Mouais… Objectif, quota, la nuance est mince quand on se propose d’atteindre «un pourcentage, un nombre déterminé», bref un quota, nous dit le Larousse.
Qui sont les boursiers en question ? Il s’agit des boursiers sur critères sociaux – il y a d’autres formes d’aides aux étudiants (aide au mérite, aide d’urgence…) qui n’entrent pas dans ce cadre. Les bourses sont attribuées sous conditions (nationalité, âge, diplôme…) en fonction des ressources de la famille (revenus déclarés du foyer fiscal avant abattements) et de ses charges (nombre de frères et soeurs, éloignement entre le domicile familial et le lieu d’études…) selon un barème national qui détermine le montant annuel de la bourse (échelon 0 à 6). Depuis la rentrée 2008, pour avoir droit à une bourse il faut que les ressources de la famille soit inférieures à 32440 € par an soit 2700 € par mois pour un foyer, ce qui est un peu plus que deux SMIC nets (2100 €).
Pourquoi 30% ? Sans doute parce qu’aujourd’hui le pourcentage de boursiers est de 32,7% dans l’enseignement supérieur et de 30,3% dans les universités (2) alors qu’il est estimé à 23% parmi les reçus aux concours d’entrée des écoles d’ingénieurs (3). A noter que s’il y a des différences de pourcentage entre les écoles il en est de même dans les universités : 40% de boursiers sur critères sociaux en IUT, 33% en Lettres-Sciences Humaines, 27% en Médecine, Droit et Sciences Politiques, 21% en IUFM (2). Vouloir atteindre 30% en moyenne pour se caler sur les universités pourrait être un objectif dans le cadre d’une volonté de rapprochement. Mais vouloir que chaque école ait ce 30%, c’est bien un quota, que l’on pourrait exiger aussi de chaque université ou composante d’université…
En fait ce 30% de boursiers c’est un skud contre les grandes écoles, lancé comme par hasard en novembre lors d’une rencontre avec Richard Descoings pour la signature du contrat d’établissement de Sciences Po Paris, qui s’engage à accueillir 30% boursiers en 2012 et qui se positionne comme une grande école… ce qu’il n’est pas (1) : c’est un IEP (Institut d’Etudes Politiques) au même titre que les autres, même s’il n’est pas rattaché à une université.
Recrutement par concours, spécificité française, coût des classes préparatoires… Les grandes écoles sont au coeur de la tourmente. Mais c’est peut-être l’ensemble du système qui a un problème. Ce n’est pas pour rien que les agences immobilières disposent de la carte scolaire de leur quartier, car même si elle a été assouplie elle demeure. Et à l’heure du “collège unique” les inégalités entre établissements sont majeures.
Garantir l’égalité des chances c’est permettre à tous de pouvoir accéder à un enseignement de qualité qui compense les manques socio-culturels et qui combat les phénomènes d’auto-censure limitant l’ambition de certains élèves. Et ceci dès l’école primaire. S’en préoccuper dans l’enseignement supérieur c’est un peu tard.
Les politiques de quotas dans l’enseignement supérieur sonnent comme un constat d’échec ou comme un aveu d’impuissance. Par ailleurs elles créent des effets de seuil et des biais supplémentaires. Quid des étudiants qui ne sont pas boursiers mais qui viennent d’une famille juste au-dessus du seuil ou d’un milieu culturellement défavorisé ? Car la pauvreté n’est pas que monétaire… Et pour reprendre l’exemple de l’IEP de Paris qui a passé des conventions pour des admissions parallèles avec 74 lycées – dont 36 en banlieue parisienne et 11 outremer – quid des élèves qui ne sont pas dans ces lycées mais qui sont tout autant défavorisés ?
Ajouter de l’inégalité à l’inégalité ce n’est pas aller vers plus de justice. Tout cela ressemble plus à une politique de diversification des élites (niveau du groupe) qu’à de l’égalité des chances (niveau individuel). Pour faire oublier la bipolarisation croissante de la société ? Ou le fait qu’on n’arrive pas à «moraliser le capitalisme» ?