Je sais qu’on en parle partout et beaucoup de cette catastrophe qui donne envie de crier sa révolte. Mais se révolter contre quoi ? Mère nature ? On le sait bien que ça fait peu de sens. Ça ne fait que nourrir le sentiment d’impuissance.
Je ne sais pas si vous saviez que plusieurs de nos écrivains devaient partir tôt ce matin pour Port-au-Prince, entre autres : Nicolas Dickner, Michel Vézina, Stanley Péan. Ils se joignaient à un Festival littéraire. TV5 Monde titre ... Un Festival littéraire pour projeter une autre image du pays. Aujourd’hui, cet article sonne un glas pathétique :
Environ 50 écrivains haïtiens et étrangers, dont le prix Médicis 2009 le Canadien d'origine haïtienne Dany Laferrière, prendront part aux activités qui se dérouleront dans onze villes du pays du 14 au 17 janvier.. Pour la responsable de la Direction nationale du livre Emely Prophète, la deuxième édition en Haïti de cet événement littéraire "prolonge l'enthousiasme des prix littéraires décrochés par près de dix écrivains haïtiens en 2009". Le président du festival, l'écrivain français Michel Lebris, voit ces distinctions comme "les signes d'une reconnaissance par le reste du monde de la formidable créativité littéraire d'Haïti, de sa diversité, de sa capacité à parler au monde entier". "Le festival littéraire permet d'imposer Haïti dans les salles de rédaction de la Francophonie", croit encore Emely Prophète poétesse. "C'est une occasion pour les auteurs consacrés et les écrivains d'avenir de faire rayonner Haïti, mal connu à l'étranger", estime pour sa part le journaliste-poète Dominique Batraville.
... si vous voulez l'article au complet, passez par ici.
Chantal Guy, ma journaliste littéraire préférée (bof ... j’envoie promener la diplomatie !), engagée, d’une intelligence qui va au-delà du convenu, nantie d’un humour qui me réjouit, était déjà à Port-au-Prince. Je lui avais même souhaité bon voyage sur Facebook, lui conseillant d’en profiter (!!!), à la suite de sa déclaration (qu’on appelle statut) disant qu’elle éprouvait un certain trac. La veille du séisme, elle disait avoir fait un tour touristique de la ville avec un guide merveilleux : Dany Laferrière. Alors, imaginez-moi sur Facebook, environ une heure après la catastrophe, inquiète au point d’être incapable de penser à autre chose, jusqu’à ce que Patrick Lagacé nous rassure. Toujours sur Facebook. Dans le cas de Nicolas Dickner, c’est lui-même qui est venu nous rassurer, nous disant qu'il était toujours à Montréal, et Stanley Péan, quelques heures plus tard.
On a le choix des malaises autour d’une telle horreur : de se sentir mesquin de s’inquiéter à ce point pour une poignée de personnes « en visite » pendant que les résidents vont rester avec leurs pertes insoutenables, leurs deuils cruels, éprouver du malaise de parler d’autre chose, de rire ou de se plaindre. Ou de donner l’impression de ne pas être assez affecté. Ou de ne pas donner de l'argent sonnant. La liste est longue.
Aujourd’hui, les statuts Facebook ont repris à peu près leur cours normal, on reparle de sa propre vie qui n’attend rien d’autre que de continuer son (long ?) cours. On peut aller déposer quelques dollars à La Croix Rouge, pour s’en donner la permission. Ça peut sonner amer ce que je dis là, je ne le suis pas pourtant, je me sens plutôt triste, pour mon impuissance, mais en même temps remplie d’indulgence, au nom de la liberté de réagir comme on l'entend. Ma réaction est de m’attacher plus que jamais à l’indulgence, une forme d’amour de la vie dans ce qu’elle a de plus humain. L’indulgence est un fleuve à la vague forte qui mène sûrement à la compassion. Et la compassion n’est pas un sentiment que l’on endosse comme un vêtement du dimanche pour certaines Causes avec de grands C, pour s’en dévêtir aussitôt revenu à sa vie « normale ».
Je nous souhaite la compassion, un état d’esprit à temps plein pour son voisin, près et lointain.