« Faut-il Crever pour être aimé dans le monde des étriqués ou chez les pâles sirs de Beaudrucherie »
James Ensor
Au hit-parade des artistes les plus bizarroïdes, le Belge James Ensor (1861-1949) mérite une médaille d’or. C’est en tout cas l’impression qui domine en admirant les 90 peintures et dessins réunis au musée d’Orsay. Masques grimaçants, squelettes se battant pour un hareng saur, en référence à son nom
‘Art En Sor’, Jésus paradant à Bruxelles et des autoportraits parfois poignants : Ensor, dont les couleurs éclatantes rappellent l’impressionnisme ou le fauvisme, mais dont les sujets étranges annoncent le surréalisme avec des décennies d’avance, est inclassable dans le domaine de l’histoire de l’art. C’est un solitaire, non récupéré dans aucun mouvement. Cet isolement le rend aussi amer, critique, acerbe, voire revanchard dans sa peinture. Mais quelle leçon de peinture, les couleurs éclatantes, violentes, des tonalités crues de rouges, jaunes, mauves, verts, bleus. Ses maîtres : Goya, pour le goût du fantastique, Bruegel pour les scènes de foule très détaillées. C’est un artiste de la cruauté. Sont rassemblés crânes, sculptures monstrueuses et surtout masques lui ayant appartenu. Les carnets et croquis permettent d’approcher l’univers burlesque d’Ensor.
Ensor a réalisé 112 autoportraits, lequel choir pour illustrer mon propos ?
Narcisse, ambiguë, chapeau fleuri, où il n’hésite pas à se ridiculiser, le pisseur, gravure où il est de dos et se soulage contre un mur, ou encore, l’entrée du Christ à Bruxelles, s’identifiant au martyr en proie aux critiques. Et comme s’il défiait la mort dans beaucoup de toiles il se montre plusieurs fois sous forme de squelette. Novateur il a introduit les graffitis dans la peinture. Il participe à l’élaboration de son propre mythe. Il peint lors de ses débuts dans l’indifférence générale.
Il s’inspire de la boutique maternelle, un bric-à–brac baroque de coquillages, de chinoiseries, de souvenirs, de curiosités, des tenues de sa grand’mère. Scatologique, (eau-forte, le roi au centre, l’armée bourgeoise à droite, le clergé à gauche, nourissent le peuple de leurs excréments) satirique, agressif, étrange
« J’ai donné un style libre,(….) reflétant mes mépris, mes joies, mes peines…) »
Il s’exerce aussi à faire vibrer la lumière dans ses toiles, en peignant un univers brûlant, fantastique, grimaçant, caricatural, une symphonie de couleurs tranchées. Ses sujets, les natures mortes, la musique, la médecine, la mise en scène de ses critiques et détracteurs.
Soudain reconnu, a la fin de sa vie, nommé baron par le roi, il n’est pas dupe, mais apaisé Il assiste en 1930 à l’inauguration d’un monument à sa gloire. Une radio annonce par erreur son décès, en 1942 il va se recueillir devant sa propre statue.
Musée d’Orsay jusqu’au 4 février 2010
scan provenant du catalogue