Un article de l'Oignon a retenu mon attention par son titre.
Un vrai cauchemar à la Hitchcock.
Cela fait peur, hein ? Avouez que cela vous fiche la trouille... Vous n'en menez pas large en lisant cela ! Qu'a-t-il donc bien pu se passer pour que le maître du suspense soit ainsi convoqué ?
La lecture de l'article vous apprendra qu'un paisible village champignacien de 60 habitants est cerné par des nuées de centaines de milliers d'étourneaux. Si l'étourneau peut en effet former exceptionnellement des bandes de cent mille volatiles, il me semble difficile que celles-ci puissent en compter plusieurs centaines de milliers au dessus d'un petit village. On ne compte en effet que trois millions et demi de couples en France, selon une estimation moyenne. Ce qui doit faire, rapporté à la superficie du territoire, quelque chose comme cent mille couples (le double dans l'hypothèse haute) pour toute la Champignacie. Cela voudrait dire que toute la population de sturnidés champignacienne s'est regroupée dans ce seul village viticole. L'étourneau est aussi classé comme nuisible dans bien des départements, je pense que ce doit être le cas ici du fait du grand pouvoir des vignerons et des céréaliers dans la région... L'étourneau du nord de la Loire est aussi normalement un animal migrateur au contraire de celui du sud qui est nicheur, il est donc rare d'en voir autant durant la froide saison. On comprend donc le cri d'alarme d'un maire en détresse et pour cela on emploie les grands moyens de l'emphase.
D'abord, qui dit nuées d'oiseaux dit Hitchcock. C'est un cliché presque inévitable dans un tel cas. On aurait dit assassinat dans une douche, on aurait aussi dit Hitchcock. Et si l'on doit parler d'une intrigue à suspense vaguement policier ou d'espionnage, on dira également "à la Hitchcock". L'expression étant entendue comme un compliment pour exprimer une forme de perfection du genre. "À la Hitchcock" est un terme superlatif en soi. On pourrait en trouver de similaires dans d'autres genres : un humour à la Marx Brothers, de la magie à la Méliès, un salmigondis à la Marguerite Duras.
Vient ensuite le cauchemar, et surtout le vrai cauchemar. Un cauchemar simple ne saurait frapper suffisamment les esprits. Tout le monde a connu en rêve des cauchemars, certains ont vécu des drames qu'ils nomment alors cauchemars sans que ce soit totalement épouvantable. C'est une sorte de métaphore hyperbolique afin de souligner sa détresse. Mais le vrai cauchemar indique d'abord que cela se passe dans la vie réelle et non en rêve, ensuite que ce cauchemar est encore plus cauchemardesque que les autres cauchemars réels. Que ledit vrai cauchemar soit en fait les prédations et les déjections de la gent ailée importe peu, ce qui va se superposer à l'esprit du lecteur c'est l'image des bandes d'oiseaux du film The Birds qu'il a sûrement vu. Parce que le spectateur du film l'a vu comme un cauchemar permanent ou un film censé susciter de mauvais rêves. Les trois locutions (vrai, cauchemar, à la Hitchcock) s'enchaînent d'autant mieux que cela semble correspondre au sujet (une invasion d'oiseaux sur le territoire des humains), mais c'est plaqué sur une réalité que l'on tente d'adapter dans le texte en évoquant les centaines de milliers d'oiseaux qui doivent être nettement moins nombreux et surtout qui sont moins meurtriers que ceux du film. Pourtant, c'est cette image qui peut rester du titre et de l'illustration.