable et l’esthétique urbaine sont aujourd’hui des thèmes fondamentaux irriguant toute politique publique. Les considérations énergétiques et les crises limitent les déplacements et le « tout voiture ». Les évolutions de la durée du travail permettent d’accorder plus de temps aux loisirs et à la culture et moins aux « courses ». Le vieillissement des populations favorise l’habitat en centre-ville et donc le commerce de proximité.
En d’autres termes, on assiste au grand retour du commerce de proximité, mais au contenu pluriel. On rejoint alors une autre notion, très en vogue, la diversité commerciale qui a certes parfois servi à conforter les oppositions, mais qui aujourd’hui s’incarne au sein de l’activité de proximité.
Autre grand acteur, le commerce électronique, en constante progression. Or, Internet abolit les distances et la boutique apparaît sur l’écran du consommateur. Ne pouvait-on imaginer plus grande proximité ?